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horre l'originalité; il ne se résigne qu'en tremblant à être seul. Il faut qu'il soit toujours prêt à rompre en visière à la tradition et à l'autorité, si l'évidence de la raison l'y contraint; mais il faut surtout qu'il désire toujours avec passion de n'avoir pas à subir cette

redoutable nécessité.

En disant que la démonstration de l'immortalité de l'âme est achevée, et que la science n'a plus de progrès à faire sur ce point, nous ne voulons pas assimiler cette démonstration à celles, par exemple, de la géométrie, qui forcent l'assentiment des esprits les plus rebelles. Aucune démonstration historique ou philosophique ne peut avoir le caractère d'évidence particulier aux sciences déductives; et l'une des raisons qui propagent le scepticisme, c'est qu'on s'habitue trop souvent à demander à une science un genre de lumière qu'elle ne peut donner. La grande importance du résultat concourt d'ailleurs à rendre les adhésions difficiles; ce n'est pas peu de chose que d'établir par un raisonnement que notre âme est immortelle, cela vaut la peine d'y regarder à deux fois, et de rechercher avec soin si les raisonnements sont solides et les objections réfutables. On se montrerait moins difficultueux s'il ne s'agissait que de l'égalité de deux angles opposés par le sommet.

Ajoutons encore ceci : les raisonnements spéciaux qui servent à établir ces grandes vérités fondamentales ne doivent être pris que comme le résumé d'une

doctrine. Quand bien même ils n'auraient pas la force que l'école leur attribue, on ne serait pas en droit pour cela de douter des principes qu'ils sont destinés à établir. Ces principes ont une solidarité étroite avec l'ensemble d'une doctrine, et ne peuvent subsister ni périr qu'avec cette doctrine tout entière. Là est la véritable utilité des systèmes dont le vulgaire s'effraye à tort. Si une philosophie enchaîne ses diverses parties, l'existence de Dieu, la Providence, la liberté, l'immortalité de l'âme, le principe de la justice, de telle sorte qu'elles se supposent l'une l'autre, et que l'on ne puisse en supprimer une, sans renoncer à tout le reste, tous ces dogmes trouvent dans cette solidarité une force, une consistance que ne leur donneraient jamais les raisonnements les plus inattaquables. Je crois invinciblement à l'immortalité de l'âme, parce que je ne puis renoncer à y croire sans renoncer du même coup à tout ce que je crois.

Ne dédaignons pas cependant de passer en revue les arguments de l'école. Le plus ferme croyant a ses moments de langueur et de doute. Ces formules précises, dans lesquelles vient se concentrer une croyance, ont au moins la vertu de la rendre en quelques instants présente à l'esprit.

La première bataille qu'il faut gagner contre le doute se livre sur un autre terrain; car il n'est permis de parler d'immortalité que quand l'immatérialité est démontrée. Tout ce qui est corps est mortel.

Tout ce qui est divisible sera divisé. Notre âme est-elle une simple faculté de notre corps, corporelle comme lui? Alors, elle est périssable. Si au contraire, elle est immatérielle, il est bien difficile d'admettre sans preuve et sans analogie que ce principe indivisible soit destiné à périr.

Avant d'examiner la nature de l'âme et celle du corps, pour montrer qu'elles sont différentes et incompatibles, il sera bon de se poser cette question plus générale N'y a-t-il que des corps, ou bien existe-t-il une ou plusieurs essences spirituelles?

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Nous pourrions même transformer cette question de la façon suivante : Y a-t-il un Dieu? s'il y en a un, il ne peut être qu'un esprit. Voilà un grand pas de fait sans effort: ou il faut que les matérialistes soient athées, ou s'ils croient en Dieu, il faut qu'ils renoncent à tous les arguments qu'ils ont coutume de tirer de la prétendue impossibilité de l'existence d'une substance spirituelle.

Du moment que le créateur du monde est un esprit, il est difficile de comprendre pourquoi le monde ne contiendrait que des corps.

Que l'on presse les arguments des matérialistes, et l'on verra qu'ils reposent tous sur cet axiome: l'existence d'un esprit est impossible. Pour quiconque reconnaît l'existence de Dieu, le matérialisme n'a plus de raison d'être.

Qu'appelle-t-on un corps? C'est une substance étendue, colorée, sapide, odorante, pesante. Tous les corps n'ont pas tous ces caractères; mais il y en a un, le premier, qu'ils ont nécessairement.

Qu'appelle-t-on un esprit? Une substance active, sensible, pensante.

En quoi consiste le matérialisme? A soutenir que toute substance active, sensible et pensante est nécessairement étendue.

Comment prouve-t-il cette thèse? Par celle-ci : Tout ce qui est réel est nécessairement étendu; ou par cette autre Les propriétés de l'étendue sont nécessaires à l'exercice de la pensée, de la sensibilité, de la volonté. Non, tout ce qui est réel n'est pas étendu, puisqu'il y a un Dieu.

Non, l'étendue n'est pas nécessaire à l'exercice de la pensée, puisqu'il y a un Dieu.

Insistons sur cette prétention des matérialistes que l'étendue est nécessaire à la pensée : personne ne la démontrera ni ne la comprendra jamais. Aucun matérialiste, dans aucune école, à aucune époque de l'histoire, n'est venu à bout de la prouver. Il n'y a nulle analogie entre les fonctions intellectuelles et les qualités de l'étendue. On ne peut imaginer qu'un acte de l'entendement et de la volonté humaine résulte d'un certain mouvement corporel, d'une forme, d'une couleur de la matière cérébrale. On ne peut surtout le prouver. Donc, on ne peut établir scientifiquement la

thèse matérialiste. Elle n'a pas même une apparence vraisemblable. Elle est le plus téméraire et le moins spécieux des paradoxes.

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Il ne faut pas prendre le change dans cette question comme on le fait trop souvent, et s'imaginer que les spiritualistes ont à prouver l'existence de l'esprit. Ce n'est pas cela ce sont au contraire les matérialistes qui ont à prouver la légitimité de leur prétention. Ils veulent nous contraindre à confondre deux natures que nous concevons séparément, qui ont chacune des attributs différents et sans analogie entre eux. Cette entreprise est certes difficile. Elle l'est à tel point, que personne ne l'a jamais exécutée. On s'en est tenu à des affirmations gratuites. On en a appelé au témoignage des sens, comme si tout le monde ne convenait pas que les sens ne peuvent percevoir que les choses sensibles. A coup sûr personne n'a jamais vu ni touché une âme. Mais en revanche, quelqu'un a-t-il jamais vu ou touché une réflexion? une douleur? une résolution? En conclura-t-on que la douleur n'existe pas? Nous avons une faculté pour connaître l'étendue, et une autre faculté évidemment très-différente pour connaître la douleur. Puisque la douleur et l'étendue n'ont aucune analogie, puisque nous les voyons toujours séparément et par des facultés très-différentes, et puisque rien n'établit que l'une ne puisse exister sans l'autre, on peut en conclure qu'il n'y a pas moins d'absurdité à soutenir

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