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nement. Ainsi, c'est Dieu lui-même qui nous enseigne les vérités de la religion positive; et c'est l'homme qui cherche, à ses risques et périls, les vérités de la religion naturelle1.

La première différence qui résulte de cette double origine, c'est que la philosophie est obligée de prouver séparément chacun de ses dogmes, tandis que, dans la religion positive, il s'agit seulement de prouver que la révélation a eu lieu, et que le dogme qu'on propose à croire y est réellement contenu.

Par exemple, si un philosophe veut démontrer la Providence, il faut qu'il établisse d'abord que Dieu est bon, intelligent et tout-puissant; qu'il fasse voir combien il serait indigne de la bonté de Dieu d'abandonner les hommes après les avoir créés, et qu'il s'efforce d'arriver ainsi par voie d'induction à se persuader à lui-même, et à persuader aux autres, que Dieu dirige réellement la destinée du monde et la nôtre.

Mais le prêtre d'une religion positive n'a que faire de tous ces raisonnements. Dès qu'il a prouvé l'existence de la révélation et l'authenticité des livres qui la renferment, il lui suffit de montrer que la Providence est enseignée .dans ces livres. Le texte sacré tient lieu de preuve, et tout esprit doit se soumettre. Si, pour faciliter la croyance, le prêtre la développe, l'explique, la démontre, il le fait comme philosophe

1. Kant, Critique de la religion, III partie, chap. v.

et non comme prêtre; il ajoute l'autorité de la philosophie à celle de la religion; mais il donne ces autres lumières par surcroît; car la révélation venant directement de Dieu est, par essence, au-dessus de la démonstration et de la discussion philosophiques. Le dogme fût-il invraisemblable, eût-il contre lui les lumières de la raison et de la philosophie, il faut le croire, s'il est révélé, et la raison humaine ne peut en aucun cas s'élever contre la parole de Dieu.

En résumé, la religion s'appuie sur l'autorité, et la philosophie sur la raison.

Quiconque refuse d'admettre, purement et simplement, sans restriction ni réserve, tous les dogmes compris dans la révélation, se place en dehors de la foi religieuse. Au contraire, pourvu que l'on cherche la vérité de bonne foi, on est philosophe, quelle que soit la doctrine à laquelle on se range; car, une fois admise la souveraineté de notre raison, il n'y a plus d'autre règle que d'admettre ce qui lui paraît vrai, 'd'ajourner ce qui lui paraît douteux, de rejeter ce qui lui paraît faux.

Un prêtre qui admet quelqu'un dans sa communion, sans exiger une adhésion d'enfant à toutes les vérités révélées, a perdu le sens de sa mission. Ce n'est plus un prêtre, c'est un philosophe. Un philosophe, qui ne reconnaît pas en autrui les droits imprescriptibles de la liberté, n'est plus un philosophe; c'est un poëte, un rêveur, un illuminé. Il est de l'essence d'une religion d'être intolérante, et

de l'essence d'une philosophie d'être compréhen

sive.

Si, par impossible, une religion cessait d'être intolérante, elle ne serait plus une religion; car une religion ne se discute pas, ne se marchande pas. Elle est tout d'une pièce. Il faut la prendre entière ou la laisser. La moindre hésitation, la moindre réticence rend la foi inutile, la détruit. Dans certaines écoles philosophiques de l'antiquité, qui n'avaient pas encore la pleine intelligence du caractère de la philosophie, et qui affectaient à beaucoup d'égards la forme religieuse, on professait cet axiome: Le maître l'a dit. Le maître, dans une Église, c'est l'infaillible, c'est Dieu même.

Ce mot d'intolérance est pris généralement en mauvaise part, parce qu'il prête à une équivoque. Il y a deux intolérances, l'une au dedans, l'autre au dehors, l'intolérance ecclésiastique et l'intolérance civile. La première découle du principe même sur lequel toute religion positive est fondée; la seconde est l'abus le plus terrible que les hommes puissent faire du nom de Dieu. Autant il est raisonnable d'exclure de l'Église ceux qui ne croient pas ce que l'Église enseigne, autant il est criminel d'employer la force pour faire entrer dans l'Église ceux qui n'ont pas la foi. L'intolérance extérieure, l'intolérance civile, celle qui est criminelle, est tout entière dans cet em. ploi de la force. Hors de là, il n'y a que légitime dé

fense, discussion, apostolat1. Le prêtre qui discute une doctrine, qui montre en quels points elle s'écarte de l'orthodoxie, qui interdit même aux fidèles de sa communion l'usage des livres dangereux, celui qui va chercher les incrédules pour s'efforcer de les convertir en les persuadant, ce prêtre-là ne fait que son devoir. Il a l'intolérance ecclésiastique; il n'a pas l'intolérance civile. Si, réunissant le pouvoir temporel au pouvoir spirituel, soit directement, soit par voie d'influence, il persécute ou fait persécuter les incrédules; s'il fait, ou s'il inspire des lois qui empêchent la libre manifestation de la pensée, qui détruisent l'égalité civile et l'égalité politique entre les croyants et les incrédules, et qui exigent, même des dissidents, la pratique extérieure d'une religion qu'ils 'ils repoussent; si, privé de cette influence directe

1. « Comme il disait cela, un des gardes lui donna un soufflet, disant « Est-ce ainsi que tu réponds au pontife? »

<< Jésus lui répondit : « Si j'ai mal dit, convainquez-moi; si j'ai « bien dit, pourquoi me frappez-vous? Ev. selon S. Jean, chap. XVIII, vers. 22 et 23.

2. La doctrine de J. J. Rousseau, dans la Profession de foi du vicaire savoyard, est contraire à celle que nous exprimons ici : << La distinction entre la tolérance civile et la tolérance théologique, dit-il dans une note, est puérile et vaine. Ces deux tolérances sont inséparables, et l'on ne peut admettre l'une sans l'autre. Des anges mêmes ne vivraient pas en paix avec des hommes qu'ils regarderaient comme des ennemis de Dieu. » L'intolérance ecclésiastique n'oblige pas les chrétiens à voir des ennemis de Dieu dans ceux qui ne partagent pas leurs croyances; elle les oblige seulement à ne pas voir en eux des chrétiens. La tolérance telle que Rousseau l'entend ressemble à l'indifférence; et c'est ce qui explique la conduite de son vicaire savoyard, qui dit la messe quoique incrédule.

sur l'autorité temporelle, il emploie les armes spirituelles pour nuire à la liberté, aux droits, aux intérêts des incrédules, en transformant leurs doctrines, en calomniant leurs intentions, en dénaturant leurs paroles et leurs actes, ce qui est faire appel à la violence par des voies détournées, alors il est intolérant de cette espèce d'intolérance que la conscience publique flétrit. Il pèche contre sa religion qu'il rend odieuse, contre la société qu'il scandalise et qu'il divise, contre les personnes qu'il condamne au malheur de la proscription, ou au malheur plus grand encore de l'hypocrisie. Il fut un temps où, par une confusion déplorable, l'Église confondait le droit d'imposer ses doctrines à ceux qui reconnaissent son autorité, avec le droit d'imposer son autorité à ceux qui, dans le fond de l'âme, refusent de la reconnaître. Elle était alors intolérante au dedans et au dehors; non pas seulement étrangère à la liberté, mais hostile; elle enseignait par la confiscation, par le glaive et par le bûcher, au lieu d'enseigner par la prédication, par la discussion libre et par l'exemple. Il est impossible de nier ces faits que l'histoire établit; il est injuste de les attribuer à autre chose qu'aux passions humaines. La seule intolérance qui découle de l'essence d'une religion, et non de la passion de ses prêtres, c'est l'intolérance ecclésiastique, dont la légitimité et l'innocuité sont au-dessus de la discussion.

En parlant ici de l'intolérance et de ses diverses espèces, nous ne prononçons pas le nom de l'Église

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