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devoir du chrétien, pour se laisser aller à des sentiments hostiles contre les incrédules; si l'on prie encore pour eux, ces prières ont l'air d'une insulte. Enfin, on tombe dans les distinctions sophistiques, dans les subtilités, dans les raffinements. On adopte des subterfuges, des équivoques, des moyens termes. On entre en accommodement avec le ciel et avec sa conscience. On devient d'une crédulité idiote et empressée pour de faux miracles, de faux miracles, que l'Église repousse,

qui ne pourraient servir à la gloire de Dieu, qui scandalisent les incrédules et les vrais dévots. On fait la guerre non-seulement à la philosophie, mais à la science, aux lettres, à la civilisation. Ces défauts ne doivent pas retomber sur une Église qui les condamne. Il n'est pas de culte positif, si parfait qu'on le suppose, qui, les vices de l'humanité aidant, ne puisse chez les esprits d'un ordre inférieur dégénérer en superstition.

Nous revenons maintenant à la religion naturelle, avec l'espoir de la faire mieux comprendre, grâce à la comparaison que nous venons de provoquer.

La religion naturelle est ennemie de la superstition. Comme elle s'appuie toujours sur la raison, elle n'admet rien en sa croyance dont elle ne se soit pleinement rendu compte. Son caractère propre est la netteté, la précision, la sincérité. Elle ne feint pas de savoir ce qu'elle ignore; elle ne couvre pas de grands mots son ignorance; elle reconnaît de bonne foi qu'il

y a des secrets inaccessibles à la science humaine, et s'efforce seulement de déterminer exactement les points qui peuvent être connus, et ceux qui, par la faiblesse de notre esprit, doivent nous demeurer cachés. Elle se pose à elle-même ses bornes; et dans la limite où elle se resserre, elle ne souffre rien d'obscur et d'inexpliqué. Elle ne se perd pas dans les nuages; elle ne rêve pas; elle est claire, sensée, méthodique. Il n'y a rien en elle qui ne soit conforme au sens commun. Elle se rend intelligible aux esprits médiocres, et elle suffit aux besoins des esprits cultivés. La poésie dont elle est pleine est vigoureuse et salutaire. C'est pour l'intelligence un aliment sain et solide, également éloigné du matérialisme et de l'extase.

Le Dieu de la religion naturelle n'est pas un Dieu humain, que nous puissions rabaisser à notre niveau et mesurer à notre petitesse, car il n'y a rien de plus insensé que de supposer un Dieu qui n'explique rien dans le monde à force de ressembler au monde; mais ce Dieu inconnu soutient notre raison, au lieu de la troubler. Il est son point de départ, comme tout premier principe est le point de départ des démonstrations sans pouvoir être démontré lui-même. Nous ne savons rien de sa nature, sinon qu'elle est parfaite en intelligence, en bonté, en puissance; ni de son éternité, sinon que le temps n'en est pas même l'image. Nous le connaissons mieux par ses œuvres

.qu'en lui-même; mais dans ses œuvres nous voyons partout les marques de sa bonté et de sa grandeur. Nous savons qu'il a créé le monde, et nous voyons qu'il le gouverne. Nous constatons la création, nous renonçons à l'expliquer, parce qu'il n'y a rien d'analogue dans les actes humains. De même nous suivons avec amour et respect le développement des vues de la Providence, sans nous représenter Dieu comme un ouvrier malhabile et incertain, qui change d'avis et raccommode son œuvre, ou comme un père faible, tantôt irrité, plus souvent attendri, qui s'abandonne à sa colère, en rougit, et s'efforce de la faire oublier par sa tendresse. Un tel Dieu n'est pas l'idéal qui resplendit au fond de la raison humaine, et dont la science nous montre la glorieuse et féconde immutabilité. Le vrai Dieu n'a rien de l'homme. La passion, l'inconstance, l'effort ne sont pas en lui: cette sereine et puissante volonté tire les mondes du néant, avec leurs développements jusqu'à la fin; cette intelligence voit du même coup tous les temps et tous les espaces; cet amour embrasse à la fois tous les êtres créés, et les voit présents devant lui chacun avec toute son histoire. Dieu nous a placés dans le monde pour le gouverner, pour le traverser. Nous y marchons, sous son œil et sous sa main, mais dans la plénitude de la liberté que nous tenons de lui, soutenus par les éternels décrets de sa puissance, vivifiés par l'éternel amour qu'il ressent pour sa créature. Par lui rien ne nous manque ici-bas pour la seule

œuvre qui nous importe, car il nous a donné le devoir et la liberté; par lui, rien ne nous manquera dans l'avenir, car à la mort il apaisera les ardeurs de notre cœur et de notre esprit en se donnant lui-même à nous pour aliment, en nous remplissant du spectacle de sa gloire et des torrents de son amour. Qu'importe de marcher sur des cailloux, à travers des ronces, pour arriver à cette fin? Il faut que le bonheur soit conquis, pour être vraiment le bonheur. Nous acceptons résolûment l'épreuve; et nous faisons de nos sacrifices comme un hymne à la gloire du Dieu qui nous soutient et qui nous appelle. Ce monde, si plein de Dieu, n'est plus pour nous une prison, c'est un temple.

Dès que nous connaissons à la fois notre origine et notre but, enfants de Dieu, appelés par sa volonté bienfaisante à retourner vers lui, nous sentons que notre premier devoir est de rester unis à notre Père, et d'employer tous les instants de notre vie à lui témoigner notre reconnaissance. Nous devons un culte à Dieu, et nous avons besoin, pour nous-mêmes, pour notre consolation, de l'adorer. Comment adorer celui qui, par sa seule volonté a tiré le monde du néant, dont la grandeur, la puissance n'ont pas d'analogue, et ne peuvent être exprimées par des paroles, qui est au-dessus du temps et de l'espace, dans l'indépendance absolue et le bonheur parfait? C'est parmi les bienfaits de Dieu l'un des plus signalés de nous avoir imposé une règle, donné une tâche dif

ficile, et fourni par là l'occasion de le servir, en coopérant pour ainsi dire à son œuvre. Sans la liberté, nous ne pourrions pas adorer. Dieu nous a laissé en quelque sorte, pour notre liberté, pour notre activité, pour notre devoir, une petite sphère, où nous pouvons à son exemple, faire le bien, concourir à l'unité générale. Nous pouvons nous maintenir entiers et sains, comme corps et comme esprits, sans contracter de souillure, sans nous amollir, sans nous affaiblir. Nous pouvons développer les aptitudes de notre corps; diriger vers la vérité éternelle toutes les forces de notre esprit; aimer la beauté éternelle de tout notre cœur. Nous pouvons, en suivant notre sentier, regarder en avant de nous, à droite, à gauche, quels sont ceux de nos frères que l'ignorance, le vice, la maladie, la misère condamnent à souffrir, et leur venir en aide, avec une ardeur infatigable. Nous pouvons panser leurs plaies, étancher leur soif, leur distribuer notre superflu, ou leur faire une part dans notre nécessaire, ouvrir leurs esprits, guérir ou réchauffer leurs cœurs; leur donner notre exemple, à défaut d'autre secours; leur apprendre à connaître Dieu, à le servir, et à trouver de la douceur dans son service. Nous pouvons, regardant la vie de plus haut, nous consacrer à la science, travailler sans relâche, non pour nous, mais pour la vérité, ravir ses secrets à la nature, et les répandre autour de nous, ou les consacrer à la postérité, trésors que Dieu nous dispense pour en faire jouir nos frères par nos mains. Voilà le

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