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culte que nous devons à Dieu, voilà la prière qu'il aime; voilà les degrés par lesquels nous remontons à lui. Dieu permet qu'on lui bâtisse des temples; mais une école, un hôpital, une fabrique, sont aussi des temples élevés à sa gloire. On lui adressera des prières; mais il n'y a pas de prière qui vaille à ses yeux une bonne action'. La nature ne met rien sur nos lèvres, que ces paroles : « O Dieu, puissé-je vivre suivant ta loi et suivant ton cœur! » Ainsi l'action est le premier précepte et la meilleure prière. Ce n'est pas seulement l'homme pervers qui est réprouvé, ce n'est pas l'impie, ce n'est pas le violateur de la justice humaine et divine, celui qui prend la vie, les biens, la liberté de ses frères, qui souille son âme et son corps par l'assouvissement de honteuses passions; c'est l'homme inutile, qui enfouit sa force; c'est l'âme solitaire, qui faite pour l'humanité, s'isole de l'humanité; qui ne veut vivre que pour elle-même, contente de ne pas faillir, comme si la vertu n'était qu'une négation; qui cherche dans l'anéantissement des passions et comme dans une mort anticipée, une innocence imbécile, tandis qu'il faut virilement combattre le combat de la vie, le bon combat, aimer, penser, agir, laisser sa trace, faire du bien, imiter Dieu, escalader le ciel, et non le rêver!

1. « Les cérémonies extérieures ne sont que des marques du culte intérieur, qui est tout l'essentiel. Ces cérémonies sont destinées à frapper l'homme grossier par les sens, et à nourrir l'amour dans le fond du cœur. » Fénelon, Troisième lettre sur la religion.

On dit que la religion naturelle ne donne à l'homme ni un symbole, ni une table de la loi. C'est calomnier à la fois la raison et la liberté. Qu'est-ce que la raison, sinon une force et une lumière, pour chercher, pour trouver la vérité? Qu'est-ce que la raison, sinon une règle? Si pour aller jusqu'au bout de la raison, si pour éclaircir, pour développer, pour appliquer la règle, il faut des efforts, c'est notre condition et notre nature; Dieu l'a voulu ainsi en nous faisant libres. Acceptons l'homme tout entier. Gardons-nous de croire que le Créateur nous ait donné la raison pour l'emmaillotter, ou la liberté pour nous faire vivre enchaînés au fond d'un cachot. Aussi insensés que ces scolastiques qui, par leurs formules, réduisaient l'esprit humain à n'être qu'une machine, sont ces éternels enfants qui ne conçoivent pas qu'on puisse marcher dans le monde sans lisières, avec l'étoile de la raison qui nous luit, et la main toute-puissante qui nous soutient. Ne donnons pas pour spectacle à Dieu l'amoindrissement systématique de son œuvre. Ne réduisons pas l'intelligence à la condition de l'instinct; ne faisons pas de l'homme libre un automate. Dieu nous donne le commencement de la vérité, et le principe de la loi; et il nous commande de développer ces prémisses, de conquérir le symbole, d'appliquer la loi, de l'approfondir. Il nous commande de vivre! Il ne faut pas traiter la liberté en ennemie, puisque c'est le plus grand don que Dieu nous ait fait. C'est la gloire de la religion naturelle, de laisser

intacte la liberté dans l'ordre de la pensée, et dans l'ordre de l'action.

On reproche encore, sans plus de justice, à la religion naturelle de n'offrir à l'homme au delà de cette vie qu'un avenir incertain. Tous les raisonnements sur lesquels on appuie l'espérance de l'immortalité sont sujets à contestation, comme tous les raisonnements humains. Beaucoup d'esprits puisent dans ces arguments une confiance absolue; d'autres demeurent dans le doute; d'autres, enfin, rejettent toute croyance à une vie future. Ce n'est pas assez d'une espérance si contestée pour servir de sanction à la vérité morale. Il nous faut, pendant la vie, une foi plus sûre d'elle-même. Il faut un autre oreiller à la

mort.

Nous pourrions répondre, avant tout, que la justice ne dépend pas de la récompense, mais, au contraire, la récompense de la justice; qu'il faut faire le bien sans hésitation ni arrière-pensée, parce qu'il est le bien; que la vertu n'est pas un négoce, et que l'homme digne de ce nom doit être prêt à mourir pour elle, dût la mort, remplissant les tristes espérances du matérialiste, anéantir la pensée dans la dissolution du corps. Quand même la vérité serait inutile ou funeste, l'homme ne devrait pas souiller son esprit par une erreur; et il ne devrait pas souiller sa liberté par un vice, quand même il n'y aurait que des douleurs pour l'honnête homme et des joies pour

le méchant. Ne laissons pas périr cette maxime sainte et forte, que la philosophie ancienne connaissait, par laquelle le stoïcisme a vécu, et qui est une des grandeurs de la doctrine chrétienne. Mais, après l'avoir rappelée, avouons ce qu'il y a en elle d'austérité, et soyons reconnaissants envers Dieu qui a rendu la vertu, non-seulement aimable, mais fructueuse, et qui ne l'a condamnée à souffrir si souvent dans ce monde que pour la récompenser dans l'autre. L'espérance de l'immortalité est une des grandes forces de la vertu, quoiqu'elle n'en soit pas l'unique force; et le dogme des récompenses futures est une partie nécessaire de la religion naturelle. Mais que nous veut cette négation obstinée, qui, vaincue dans la discussion, et obligée de céder aux arguments sur lesquels la philosophie spiritualiste s'appuie pour promettre aux hommes l'immortalité, se rejette sur une prétendue impuissance de la raison humaine, et va jusqu'à nous contester toute certitude pour nous ravir celle-là plus sûrement? A l'exception des vérités de fait, qui parfois trouvent aussi des contradicteurs, quelle est donc la doctrine, en philosophie, en morale, en politique, en économie, qui ne soit tous les jours honnie et conspuée? Il ne s'agit pas de savoir si l'immortalité de l'âme est contestée, mais si elle est vraie. Les docteurs des religions révélées, qui, une fois la révélation admise, n'ont besoin que de la parole de Dieu pour être certains de l'immortalité ne dédaignent pas d'ajouter à cette certitude la certitude

d'une autre sorte que produisent les démonstrations de l'école. Eh! qui donc oserait dédaigner la preuve philosophique, quand la révélation elle-même est obligée de faire reconnaître ses droits par la raison, avant de lui demander obéissance? La religion naturelle, dans tous ses dogmes, a tout juste le même degré d'autorité et de force que la raison. Cela nous suffit pleinement; et à ceux qui refusent de s'en contenter, il ne reste d'autre refuge, s'ils sont conséquents, que le scepticisme.

Une objection plus sérieuse peut-être, parce qu'elle est moins radicale, consiste à soutenir que la religion naturelle manque de précision dans ses dogmes. Elle prouve l'existence de Dieu et l'immortalité de l'âme; mais elle ne nous éclaire pas complétement sur la nature de Dieu et sur les conditions de la vie future. Il est vrai, mais ces limites qu'on nous reproche sont les limites mêmes de l'intelligence humaine. Nous n'aspirons à rien qui ne soit dans les limites du possible, et quand on nous demande de comprendre l'incompréhensible, nous croyons que c'est comme si on nous demandait d'être infinis. Nous savons de Dieu qu'il existe, qu'il est parfait, qu'il nous a créés, qu'il nous aime, qu'il gouverne le monde, qu'il nous récompensera: voilà tout ce qu'il nous faut pour l'aimer et pour le servir. Que veuton de plus? Savoir la nature même de la perfection, l'essence de l'acte créateur? Mais comment les

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