Oeuvres complètes de Voltaire. Tome premiere. [-

dont les unes font couvertes de neiges fept mois de l'année, et les autres de neiges et de glaces éternelles.

La terre labourée avec fix bœufs n'y produit d'ordinaire que trois pour un, ce qui ne paye pas lcs frais de la culture. Auffi, avant l'année 1770, époque de l'établiffement des fupplians, il eft prouvé que le nombre des habitans du pays de Gex était réduit à moins de neuf mille, ayant été de dix-huit mille vers l'an 1680.

Le pays ne commence à fe repeupler et à fe vivifier que par les attentions du gouvernement, qui a protégé des manufactures et un commerce abfolument néceffaires.

Le confeil de fa majefté peut interroger fur tous ces faits le fieur l'Epine, horloger du roi, natif du pays de Gex, qui vient d'établir une nouvelle fabrique à Ferney, par les foins du feigneur du lieu.

Nous nous jetons, Sire, au pieds de votre majesté; nous la fupplions de nous faire jouir des priviléges accordés par Henri IV, dont vous égalez la bienfesance. Nous fommes vos fujets, et Genève n'était que la protégée d'Henri IV.

Nous vous conjurons d'ordonner :

Qu'il nous foit permis de travailler l'or à dix-huit karats, et l'argent à dix deniers de fin:

Que nos ouvrages aient un cours libre dans le royaume, et un passage libre aux pays étrangers :

Que nous ayons à Ferney et à Verfoi un poinçon affecté à nos fabriques; que ce poinçon foit fabriqué par deux de nos fabricans affermentés et par un tiers, nommés tous trois par M. l'intendant de la province, ou par fon fubdélégué, pour empêcher toute fraude:

Que la ferme du marc d'or lève dix fous par chaque montre fabriquée au pays de Gex:

Que votre majefté daigne nous continuer l'exemption des impôts et du logement des foldats, dont nous avons joui fous le règne du roi votre prédéceffeur.

L'original entre les mains de M. le contrôleur général, figné de cent principaux artiftes, du 20 juillet 1774.

FRANÇOIS DE VOLTAIRE, gentilhomme ordinaire de la chambre du roi, poffeffeur du petit hameau de Ferney, devenu une communauté d'artistes trèsutiles, préfente très humblement cette requête à M. Boutin, intendant des finances, et le fupplie d'en conférer avec M. le contrôleur général, lorfque les affaires plus importantes lui en laifferont le loifir.