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fi conforme à mon inclination naturelle, & qui a fervi d'adouciffement aux afflictions qui ont été la fuite de mes infortunes, attrifle d'avance mon ame, déja trop affectée d'ailleurs; mais enfin, vous le Javez, il faut que j'endure ce contre-temps facheux; il le faut fans doute. Quelque preffans, quelque graves que foient cependant les motifs qui m'y forcent, je vous avoue que je ne faurat me réfoudre à voir diffiper en peu de jours, par une vente en detail, une Collection fi importante que j'ai eu tant de peine à raffembler, & qui paffe à jufte titre pour la plus complette qui exifte chez aucun Farticulier dans ces Provinces. Je veux me réferver du moins la confolation de la confiderer entiere, foit entre les mains d'un riche Amateur, foit dans la poffeffion de quelque Maifon illuftre, ou d'une Communauté ou Corps utile au Public; confolation qui me feroit encore plus agreable, fi j'avois le bonheur de pouvoir la placer en Espagne, où, fous la puiffante protection d'un grand Monarque, on voit deja renaître, , pour le progrès & l'avancement des Lettres, le beau fiecle de Charles V & de Philippe 11, ft. fecond en grands hommes.

Je facrifierois volontiers mes intérêts pour l'accompliflement de ce defir, que le feul amour de la Patrie a fait naître en moi. Ce n'eft point que je n'aimaffe autant la

voir placée dans ces Provinces, où des Villes confidérables, & qui d'ailleurs peuvent aller de pair avec les plus belles & les plus floriffantes de l'Europe, fe trouvent, je ne fais par quelle fatalité, encore aujourd'hui deftituées de etabliffement fi utile d'une Bibliothèque Publique (1): car vous savez

() Dans le grand nombre de Villes considérables qui embellissent les Pays-Bas A trichiens, Bruxelles est la seule où l'on trouve une Bibliothèque Publique; encore cette Biblio theque est-elle loin de répondre à la splendeur et à la magni ficence de cette Ville capitale du Brabant, et siege actuel du Gouvernement-géneral de la Belgique. Il y a à Louvain, il est vrai, une fort belle Bibliothèque; mais elle appartient exclusivement à l'Université. Anvers, une des plus belles et des plus riches Citès de l' urope, quoique fort déchue de son ancien lustre, ne posséde aucun établissement public pour le progrès et l'avantage des Lettres. Les personnes peu favorisées de la fortune, et auxquelles leurs moyens ne permettent pas de se procurer des livres, s'y trouvent destituées de toute espèce de secours Littéraires; de maniere que, malgré leur amour pour les Sciences, elles se voyent forcées de rester dans l'ignorance, et ce qui est encore pis exposées aux suites funestes de l'oisiveté. C'est pour remédier à cet inconvénient que, dans la ville de Gand, capitale de la Flandre, un grand nombre de personnes instruites, enflammées du desir d'étendre le goût des Sciences, ont formé une So ciété Littéraire très-utile, et qui remplace avan ageusement le besoin qu'on y éprouve d'une Bibliothèque Publique. Cette Société a une belle Maison sur le CAUTER, où elle se rassemble tous les jours, et où elle commence à former une Bibliothèque qui sous la direction de M. Van Hulthem, jeune homme plein de connoissances Littéraires et Bibliographiques, deviendra probablement un jour très-considérable. Il seroit à souhaiter que les autres Villes de la Belgique, excitées d'une noble émulation, s'empressassent d'établir, à l'exemple de Gand, de semblables Corps Littéraires, qui pourroient suppléer avec avantage au besoin qu'elles ont d'une Bibliothèque pour l'instruction du Public,

fort bien que j'ai confidéré toujours lePays-Bas Catholiques comme ma véritable Patrie; & certes deux cents ans d'habitation continue & fans interruption par nos tre Famille, depuis Don Pedro de San Juan, Secrétaire d'Etat & de Guerre de l'Infante Ifabelle de glorieufe mémoire, dont je conferve encore quelques dépêches originales, apoftillées de la main propre de la Séréniffime Infante, me fourniffent, je crois, un titre jufte & bien fondé au droit de Citoyen de la Belgique. Mais outre le grand nombre de Bibliothèques particulieres qu'on y trouve, l'heureufe fituation de ces Provinces entre la France, l'Angleterre & la Hollande, où fe trouvent fréquemment expofées en vente des collections confidérables de Livres, leur donne mille moyens,

que l'Espagne n'a pas, de s'en procurer facilement. C'eft une des raifons principales qui me portent à defirer de préférence l'Ef pagne, où ces occafions font fort rares, & où les B.bliothèques particulieres font en petit nombre.

Malgré l'idée avantageufe que vous vous étes peut-être déja formée de cette Bibliothèque, d'après ce que je vous en ai dit plufieurs fois dans mes lettres précédentes j'ai encore lieu de croire, qu'en repassant ce Catalogue, vous ne la trouverez pas audeffous de fa réputation ; & comme plufieurs autres, vous ferez fans doute étonné, qu'en

fi peu de temps, & avec une fortune trèsmédiocre, on ait pu raffembler une collection fi riche, & fi complette dans toutes les branches de la Littérature. Le but, qu'on s'eft propofé en la formant, n'a pas feulement été de fatisfaire le goût particulier pour les Lettres, mais auffi de fournir aux Savans, à qui elle a été toujours ouverte, les fecours, dont ils ont befoin (1). Aussi

(1) Personne n'ignore à Bruxelles l'accès facile que les Gens de Lettres ont eu en tout temps à cette Bibliothè que, et la facilité avec laquelle j'ai toujours tàché de satisfaire leurs desirs, en leur prêtant des Ouvrages méme considérables et de grand prix; facilité qui m'a quelquefois écé funeste par la perte de plusieurs livres. Au reste, j'ai sup porté cette perte sans me plaindre; et si j'ai trouvé des ingrats, j'ai trouvé aussi des personnes reconnoissantes, et j'ai eu sur-tout le plaisir de bien faire et d'être utile. Mon inclination naturelle à faire plaisir aux autres ne sauroit se ralentir par la crainte de quelque désavantage d'intérêt, ni par les murmures méprisables, que la cupidité et l'appat du gain peuvent faire répandre contre moi. Derniérement une Famille amie, que j'estime, se proposant de vendre une collection de Livres qu'elle possédoit, me demanda conseil à ce sujet, et particuliérement sur les moyens d'épargner des frais considérables, qu'on exigeoit pour la rédaction du Catalogue, je les lui indiquai ces moyens, et malgré mes occupations, cédant au desir d'obliger un ami, j'aidai moi-même à dresser le catalogue de ses Livres; et par-là j'ai épargné des frais à cette Famille trop honnête pour ne pas m'en témoigner sa reconnoissance. Eh-bien! J. E., Libraire, n'ayant pas trouvé mon conseil conforme à ses intérêts, a rempli cette Ville de ses cris, et a voulu faire regarder cette action comme malhonnête et indigne d'un homme de probité: mais comme ma morale n'est point fondée sur les principes d'une vile cupidité, je puis assurer J. E. que je me ferai toujours une gloire, quand l'occasion se présentera, de répéter avec plaisir une action que je trouve très-conforme aux principes, qui constituent l'homme de probité, et aux devoirs d'un amì.

eft-elle compofée principalement d'Ouvrages utiles & neceffaires à l'étude & aux recherches des Gens de Lettres, fans que cependant l'on ait nullement negligé de recueillir avec foin les Livres rares & curieux, ni les productions typographiques du XVme, fiecle, dont toutes les Claffes offrent plus ou moins d'articles intéreffans.

On trouve dans la Théologie la Polyglotte de WALTON, les Bibles hebraïques de ROB. ETIENNE, de VANDER HOOGT, d'HOUBIGANT; un MS. Hébreu très-précieux, écrit fur des peaux, le plus ancien peut-etre qui exifte en Europe, & contenant le Pentateuque : les Bibles Efpagnoles de REYNA, de VALERA, & la très-rare verfion du Nouveau Teftament de FRANÇOIS DE ENCINAS; la Phyfique facrée de SCHEUCHZER; les meilleurs interprètes de l'Ecriture Sainte, les collections des Conciles de LABBE, & d'HARDOUIN; une belle fuite des meilleures éditions des SS. PP. Grecs & Latins; la Collectio maxima de Lion, les œuvres d'ALBERT LE GRAND, de S. THOMAS, de DUNS Scorus, de GRETZER, de BENOIT XIV; divers opufcules rares aes Hétérodoxes, parmi lesquels la rariffime verfion Efpagnole des inftitutions de Calvin.

Les autres Claffes offrent de même un très-grand nombre d'Ouvrages rares & uti

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