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côté des sens volages et de la chair rebelle, qui secouent à tout moment le joug de la raison; besoins du côté des ennemis du salut, soit visibles, soit invisibles, contre lesquels nous avons sans cesse à combattre et à nous défendre. Sans la grâce on ne peut remplir tant de besoins, guérir tant d'infirmités, surmonter tant d'obstacles; et cette grâce, sans laquelle nous ne pouvons rien, pas même former une seule pensée pour le salut, la prière est un moyen de l'obtenir.

Qu'on ne dise donc point que la prière est inutile, ou même injurieuse à Dieu, puisqu'elle lui découvre nos besoins, comme s'il les ignorait, et qu'elle s'efforce de nous le rendre favorable en lui faisant changer de volonté, comme si elle n'était pas immuable. Dieu connaît nos besoins mieux que nous ne les connaissons nous-mêmes; et, malgré cette connaissance, il veut que nous les lui exposions avec un humble sentiment, non afin de les lui faire connaître, mais afin que, pénétrés de notre indigence et de ses bontés, de notre faiblesse et de son pouvoir, de notre dépendance et de son domaine, nous demandions les grâces attachées à la prière par une sage disposition de la Providence, qui a réglé qu'il nous accorderait ce que nous lui demanderions avec les dispositions convenables : petite et accipietis. (Joan. 16, 24.) Lors donc que nous prions, nous ne pré

tendons pas changer l'immuable volonté de Dieu; nous voulons au contraire entrer dans ses dispositions, et nous y conformer en demandant ce qu'elle a résolu de n'accorder qu'à la prière. Non propter hoc oramus ut divinam dispositionem immutemus, sed ut impetremus quod Deus disposuit per orationem esse implendum. ( Greg. lib. 1 Dialog., cap. 8.) Valent orationes non quasi ordinem æternæ dispositionis immutantes, sed quasi sub tali ordine etiam ipsæ existentes. (S. Thomas, lib. 3, cont, gent., cap. g6.)

S IV.

Du temps auquel le précepte de la prière oblige.

Jésus-Christ dit qu'il faut toujours prier, et ne se pas lasser de le faire. Oportet semper orare et non deficere (Luc, 18, 1.); et saint Paul dit : Priez sans cesse. Sine intermissione orate. (1 Thessal, 5, 17.)

Pour entendre ces paroles, il faut distinguer, 1°. la prière prise dans un sens impropre pour toutes sortes de bonnes œuvres, et la prière prise strictement pour la demande, en tant que séparée des bonnes œuvres; 2o. la préparation et le désir du cœur, qui est l'âme de la prière et l'effet, et l'expression de ce désir, et l'exercice actuel de la prière.

Si l'on prend la prière en un sens impropre pour les bonnes œuvres, il faut toujours prier en ce sens, parce qu'il faut tou

jours bien faire, et rapporter à Dieu toutes ses actions. Mais ce n'est point là le sens des deux pas sages cités, puisqu'il est question de la prière proprement dite, comme il est clair, tant parce que les saints Pères et les théologiens se servent de ces deux passages pour établir la nécessité de la prière, en tant que distinguée des bonnes œuvres, que parce qu'on s'aperçoit aisément, en lisant la suite de ces passages, qu'on doit les entendre de la prière proprement dite, ou de la demande que l'on fait à Dieu.

Si l'on prend la prière en un sens propre pour la demande, il faut toujours prier en deux sens très-véritables: 1o. il faut toujours prier, quant à la préparation de l'âme et au désir du cœur, c'est-à-dire, comme l'explique saint Augustin, que le désir doit être continuel et sans interruption.

Un désir continuel, formé par la charité, et soutenu par la foi et l'espérance, est, dit ce Père, une prière continuelle..... Lors donc que l'apôtre nous dit, priez sans cesse, c'est comme s'il disait, désirez sans cesse la vie heureuse, qui n'est autre que la vie éternelle; et demandez-la sans cesse à celui qui seul peut la donner. Il ne faut donc que la désirer sans cesse, en l'attendant de Dieu, pour prier sans cesse. Semper ergo hanc à Do■mino Deo desideremus, et oramus semper. (Saint Augustin, epist. 130, ad prob., no 18.)

Mais comme les soins et les occupations de la vie, ajoute ce même Père, attiédissent ce saint désir, de temps en temps nous quittons tout autre soin, et nous revenons à l'exercice de la prière. Et de là, la nécessité de l'exercice actuel et fréquent de la prière proprement dite.

2o. Il faut donc toujours prier, même en ce sens, c'est-àdire, qu'il faut prier non pas à tout moment, ce qui est impossible, mais souvent et dans les temps convenables. D'où vient que, selon la remarque des interprètes, apud synopsim crititicorum, le mot semper, toujours, est opposé ici à l'intermission de la prière, qui viendrait d'ennui et de désespoir. C'est pourquoi, ajoutent les mêmes interprètes, prier toujours, c'est prier assidûment, en tout temps convenable, sans y manquer: semper orare, est orare assidue, omni tempore opportuno, statis precationum temporibus nunquàm prætermissis.

Quoiqu'on ne puisse déterminer au juste l'obligation précise du précepte de la prière, ni combien de fois on est obligé de prier, parce que cette obligation est relative aux différentes circonstances des besoins, des dangers, des tentations, des dispositions particulières de chacun, il est cependant certain que le précepte de la prière oblige souvent, savoir: 1°. le matin et le soir; le matin pour adorer Dieu, lui offrir ses actions, et lui demander la grâce de ne

point l'offenser pendant la journée; le soir pour remercier Dieu des bienfaits de la journée, lui demander pardon des fautes qu'on y a faites, et le prier de nous préserver de tout mal pendant la nuit; 2°. quand on entend la messe, ou qu'on reçoit les sacremens; 3°. quand on doit s'exciter à la douleur de ses péchés; 4°. quand on est tenté; 5°. quand on a une action de piété à faire, pour laquelle il faut vaincre de grandes difficultés; 6°. quand on est en danger de mort; 7°. quand le prochain se trouve en quelques besoins, spirituels ou temporels, qui lui rendent nos prières nécessaires, etc. Il suit de là que ceux qui sont long-temps sans prier, pèchent grièvement contre le précepte de la prière; et c'est ce qui arrive aux personnes qui ne prient jamais, ni le matin, ni le soir, ni pendant la journée. On ne peut absoudre ces sortes de personnes avant qu'elles ne se soient accoutumées à prier Dieu, au moins le matin et le soir.

Quand on dit que la prière est nécessaire, cela doit s'entendre de la prière ou de l'oraison mentale, aussi bien que de la vocale. mais pour ne rien confondre, il faut considérer l'oraison mentale en elle-même, ou quant à son essence, et par rapport aux circonstances du temps, du lieu, de la méthode, etc.

L'oraison mentale ou la méditation envisagée en elle-même, et quant à son essence, n'est

autre chose qu'une considération pieuse de ce qui peut conduire au salut, comme une vertu, un mystère, etc., pour exciter en soi la ferveur de la dévotion. L'oraison mentale prise en ce sens, n'est pas moins nécessaire que la prière vocale, puisque la prière vocale, si on la fait comme il faut, ne peut subsister sans une sorte de considération ou d'attention pieuse, propre à exciter la ferveur. Mais si on considère l'oraison mentale par rapport aux circonstances du lieu, du temps, de la méthode, etc., tous conviennent qu'elle n'est pas absolument nécessaire, quoiqu'elle soit d'une très-grande utilité par les avantages nombreux qu'elle renferme. Elle nous apprend à connaître Dieu de cette connaissance pratique qui porte à le servir et à l'aimer. Elle nous apprend à nous connaître nousmêmes, les mouvemens de notre cœur, ses penchans vicieux, ses misères, ses faiblesses, ses goûts, ses dégoûts, ses attraits, ses répugnances et le fonds inépuisable de corruption qu'il tient cachée. Elle nous apprend à connaître les préceptes et les conseils de l'Évangile, les pures maximes de la morale et de la perfection chrétienne, les promesses du baptême, les devoirs généraux et communs à tous les hommes, aussi bien que les obligations particulières à chaque état. Elle éclaire l'esprit, elle échauffe le cour, elle fortifie la volonté, elle inspire le courage

et rallume le zèle ; elle nous ditation : nec religiosi, aut spidétache des créatures pour nous

ritualis nomine vocari poterit, attacher à Dieu, et nous faire qui saltem semel in die ad ejusgoûter en lui des douceurs inef- modi meditationes se non transfables et des consolations di- fert. Voilà enfin ce qui porta vines, qui surpassent infiniment saint Charles Borroinée à martous les plaisirs des sens. Sans quer l'oraison mentale pour maelle la foi s’altère, l'espérance tière essentielle de l'examen des s'affaiblit, le feu de l'amour di- aspirans aux saints ordres en vin s'éteint insensiblement, le son diocèse. Il défend d'en adzèle se rallentit, le courage man.

mettre aucun sans s'être aupa. que au besoin, la fidélité se dé- ravant assuré qu'il est versé dans ment, toutes les vertus languis- la science de l'oraison, qu'il est sent, tous les sentimens de piété assidu à la faire, suffisamment s'évanouissent et se perdent; on instruit des parties qui la comne fait que ramper et se traîner posent, de la méthode qu'il y dans les routes de la perfection, faut garder, des préparations et souvent il ne reste plus qu'un qu'on y doit apporter, des fruits dégoût mortel de Dieu et des qu'on en retire, enfin de tout choses du salut; et voilà ce qui ce qui a rapport à cet intéresfaisait dire au docte Gerson sant exercice. Examinis autem (tract. de medit. consider. 7.), omnium ea ratio instituta sit,... que, sans un miracle de la tou

an in orationis studio usuque te-puissance de Dieu, il est im- versatus sit ? quibus meditatioposible de parvenir jamais à la nibus instructus Deum tacitus perfection du christianisme et oret : qui orationis modus? qui de l'Évangile, par une autre illius fructus? que utilitates , voie que par celle de la médita- quot quibusve partibus illa constion: absque meditationis exer- tel ? quæ regulæ præparationis? citio, nullus, secluso miraculo et cælera multa ejusmodi ( ConDei speciali, ad rectissimam cil, Mediol. 5, part 3, de exachristianæ religionis normam

minan, modo.) attingit. Voilà ce qui faisait

SV. dire au cardinal Cajetan, expliquant saint Thomas , que les Des choses que l'on doitou que l'on personnes qui sont dans un état peut demander dans la prière. plus parfait, et qui doivent ten- Les quiétistes prétendent qu'il dre continuellement à la perfec- ne faut rien demander à Dieu tion, tels que sont les religieux en particulier, pas même le et les ecclésiastiques, n'y arri- bonheur éternel, ni les vertus veront jamais et ne deviendront qui y conduisent; mais qu'on point des hommes spirituels, doit tout abandonner aux diss'ils ne sont fidèles à donner tous positions de sa volonté et se les jours quelque temps à la mé- comporter d'une manière pure

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ment passive à l'égard de ces choses, également prêt ou à les recevoir si Dieu les accorde, ou à en être privé si Dieu les refuse. Pour sentir le faible de cette erreur, on doit distinguer deux sortes de biens, savoir ceux dont on ne peut abuser, tels que la vie éternelle, et la justice ou la charité qui y conduisent, et ceux dont on peut bien ou mal user, comme les biens temporels; parmi ces biens temporels, il y en a qui sont en quelque sorte nécessaires pour les différens besoins de la vie humaine, comme la santé, le vivre, l'habillement, être préservé ou délivré des maux et des accidens fâcheux, etc., et d'autres qui ne sont pas nécessaires, au moins à la vie, comme les richesses, les honneurs, les dignités les grandeurs, etc., quoiqu'ils puissent l'être à l'état de certaines personnes.

Il faut savoir aussi qu'on peut demander de deux façons dans la prière, absolument ou conditionnellement.

Ces principes posés, il n'est pas difficile de connaître les choses que l'on doit, ou que l'on peut demander à Dieu dans la prière, et de quelle façon l'on doit ou l'on peut les demander.

1o. Nous devons demander absolument et sans condition les biens dont on ne peut abuser, telles que la béatitude éternelle la justice, la sainteté, la charité, et enfin toutes les vertus qui y conduisent. Cherchez premièrement, dit J.-C., le royaume de Dieu et sa justice. (Mat. 6, 33.)

Le premier et le principal objet de nos prières doit donc être le royaume de Dieu ou la béatitude éternelle, et la justice qui y conduit; et cet objet nous devons le demander déterminément, absolument et sans condition ou restriction, parce que c'est notre fin dernière, pour laquelle nous sommes tous faits, puisque nous n'avons été créés que pour Dieu, pour le voir, l'aimer, régner avec lui, vivre de lui pendant l'éternité, après l'avoir aimé, et avoir vécu pour lui pendant notre séjour sur la terre.

2o. A l'égard des biens temporels dont on peut bien ou mal user, il est permis de demander ceux qui sont nécessaires à la vie ou à l'état, parce que le désir en est légitime et dans l'ordre de Dieu, puisque Dieu nous ayant placés sur la terre dans un certain état pour y faire un séjour de quelques années, il n'est pas contre cet ordre de désirer et de demander les choses sans lesquelles la vie ne serait pas humainement supportable.

3°. Mais quelle que soit la nécessité des biens temporels, le désir en doit toujours être subordonné à celui des biens éternels, et on ne peut les dedemander que conditionnellement et par rapport au salut, c'est-à-dire, en cas qu'ils ne soient point des obstacles à notre salut, et qu'ils nous en soient toujours des moyens, et toujours avec une soumission parfaite à la volonté de Dieu. Or, ce que nous disons des biens

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