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SÉANCE PUBLIQUE DE 1908

Le 14 janvier, la Société réunie en séance privée, au lieu habituel de ses séances, a procédé à la nomination de ses officiers pour l'année 1908.

Ont été élus:

Président: M. LEVILLAIN, professeur d'histoire au Lycée; Vice-Président: M. RAMBAUD, pharmacien en chef des Hôpitaux de Poitiers;

Secrétaire: M. E. GINOT, bibliothécaire-archiviste de la

Ville;

Vice-Secrétaire: M. DE ROUX, avocat à la Cour d'Appel;
Questeur: Le R. P. DE LA CROIX ;
Trésorier: M. DE LA BOURALIÈRE;

;

Bibliothécaire-archiviste: M. BOISSONNADE, professeur d'histoire à l'Université.

Membres du Conseil d'Administration:

MM. TORNÉZY, ancien magistrat, avocat à la Cour d'Appel;

SEGRÉTAIN, général de division en retraite ;

RICHARD (Alfred), archiviste de la Vienne;

DROUET, ingénieur en chef des Ponts et Chaussées.

UN PRÉLAT DIPLOMATE

L'ABBÉ DE PRADT

DISCOURS PRONONCÉ A LA SÉANCE PUBLIQUE

DE LA SOCIÉTÉ DES ANTIQUAIRES DE L'OUEST, LE 12 JANVIER 1908

Par M. A. TORNÉZY, Président.

MESDAMES, MESSIEURS,

Lorsqu'en 1801 le cardinal Caprara et le Premier Consul arrêtèrent les articles du Concordat qui devait mettre fin au trouble profond qu'avait occasionné dans la France entière la suppression du culte catholique, il y eut, de la part de celui qui allait devenir l'Empereur Napoléon, un engagement formellement pris de rouvrir aux fidèles les églises précédemment fermées, d'en chasser les cultes schismatiques. qui s'y étaient installés, de rétablir le clergé dans les paroisses, de rappeler les évêques sur leurs sièges épiscopaux, de rassurer les prêtres qui, n'ayant pas accepté la constitution civile, avaient subi la persécution ou étaient parvenus à se cacher et à échapper aux agents chargés de les arrêter.

Cet engagement, conséquence nécessaire du traité qui liait désormais le Pape et Bonaparte, fut fidèlement exécuté par celui-ci et, le 26 germinal an X, désireux de donner à la fête de Pâques qui approchait toute la solennité, toute la pompe religieuse, souvenir des cérémonies d'autrefois, le

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Premier Consul ordonnait au Ministre des Relations Extérieures d'y inviter le Corps diplomatique. On nous a conservé la lettre du Prince de Talleyrand à M. Jackson, ministre du Roi d'Angleterre à Paris, par laquelle il l'avise que le Premier Consul se rendra le jour de Pâques avec ses Ministres à Notre-Dame. - « Il m'a donné l'ordre, << ajoute-t-il, -de vous inviter à l'accompagner (1). › Et pour qu'il n'y eût aucun doute sur les intentions des hautes parties qui venaient de contracter, pour que les fonctionnaires chargés de faire exécuter le concordat ne pussent se méprendre sur les volontés de ceux qui l'avaient signé, le Ministre de la Police adressa le 18 prairial an X aux Préfets une circulaire, dans laquelle,après leur avoir dit qu'il. ne faut exiger des prêtres aucune déclaration contraire aux principes de l'Eglise Gallicane, aucun des partis qui ont divisé l'Eglise ne devant exiger aucune espèce de rétractation, il ajoute textuellement : L'organisation des cultes est, << dans l'Eglise, ce que le 18 brumaire a été dans l'Etat; ce << n'est le triomphe d'aucun parti, mais la réunion de tous « dans l'esprit de la République et de l'Eglise. Ce que le << gouvernement a si heureusement rapproché depuis le << 18 brumaire, il faut que la Religion achève de l'unir et de «<le confondre. Ce que la lassitude du mal a fait oublier, il «fant que le sentiment vif et profond du Bien achève de «<l'effacer sans retour (2).

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Lorsqu'on songe que cette circulaire est l'œuvre de Fouché, qu'il y prône la paix publique, qu'il y invite les Préfets à employer tous leurs efforts pour que disparaissent à jamais

(1) Collection d'autographes d'un amateur Russe; vente du 25 mai 1882.

(2) Vente d'autographes du 23 mars 1888.

DISCOURS DU PRÉSIDENT

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les souvenirs du passé, on est obligé de constater qu'il avait reçu de Bonaparte des instructions formelles et que, somme toute, il était l'écho fidèle de celui qui gouvernait alors la France.

C'était donc bien un traité de paix qui venait d'être signé, un acte solennel destiné à ramener la concorde entre frères qui s'étaient déchirés. Lorsque le Premier Consul, marié à Joséphine de Beauharnais,songea à constituer sa maison, le culte était rétabli, le clergé avait repris son rôle sous la surveillance sévère, il est vrai, des agents du gouvernement armés des articles organiques et il pouvait appeler auprès de lui les prélats qui devaient assurer à la Cour nouvelle l'accomplissement des cérémonies religieuses dans la chapelle du Palais. Il nomma son oncle, l'abbé Fesch, grand aumônier, et choisit pour le seconder en qualité d'aumônier ordinaire un ecclésiastique qui, depuis quelques années, se faisait remarquer par l'enthousiasme qu'excitaient en lui tous les actes de l'homme qui allait devenir le maître de la France.

L'abbé de Pradt, car c'est de lui qu'il s'agit, — avait subi les cruelles conséquences des événements passés. A peine ordonné prêtre, il devint Vicaire général de son parent le Cardinal de La Rochefoucault archevêque de Rouen; en 1789, comme, avec son esprit délié, sa parole ardente, sa plume facile, il avait su prendre une réelle influence dans la société aristocratique et dans le clergé du vaste diocèse. de Rouen, il fut élu député du clergé du bailliage de Caux aux Etats généraux. Il se montra opposé à la réunion de son Ordre, siégea dans la Constituante parmi les députés les plus hostiles aux idées nouvelles, n'aborda pas la tribune de l'assemblée, mais fut pour Maury et Cazalès un inter

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rupteur véhément et souvent sarcastique et, comme il avait signé toutes les protestations de la minorité, qu'il pressentait d'ailleurs les dangers que son attitude pouvait lui faire courir, il se hâta d'émigrer et d'aller s'établir à Hambourg.

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Il y trouva quelques Français, émigrés comme lui, entr' autres un homme dont le nom est bien poitevin, M. de Baudus ; il y rencontra un écrivain à l'esprit mordant et satyrique, à la plume alerte et finement aiguisée,- Rivarol. A eux trois, ils fondèrent « le Spectateur du Nord », journal auquel, par leur talent, ils donnèrent un vif intérêt. Le poète Delille, l'auteur « des Jardins », qui faisait partie de leur intime société, a laissé sur ce commun séjour à Hambourg les souvenirs les plus intéressants.

L'abbé de Pradt se montrait d'ailleurs l'ennemi du régime issu de la Révolution. Il le proclamait dans des brochures sans grand succès, il est vrai, mais qui témoignaient hautement de ses sentiments nettement monarchistes. II allait même jusqu'à conseiller à tous les souverains de former contre la République française une nouvelle et définitive coalition, préconisant ainsi une solution qui, si elle eût été adoptée, pouvait amener pour son pays les conséquences les plus graves.

Mais le 18 brumaire éclata dans toute l'Europe comme un coup de foudre. Ce fut pour l'abbé de Pradt une véritable révélation. Bonaparte devint pour lui l'homme providentiel; il le voyait pacifiant la France troublée, effaçant les souvenirs des discordes civiles dont les traces sanglantes étaient encore visibles, restaurant les autels, apportant avec lui une moisson de gloire que la brillante campagne d'Italie permettait d'escompter. Ce fut comme si, le rideau déchiré, il eût eu la vision de l'avenir qui attendait le vain

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