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plus secrètes pensées, et désirant avec ardeur que les filles de la Visitation et celles de Port-Royal fussent unies du même lien d'amitié qui avait si étroitement uni leurs deux mères.

Après cinq ans de travail à Maubuisson, la mère Angélique se trouvant déchargée du soin de cette abbaye par la nomination que le roi avoit faite d'une autre abbesse (4) en la place de madame d'Estrées, elle se résolut d'aller trouver sa chère communauté de Port-Royal. Elle ne l'avait pas laissée néanmoins orpheline, l'ayant mise en partant sous la conduite de la mère Agnès, dont j'ai parlé. Elle était plus jeune de deux ans que la mère Angélique, et avait été faite abbesse aussi jeune qu'elle; mais Dieu l'ayant aussi éclairée de fort bonne heure elle avait remis au roi l'abbaye de Saint-Cyr dont elle était pourvue, pour venir vivre simple religieuse dans le couvent de sa sœur. Mais

(a) Charlotte de Bourbon-Soissons, fille de Charles de Bourbon, comte de Soissons et de Dreux, pair et grand-maître de France, fils puîné de Louis I、 prince de Condé.

la mère Angélique, pleine d'admiration de sa vertu, avait obtenu qu'on la fìt sa coadjutrice (1620). C'est cette mère Agnès qui a depuis dressé les constitutions de PortRoyal, qui furent approuvées par M. de Gondi, archevêque de Paris. On a aussi d'elle plusieurs traités très-édifians, et qui font connaître tout ensemble l'élévation et la solidité de son esprit.

Lorsque la mère Angélique se préparait à partir de Maubuisson, trente religieuses qui y avaient fait profession entre ses mains, se jetèrent à ses pieds, et la conjurèrent de les emmener avec elle. L'abbaye de Port-Royal était fort pauvre, n'ayant été fondée, comme j'ai dit, que pour douze religieuses. Le nombre en était alors considérablement augmenté, et ces trente filles de Maubuisson n'avaient à elles toutes que cinq cents livres de pension viagère. Cependant la mère Angélique ne balança pas un moment à leur accorder leur demande. Elle se contenta d'en écrire à la mère Agnès; et sur sa réponse elle les fit même partir quelques jours devant elle. Ces pauvres filles n'abordaient qu'en tremblant une maison qu'elles venaient pour ainsi dire

affamer; mais elles y furent reçues avec une joie qui leur fit bien voir que la charité de la mère s'était aussi communiquée à toute la communauté.

Il était resté à Maubuisson quelques esprits qui n'avaient pu entièrement s'assujettir à lá réforme. D'ailleurs, madame de Soissons qui avait succédé à madame d'Estrées, n'avait pas pris un fort grand soin d'y entretenir la régularité que la mère Angélique y avait établie, si bien que cette sainte fille ne cessait de demander à Dieu qu'il regardât cette maison avec des yeux de miséricorde. Sa prière fut exaucée. Cette abbaye étant venue encore à vaquer au bout de quatre ans par la mort de madame de Soissons (a), le roi Louis XIII fit demander à la mère Angélique une de ses religieuses pour l'en faire abbesse. Elle lui en proposa une qu'on appelait sœur Marie des Anges, à qui le roi donna aussitôt son brevet (1627). La plupart des personnes qui connaissaient cette fille lui trouvaient à la vérité une grande douceur et une profonde humilité; mais elles doutaient

(a) Morte en octobre 1626.

qu'elle eût toute la fermeté nécessaire pour remplir une place de cette importance. Le succès fit voir combien la mère Angélique avait de discernement; car cette fille si humble et si douce sut réduire en très-peu de temps les esprits qui étaient demeurés les plus rebelles, rangea les anciennes sous le même joug que les jeunes, ne s'étonna point des persécutions de certains moines, et même de certains visiteurs de l'ordre, accoutumés au faste et à la dépense, et qui ne pouvaient souffrir le saint usage qu'elle faisait des revenus de cette abbaye.

Ce fut de son temps que deux fameuses religieuses de Montdidier furent introduites à Maubuisson par un de ces visiteurs, pour y enseigner, disait-il, les secrets de la plus sublime oraison. La mère des Anges et la mère Angélique n'étaient point assez intérieures au gré de ces pères, et ils leur reprochaient souvent de ne connaître d'autre perfection que celle qui s'acquiert par la mortification des sens et par la pratique des bonnes œuvres. La mère des Anges, qui avait appris à Port-Royal à se défier de toute nouveauté, fit observer de près ces deux filles; et il se

trouva que, sous un jargon de pur amour et d'anéantissement, elles cachaient toutes les illusions et toutes les horreurs que l'église a condamnées de nos jours dans Molinos. Elles étaient en effet de la secte de ces illuminés de Roye qu'on nommait les Guerinets, dont le cardinal de Richelieu fit faire une si exacte perquisition. La mère des Anges ayant donné avis du péril où était son monastère, ces deux religieuses furent renfermées très-étroitement par ordre de la cour, et le visiteur qui les protégeait eut lui-même bien de la peine à se tirer d'affaire. En un mot, la mère des Anges, malgré toutes les traverses qu'on lui suscitait, rétablit entièrement dans Maubuisson le véritable esprit de saint Bernard, qui s'y maintient encore aujourd'hui par les soins de l'illustre princesse que la Providence en a faite abbesse (a). Et après avoir gouverné pendant vingt-deux ans ce célèbre monastère avec une sainteté dont la mémoire s'y con

(a) Madame Louise-Marie Hollandine, princesse palatine de Bavière, qui fut nommée abbesse de Maubuisson en 1664, et qui mourut en 1709. Voyez l'Abrégé de sa Vie, à la fin des Vies des Saints de M. Blondel.

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