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DE L'HISTOIRE

DE PORT-ROYAL.

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PREMIÈRE PARTIE.

L'ABBAYE de Port-Royal près de Chevreuse, est une des plus anciennes abbayes de l'ordre de Citeaux. Elle fut fondée en l'année 1204, par un saint évêque de Paris, nommé Eudes de Sully, de la maison des comtes de Champagne, proche parent de Philippe-Auguste. C'est lui dont on voit la tombe en cuivre élevée de deux pieds à l'entrée du chœur de Notre-Dame de Paris. La fondation n'était que pour douze religieuses; ainsi ce monastère ne possédait pas de fort grands biens. Ses principaux bienfaiteurs furent les seigneurs

de Montmorency et les comtes de Montfort. Ils lui firent successivement plusieurs donations, dont les plus considérables ont été confirmées par le roi saint Louis, qui donna aux religieuses, sur son domaine, une rente en forme d'aumône, dont elles jouissent encore aujourd'hui ; si bien qu'elles reconnaissaient avec raison ce saint roi pour un de leurs fondateurs. Le pape Honoré III accorda à cette abbaye de grands priviléges, comme entre autres celui d'y célébrer l'office divin, quand même tout le pays serait en interdit. 11 permettait aussi aux religieuses de donner retraite à des séculières qui, étant dégoûtées du monde, et pouvant disposer de leurs personnes, voudraient se réfugier dans leur couvent pour y faire pénitence, sans néanmoins se lier par des youx. Cette bulle est de l'année 1223, un peu après le quatrième concile général de Latran.

Sur la fin du dernier siècle, ce monastère, comme beaucoup d'autres, était tombé dans un grand relâchement. La règle de saint Benoît n'y était presque plus connue; la clôture même n'y était plus observée, et l'esprit du

siècle en avait entièrement banni la régularité. Marie-Angélique Arnauld, par un usage qui n'était que trop commun en ces temps-là, en fut faite abbesse (1602) n'ayant pas encore onze ans accomplis. Elle n'en avait que huit lorsqu'elle prit l'habit, et elle fit profession à neuf ans entre les mains du général de Citeaux, qui la bénit dix-huit mois après. Il y avait peu d'apparence qu'une fille faite abbesse à cet âge, et d'une manière si peu régulière, eût été choisie de Dieu pour rétablir la règle dans cette abbaye. Cependant elle était à peine dans sa dix-septième année, que Dieu, qui avait de grands desseins sur elle, se servit, pour la toucher, d'une voie assez extraordinaire. Un capucin qui était sorti de son couvent par libertinage, et qui allait se faire apostat en pays étrangers, passant par hasard à Port-Royal, fut prié par l'abbesse et par les religieuses de prêcher dans leur église. Il le fit; et ce misérable parla avec tant de force sur le bonheur de la vie religieuse, sur la beauté et sur la sainteté de la règle de saint Benoît, que la jeune abbesse en fut vivement émue. Elle forma dès-lors la résolution (1608), non-seulement de prati

quer sa règle dans toute sa rigueur, mais d'employer même tous ses efforts pour la faire aussi observer à ses religieuses. Elle commença par un renouvellement de ses vœux, et fit une seconde profession, n'étant pas satisfaite de la première. Elle réforma tout ce qu'il y avait de mondain et de sensuel dans ses habits, ne porta plus qu'une chemise de serge, ne coucha plus que sur une simple paillasse, s'abstint de manger de la viande, et fit fermer de bonnes murailles son abbaye, qui ne l'était auparavant que d'une méchante clôture de terre éboulée presque partout. Elle eut grand soin de ne point alarmer ses religieuses par trop d'empressement à leur vouloir faire embrasser la règle : elle se contentait de donner l'exemple, leur parlant peu, priant beaucoup pour elles, et accompagnant de torrens de larmes le peu d'exhortations qu'elle leur faisait quelquefois. Dieu bénit si bien cette conduite, qu'elle les gagna toutes les unes après les autres, et qu'en moins de cinq ans la communauté de biens, le jeûne, l'abstinence de viande, le silence, la veille de la nuit, et enfin toutes les austérités de la règle de saint Benoît furent établies

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