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même à Cynthia qu'il a eu quelque goût pour une Lycinna, mais si peu, si peu, que ce n'est pas la peine d'en parler. Après tout, à juger de cette Cynthia par le portrait qu'il en fait, elle ne méritait pas plus de fidélité. Jamais fenime n'eut plus de disposition à tourmenter, à désespérer un amant; et jamais amant ne parut si malheureux et ne se plai-licieuse porte au fond de l'âme les impressions les gnit tant que Properce. C'est même ce qui répand le plus d'intérêt dans ses ouvrages; car on sait que rien n'intéresse tant que la peinture du malheur. On plaint d'autant plus Properce, qu'après avoir bien reproché à sa maîtresse ses duretés, ses hauteurs, ses caprices, il finit toujours par une entière résignation: il murmure contre le joug: mais le joug lui est toujours cher, et il veut le porter toute sa vie. Il paraît que, malgré l'inconstance de ses goûts, il avait un penchant décidé pour Cynthia, et revenait toujours à elle comme malgré lui. C'est une alternative de louanges et d'injures qui peint au naturel les différentes impressions qu'il éprouvait tour à tour. Tantôt il la représente comme plus belle que toutes les déesses; tantôt il l'avertit de ne pas se croire si belle, parce qu'il lui a plu de l'embellir dans ses vers, et de vanter l'éclat de son teint, quoiqu'il sût fort bien que cet éclat n'était qu'emprunté. Ici, il lui attribue toute la fraîcheur de la jeunesse; ailleurs il lui dit qu'elle est déjà vieille. Enfin, après cinq ans, il perd patience, il rompt sa chaîne, et ses adieux sont des imprécations dans toutes les formes; ce qui fait douter que cette chaîne soit en effet bien rompue, car l'indifférence n'est pas si colère. Aussi, après ces adieux solennels qui finissent le troisième livre, on voit dans le quatrième reparaître Cynthia, qui, toujours assurée de son pouvoir, vient chercher son esclave dans une maison de campagne, où il soupait avec deux de ses rivales. Elle est si furieuse et si terrible, qu'à son aspect les deux compagnes de Properce commencent par prendre la fuite, et le laissent tout seul vider la querelle. Cynthia, après l'avoir bien battu, consent à lui pardonner, à condition qu'il chassera l'esclave qui s'est mêlé d'arranger cette partie de campagne; qu'il ne se promènera jamais sous le portique de Pompée, rendez-vous ordinaire des femmes romaines, qu'il n'ira point dans les rues en litière découverte, et qu'au spectacle il aura les yeux baissés. On voit qu'elle le connaissait bien, et qu'elle savait de quoi il était capable. Properce se soumet à tout, et devient plus amoureux que jamais et puis fiez-vous aux imprécations et aux ruptures!

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TIBULLE. - Tibulle a moins de feu que Properce; mais il est plus tendre, plus délicat : c'est

Les poésies qui portent le nom de Gallus ne sont pas de lui: on les attribue à un écrivain barbare, nommé Maximien.

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DISCOURS SUR LE STYLE DES PROPHÈTES

ET L'ESPRIT DES LIVRES SAINTS.

DES PSAUMES ET DES PROPHÉTIES, CONSIDÉRÉS D'ABORD COMME OUVRAGES DE POÉSIE.

Quand les poëmes de Moïse, de David, d'Isaïe, et des autres prophètes, ne nous auraient été transmis que comme des productions purement humaines, ils seraient encore, par leur originalité et leur antiquité, dignes de toute l'attention des hommes qui pensent, et, par les beautés uniques dont ils brillent, dignes de l'admiration et de l'étude de tous ceux qui ont le sentiment du beau. C'est aussi l'hommage qu'on leur a toujours rendu; et, de nos jours, un Anglais plein de goût et de connaissances, qui était professeur de poésie au collège d'Oxford, a consacré à celle des Hébreux un ouvrage qui a été beaucoup lu, quoique fort savant, et qu'on regarde comme un des meilleurs livres que l'Angleterre ait produits. La mode de l'irréligion, qui date en France du milieu de ce siècle, n'a pas même détruit parmi nos littérateurs l'impression que doivent faire les poésies sacrées sur quiconque est capable de les sentir. On a vu les plus déterminés ennemis de la religion révérer comme poëtes ceux qu'ils rejetaient comme prophètes; et Diderot laissait à la Bible une place, dans sa bibliothèque choisie, à côté d'Ho

mère 2.

Voltaire seul, parmi les gens de lettres dont l'opinion peut marquer, a toujours fait sa profession d'un grand mépris pour les psaumes et les prophéties, comme pour toute l'Écriture en général; et ce n'était pas chez lui jugement, mais passion. Le goût qu'il a montré d'ailleurs ne permet pas d'en douter; et l'on convient que c'est à lui surtout qu'on pouvait appliquer ce vers d'une de ses tragédies :

Toutes les passions sont en lui des fureurs.

Il n'a cessé, pendant trente ans, de travestir l'Écriture en prose et en vers, pour se donner le droit de s'en moquer. Il n'en fallait pas davantage pour entraîner à sa suite une foule d'ignorants et d'étourdis, qui n'ont jamais connu la Bible que par les parodies qu'il en a faites, et qui, n'étant pas même en état d'entendre le latin du Psautier, ont jugé des poëmes hébreux d'après les facéties de Voltaire, comme ils parlaient des pièces de Voltaire lui-même d'après les feuilles de Fréron.

On ne se flatte pas d'imposer silence à cette es

pèce d'hommes sur qui la raison a perdu ses droits, surtout depuis que la déraison est, de toutes les puissances, la plus accréditée. Mais, comme un des vices de l'esprit français est d'être plus susceptible qu'aucun autre de la contagion du ridicule, bien ou mal appliqué, il n'est pas inutile de rétablir la vérité, du moins pour ceux qui, étant capables encore de l'entendre, n'ont besoin que de la connaître. Il faut leur donner une juste idée de ce qu'on leur a présenté comme un objet de risée, et réduire à leur juste valeur les plaisanteries et les objections également mal fondées, qui tiennent si souvent lieu de critique et de raisonnement. C'est ici seulement que je me permettrai quelque discussion littéraire, parce qu'elle est d'une utilité générale, et qu'elle tient à un intérêt réel, celui d'ôter à l'irréligion le mobile de l'amour-propre, en faisant voir que ce qu'elle prend pour une preuve de supériorité, en fait de critique et de goût, n'est qu'une preuve d'ignorance; en faisant voir combien il est aisé de confondre un mépris aussi injuste en lui-même que pernicieux dans ses conséquences, et de détruire des préventions qui n'ont été répandues que par la mauvaise foi, et adoptées que par la légèreté. D'ailleurs, si ce discours n'est pas en tout, comme le reste de l'ouvrage, à la portée de toutes les classés de lecteurs, il peut au moins servir à ceux qui influent naturellement sur l'esprit général.

On peut dire d'abord aux contempteurs sur parole: Si vous déférez au nom et à l'autorité, Voltaire est ici seul contre tous, et son jugement est en lui-même suspect, comme tout jugement abirato, puisque sa haine forcenée contre la religion l'a jeté dans des écarts qui ont fait rire plus d'une fois jusqu'à ses amis. Et puis, lequel vaut le mieux, s'il s'agit d'esprit et de talents, ou de n'avoir vu dans l'Écriture, comme Voltaire, que de quoi égayer sa muse par des impiétés, ou d'y avoir vu, comme Racine, de quoi faire Esther et Athalie, et, comme Rousseau, des odes sacrées; c'est-à-dire, ce qu'il y a de plus parfait dans la poésie française? Réfléchissez, et jugez.

Ensuite, quel artifice plus grossier et plus méprisable que celui dont Voltaire et ses imitateurs se sont servis pour donner le change sur des ouvra

ges écrits dans la plus ancienne de toutes les langues connues? Ils les ont offerts dépouillés de leurs couleurs natives, et habillés de la troisième ou quatrième Le docteur Lowth, professeur, et depuis évêque d'Ox- main, dans des versions platement littérales, ou ford. Voyez son livre de sacrá Poesi Hebræorum, où il ap-même odieusement infidèles; et qu'y a-t-il au monde profondit ce que je ne puis ici qu'effleurer. Cet ouvrage est formé des leçons latines qu'il lisait au collège d'Oxford, comme de nos jours quelques gens de lettres en lisaient de françaises au Lycée.

Voyez l'Eloge de Richardson.

LA HARPE. - TOME I.

qu'il ne soit aisé de défigurer ainsi? Traduisez mot à mot Virgile lui-même, quoique bien moins ancien et bien moins éloigné du goût de notre langue, et

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vous verrez ce qu'il deviendra. On se souvient en- | core combien tous les gens de lettres du dernier siècle se moquèrent de Perrault, qui, ne sachant pas un mot de grec, voulait absolument qu'on jugeât Pindare sur un plat français traduit d'un plat latin. Quoi de plus inepte, en effet, que de juger une poésie grecque sur le latin littéral d'un scoliaste; et comment un homme tel que Voltaire, qui avait tant de fois bafoué ce genre d'ineptie dans les censeurs de l'antiquité, en fait-il lui-même le principe de sa critique des livres saints, au risque de faire rire tous les lecteurs instruits? C'est que la haine ne voit rien que son but, qui est de se satisfaire et de tromper. On a beau lui crier : Mais tu ne tromperas que les sots et les ignorants. Elle répond : Que m'importe, n'est-ce pas le grand nombre?

Enfin, depuis quand la parodie, dont l'objet n'est que de divertir, est-elle une méthode pour juger? Voltaire jetait les hauts cris quand on parodiait ses tragédies il n'a pas assez d'expressions pour faire sentir combien c'est un genre détestable, l'ennemi du génie et le scandale du goût; et il est très-vrai que ce qu'il y a de plus sublime est précisément ce qui prête le plus au plaisant de la parodie, comme les taches marquent davantage sur l'étoffe la plus riche et sur la couleur la plus brillante. Voltaire le savait mieux que personne, et il fait le drame de Saul, où il parodie, entre autres choses, la manière dont le prophète Nathan arrache à David l'aveu et la condamnation de son crime, et le force de prononcer lui-même sa sentence; c'est-à-dire que Voltaire livre au ridicule ce qui, en tout temps et en tout pays, indépendamment de toute croyance religieuse, frappera d'admiration sous tous les rapports. Faites prononcer devant les hommes rassemblés quelque part que ce soit, ces mots si simples et si foudroyants: Tu es ille vir,

« Vous êtes cet homme, »>

et tout retentira d'acclamations. Je voudrais bien qu'on me dît ce qu'il peut y avoir de mérite et d'es

11 fut assez maladroit pour choisir précisément un morceau sublime, le début de la première pythique, qu'il trouvait extrêmement ridicule; et c'est à lui que le ridicule est resté. Il avait du, dans un latin fait pour des écoliers, optimum quidem aqua, et il traduit de même, l'eau est trèsbonne à la vérité. Il ne savait pas que le mot grec offre ici l'idée de l'eau élément; que celui qui répond au latin optimum n'exprime point ici la bonté, mais la prééminence; que la particule grecque qui répond à quidem, et qu'il traduit à la vérité, n'est qu'une explétive qui marque à l'esprit l'ordre des idées, et qui souvent ne doit pas se traduire, surtout par ces mots, à la vérité, qui feraient tomber parmi nous le vers d'ailleurs le plus sublime. Que de choses tiennent au génie d'une langue, et qui défendent de juger, à moins de la savoir!

Et voilà ce que fait l'ignorance.

(LA FONTAINE.)

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prit à trouver cela risible, et je suis sûr qu'aujourd'hui même personne ne me le dira. Et qu'aurait dit Voltaire, si l'on avait jugé Zaïre sur la parodie des Enfants trouvés, et Andromaque sur la folle Querelle! C'est pourtant ce qu'il faisait et ce qu'il voulait qu'on fit pour David; et David lui aurait suffisamment répondu, par ce mot si connu d'un de ses psaumes: Mentita est iniquitas sibi, L'iniquité a menti contre elle-même. »

Il savait bien nous dire, quand il voulut justifier son' Cantique des Cantiques, contre l'autorité qui l'avait condamné,

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Qu'il ne fallait pas juger des mœurs des Orientaux par les nôtres, ni de la simplicité des premiers siècles par la corruption raffinée de nos temps modernes; que nos petites vanités, nos petites bienséances hypocrites, n'étaient pas connues à Jérusalem, et qu'on pensait et qu'on s'exprimait autrement à Jérusalem que dans la rue SaintAndré des Arcs 2. »>

Rien n'est plus vrai ni plus juste. Pourquoi donc oublie-t-il cette vérité et cette justice quand il juge l'original, lui qui les réclame pour une imitation, ct une imitation très-infidèle ?

Il appelle un des plus beaux psaumes (le soixanteseptième, Exsurgat Deus) une chanson de corps de garde. Quel ton et quel langage! Ce psaume fut composé par David, lorsqu'il fit transporter l'arche sur la montagne de Sion, où le temple devait être bâti. La pompe lyrique de cette ode répond à celle de la cérémonie, qui fut aussi auguste qu'elle devait l'être. On lira ce psaume dans l'office du jeudi ; mais je mettrai ici en avant quelques traits de cette chanson de corps de garde; et tous ceux qui se connaissent en esprit poétique, et qui ont l'idée des formes de l'ode, jugeront si on ne les trouve pas même dans une prose fidèle, malgré la prodigieuse distance de la prose au langage mesuré.

<< Chantez Dieu, chantez son nom sur vos instruments; préparez la route à celui qui monte au-dessus des cieux. Son nom est le Seigneur : réjouissez-vous en sa présence; mais que les méchants tremblent à la vue du père des orphelins et du défenseur des veuves.... Dieu mettra sa parole dans la bouche des hérauts chargés de l'annoncer, et cette parole est puissante.... La montagne de Dieu 3 est fertile. Pourquoi regardez-vous à la fertilité des autres

On peut bien dire son cantique; car ce n'est pas celui de Salomon.

2 Ce sont là à peu près, autant qu'il m'en souvient, les termes de sa Lettre à M. Clocpitre, et c'en est très-certainement la substance, quoique je ne puisse citer ici que de mémoire, n'ayant point de livres sous mes yeux, et obligé souvent de travailler sans livres. C'est mon excuse, quand mes citations ne seront pas tout à fait exactes dans les mots; mais je garantis les choses.

C'est le nom qu'on donnait à la montagne de Sion.

montagnes ? Y en a-t-il comme celle de Sion? C'est là que le Seigneur se plaît à faire sa demeure; c'est là qu'il a fixé son séjour à jamais.... Le char de Dieu y est porté sur des milliers d'anges qui chantent des cantiques de joie : le Seigneur est là dans son sanctuaire, comme sur les sommets de Sinaï.... O Dieu! votre peuple a vu votre marche; il a vu la marche de mon Dieu, de mon roi, qui habite dans le Saint des saints. Les princes des tribus s'avançaient les premiers, suivis des chantres avec leurs instruments, des jeunes vierges avec leurs tambours; ils chantaient : Bénissez le Seigneur.... Là était le jeune Benjamin dans l'extase de la joie; les princes de Juda, à la tête de tous, etc. »>

et

Le poëte ne met-il pas devant vos yeux toute la marche religeuse? Tout n'est-il pas en mouvement dans le style comme dans la fête? Dieu n'est-il pas lui-même au milieu de la cérémonie? Le poëte ne l'y a-t-il pas transporté ? Et cette tournure, qui est si fort dans le goût des anciens,

« Les princes des tribus s'avançaient les premiers! »> cette manière de mettre au passé ce qui est au présent, comme si le poëte parlait déjà dans la postérité et la représentait! Bientôt il s'adresse à Dieu, et les figures sont également hardies et animées, soit dans la pensée, soit dans l'expression.

. Commandez à votre puissance d'être avec nous; épou vantez les bêtes féroces des roseaux du Nil (les Égyptiens), les puissances qui viennent nous écraser sous leurs chars aux roues d'argent; repoussez les peuples qui veulent la guerre, et il viendra des envoyés d'Égypte; l'Éthiopie étendra ses mains vers le Seigneur, etc. »

L'ode a-t-elle un élan plus rapide? Demandez aux Pindare, aux Horace, aux Malherbe, aux Rousseau, s'ils désireraient autre chose dans un chant d'inauguration, et s'ils voudraient être autrement inspirés. Sans doute il manque ici le charme de l'harmonie, qui est le premier pour l'effet universel; mais je parle à ceux qui connaissent le genre et l'art, et qui sont en état de juger un poëme réduit en prose, disjecti membra poetæ, comme dit Horace : qu'ils disent si la poésie, quoique toute décomposée, ne résiste pas à cette épreuve, la plus périlleuse de toutes ?

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Il était si charmé de ce petit morceau, que je le lui ai entendu chanter pendant trois mois. Voici maintenant le texte de David :

« Le Seigneur a dit : J'enlèverai mes ennemis de la terre de Basan, et je les précipiterai dans l'abîme; et toi, mon peuple, tes pieds seront teints du sang de tes oppresseurs, et les chiens lècheront ce sang. »

Racine n'a pas eu la même horreur de ces chiens et de ce sang, et en a tiré ces vers d'Athalie, admirables partout et toujours applaudis :

Des lambeaux pleins de sang et des membres affreux,
Que des chiens dévorants se disputaient entre eux.

Qui croirait que ce fût Voltaire qui logeât la muse de Racine au corps de garde, par aversion pour celle de David? Qui ne sait que ces images de vengeance et de carnage n'ont jamais déparé la poésie, et que le différent goût des langues ne fait que les colorier diversement, sans toucher au fond? Et quand on se souvient qu'ici ces images prophétiques traçaient par avance la punition d'Achab et de Jésabel, à qui un prophète dit, après l'abominable meurtre de Naboth: En ce même endroit où les chiens ont léché le sang de votre victime, ils lécheront votre sang et celui des vôtres; quand on se rappelle que ce qu'il y a de terrible dans cet exemple et dans cette peinture n'a été employé que pour effrayer le crime, que reste-t-il à dire contre l'un et l'autre?

Si l'on nous montrait Virgile dans la version d'un écolier, pour nous donner une idée de Virgile; si l'on traduisait ce vers, tiré de la description de l'Etna, Attollitque globos flammarum, et sidera lambit,

« Il élève des globes de flammes et lèche les astres', » est-ce Virgile qu'on nous aurait montré ? C'est pourtant ce que fait Voltaire de David : il traduit ainsi, de ce même psaume, un passage qu'on vient de voir dans ce que j'ai cité :

« La montagne de Dieu est grasse: pourquoi regardezvous les montagnes grasses ? »

Il feint d'ignorer que le mot pinguis, qui en latin est du style noble, signifie aussi bien fertile que gras; mais il lui fallait le mot gras et grasse pour faire rire. Le beau triomphe! Je sais bien que ceux

- Mais pourquoi donc Voltaire n'a-t-il vu là qui aiment en lui son grand talent, mais non pas

qu'une chanson de corps de garde?

C'est que lui-même en a fait une sur un verset de ce psaume, précisément comme Scarron fait sept ou huit vers de parodie sur un vers de Virgile.

Ayez soin, mes chers amis,
De prendre tous les petits
Encore à la mamelle.
Vous écraserez leur cervelle
Contre le mur de l'infidèle,
Et les chiens s'engraisseront
De ce sang qu'ils lècheront.

au point de se refuser à l'évidence, baisseront ici les yeux, et rougiront pour lui; mais à qui la faute?

1 Lambere (lécher) est, en latin, aussi noble que sonore; et la métaphore est ici fidèlement pittoresque, parce que le mouvement de la flamme imite en effet celui de la langue qui se courbe et se replie en léchant. Voilà pourquoi le vers est si beau en latin. En français, le mot lécher est peu agréable, difficile à faire entrer dans le style noble, et surtout impossible à joindre ici avec les astres, autre terme figuré pour dire le ciel. Un équivalent est donc nécessaire, sans quoi vous rendriez ridicule ce qui est beau; c'est le cas où la fidélité littérale est un mensonge.

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