Immagini della pagina
PDF
ePub

Je veux bien vous promettre une amitié plus tendre
Que ne serait l'amour que vous pourriez prétendre.
Nous passerons les jours dans nos doux entretiens;
Vos troupeaux me seront aussi ehers que les miens.
Si de vos fruits pour moi vous cueillez les prémices,
Vous aurez de ces fleurs dont je fais mes délices.
Notre amitié peut-être aura l'air amoureux;
Mais n'ayons point d'amour. il est trop dangereux.
Dieux! disait le perger, quelle est ma récompense?
Vous ne me marquerez aucune préférence.
Avec cette amitié dont vous flattez mes maux,
Vous vous plairez encor au chant de mes rivaux.
Je ne connais que trop votre humeur complaisante.
Vous aurez avec eux la douceur qui m'enchante,
Et ces vifs agréments, et ces souris flatteurs
Que devraient ignorer tous les autres pasteurs.
Ah! plutôt mille fois.... Non, non, répondait-elle,
Ismène à vos yeux seuls voudra paraitre belle.
Ces légers agréments que vous m'avez trouvés,
Ces obligeants souris vous seront réservés.

:

Je n'écouterai point sans contrainte et sans peine
Les chants de vos rivaux, fussent-ils pleins d'Ismène.
Vous serez satisfait de mes rigueurs pour eux.
Mais n'ayons point d'amour : il est trop dangereux.
Eh bien! reprenait-il, ce sera mon partage
D'avoir sur mes rivaux quelque faible avantage.
Vous savez que leurs cœurs vous sont moins assurés,
Moins acquis que le mien, et vous me préférez;
Toute autre l'aurait fait : mais enfin, dans l'absence,
Vous n'aurez de me voir aucune impatience.
Tout vous pourra fournir un assez doux emploi,
Et vous trouverez bien la fin des jours sans moi.
Vous me connaissez mal, ou vous feignez peut-être,
Dit elle tendrement, de ne me pas connaître.
Croyez-moi, Corilas, je n'ai pas le bonheur
De regretter si peu ce qui flatte mon cœur.
Vous partites d'ici quand la moisson fut faite;
Et qui ne s'aperçut que j'étais inquiète?
La jalouse Doris, pour me le reprocher,
Parmi trente pasteurs vint exprès me chercher.
Que j'en sentis contre elle une vive colère!
On vous l'a raconté n'en faites point mystère.
Je sais combien l'absence est un temps rigoureux.
Mais n'ayons point d'amour : il est trop dangereux.
Qu'aurait dit davantage une bergère amante?
Le mot d'amour manquait : Ismène était contente.
A peine le berger en espérait-il tant;
Mais, sans le mot d'amour, il n'était pas content.
Enfin, pour obtenir ce mot qu'on lui refuse,
Il songe à se servir d'une innocente ruse.
Il vous faut obéir, Ismène, et, dès ce jour,
Dit-il en soupirant, ne parler plus d'amour.
Puisqu'à votre repos l'amitié ne peut nuire,
A la simple amitié mon cœur va se réduire.
Mais la jeune Doris, vous n'en sauriez douter,
Si j'étais son amant, voudrait bien m'écouter.
Ses yeux m'ont dit cent fois : Corilas, quitte Ismène;
Viens ici, Corilas, qu'un doux espoir t'amène.
Mais les yeux les plus beaux m'appelaient vainement,
J'aimais Ismène alors comme un fidèle amant.
Maintenant cet amour que votre cœur rejette,
Ces soins trop empressés, cette ardeur inquiète,
Je les porte a Doris, et je garde pour vous
Tout ce que l'amitié peut avoir de plus doux.
Vous ne me dites rien? Ismène, à ce langage
Demeurait interdite, et changeait de visage.
Pour cacher sa rougeur, elle voulut en vain
Se servir avec art d'un voile ou de sa main :
Elle n'empêcha point son trouble de paraitre.
Eh! quels charmes alors le berger vit-il naitre!
Corilas, lui dit-elle en détournant les yeux,
Nous devions fuir l'amour, et c'eût été le mieux.
Mais, puisque l'amitié vous parait trop paisible,
Qu'à moins que d'être amant, vous êtes insensible,

Que la fidélité n'est chez vous qu'à ce prix, Je m'expose à l'amour, et n'aimez point Doris. Parmi les poésies mêlées de Fontenelle, qui so presque toutes mauvaises, on trouve trois piece qui méritent d'être conservées : le Portrait de C rice, le sonnet de Daphné, et cet apologue de l'à mour et de l'Honneur, qui est peut-être la plus is génieuse de ses pièces détachées.

Dans l'âge d'or, que l'on nous vante tant,
Ou l'on aimait sans lois et sans contrainte,
On croit qu'Amour eut un règne éclatant.
C'est une erreur : il fut si peu content,
Qu'à Jupiter il porta cette plainte :
J'ai des sujets, mais ils sont trop soumis,
Dit-il; je règne, et je n'ai point de gloire.
J'aimerais mieux dompter des ennemis :
Je ne veux plus d'empire sans victoire.
A ce discours, Jupin rêve et produit
L'austere Honneur, épouvantail des belles,
Rival d'Amour, et chef de ses rebelles,
Qui peut beaucoup avec un peu de bruit.
L'enfant mutin le considère en face,
De près, de loin; et puis, faisant un saut,
Père des dieux, dit-il, je te rends grace;
Tu m'as fait là le monstre qu'il me faut.

J'ai rapporté ailleurs le sonnet de Daphné; voic le Portrait de Clarice:

J'espère que Vénus ne s'en fâchera pas;
Assez peu de beautés m'ont paru redoutables.
Je ne suis pas des plus aimables,
Mais je suis des plus délicats.

J'étais dans l'âge où règne la tendresse,

Et mon cœur n'était point touché.
Quelle honte! il fallait justifier sans cesse
Ce cœur oisif qui m'était reproché;

Je disais quelquefois : Qu'on me trouve un visage
Par la simple nature uniquement paré,
Dont la douceur soit vive, et dont l'air vif soit sage,
Qui ne promette rien, et qui pourtant engage :
Qu'on me le trouve, et j'aimerai.

Co qui serait encor bien nécessaire,
Ce serait un esprit qui pensat finement
Et qui crût être un esprit ordinaire,
Timide sans sujet, et par là plus charmant;
Qui ne put se montrer hi se cacher sans plaire:
Qu'on me le trouve, et je deviens amant.

On n'est pas obligé de garder de mesure

Dans les souhaits qu'on peut former :
Comme en aimant je prétends estimer,
Je voudrais bien encore un cœur plein de droiture,
Vertueux sans rien réprimer,
Qui n'eût pas besoin de s'armer
D'une sagesse austère et dure,
Et qui de l'ardeur la plus pure
Se put une fois enflammer:
Qu'on me le trouve, et je promets d'aimer.
Par ces conditions j'effrayais tout le monde :
Chacun me promettait une paix si profonde.
Que j'en serais moi-même embarrassé.
Je ne voyais point de bergère
Qui, d'un air un peu courroucé,
Ne m'envoyát à ma chimère.

Je ne sais cependant comment l'Amour a fait :
Il faut qu'il ait longtemps médité son projet;
Mais enfin il est sûr qu'il m'a trouvé Clarice,
Semblable à mon idée, ayant les mêmes traits :
Je crois pour moi qu'il me l'a faite exprès.
Oh! que l'Amour a de malice!

peuvent dédommager d'un long verbiage ou d'un jargon précieux et maniéré?

Voltaire a dit avec raison qu'il n'y avait point de peuple qui eût un aussi grand nombre de jolies chansons que le peuple français; et cela doit être, s'il est vrai qu'il n'y en a pas de plus gai. Cette gaieté a été surtout satirique ou galante. Quant à la satire, les couplets qu'elle a dictés sont partout: on les trouvera particulièrement dans un recueil en

giné de rappeler et de caractériser les événements et les personnages du dernier siècle par les chansons dont ils ont été le sujet. Cette idée est prise dans le caractère français: on n'aurait pas imaginé chez les Romains, ni même chez les Athéniens, aussi légers que les Romains étaient sérieux, de trouver leur histoire dans leurs chansons. Celles d'Horace et d'Anacréon n'ont pour objet que leurs plaisirs et leurs amours; et les guerres civiles et les proscriptions n'ont point été chez les anciens des sujets de vaudeville. Salvien, il est vrai, a dit des Germains, qu'ils consolaient leurs infortunes par des chansons'; mais il ne fait entendre en aucune manière que ces chansons fussent des épigrammes; et la gravité, de tout temps naturelle aux Germains, ne permet pas de le supposer. Chez nous, la Ligue et la Fronde firent éclore des miliers de satires en chansons, et la plupart de celles qui nous restent de cette folle guerre de la Fronde sont pleines d'un sel qu'on appellerait le sel français, si nous étions des anciens; car notre vaudeville est vraiment national, et d'une tournure qu'on ne retrouverait pas ailleurs. Le refrain le plus com

Ces trois pieces valent mieux que la plupart de celles de plusieurs poëtes qui ont conservé jusqu'à nos jours la réputation d'écrivains agréables, tels que la Fare, Charleval, Lainez, Ferrand, Pavillon, Régnier-Desmarests, et quelques autres, distingués comme eux en différents genres de poésie légère, et dont pourtant il ne reste dans la mémoire des connaisseurs qu'un très-petit nombre de morceaux choisis. Les madrigaux de la Sablière sont d'une galanterie aimable, et ont même quelquefois l'ex-quatre volumes, publié de nos jours, où l'on a imapression de la sensibilité. Mais Chaulieu a passé de bien loin tous ces écrivains : il est le seul qui ait conservé un rang dans un genre où tous ceux qui s'y étaient exercés comme lui sont depuis longtemps confondus pêle-mêle, et comme entièrement éclipsés par la prodigieuse supériorité de Voltaire, qui, de l'aveu même de l'envie, ne permet aucune comparaison. Chaulieu du moins, malgré la distance où il est resté, est encore et sera toujours lu. Ce n'est pas un écrivain du premier ordre, et ce même Voltaire l'a très-bien apprécié dans le Temple du Goût, en l'appelant le premier des poëtes négligés. Mais c'est un génie original, un de ces hommes favorisés de la nature, et qu'elle avait réunis en foule pour la gloire du siècle de Louis XIV. Il était né poëte, et sa poésie a un caractère marqué : c'était un mélange heureux d'une philosophie douce et paisible, et d'une imagination riante. Il écrit de verve, et tous ses écrits sont des épanchements de son âme. On y voit les négligences d'un esprit paresseux, mais en même temps le bon goût d'un esprit délicat, qui ne tombe jamais dans cette affectation, premier attribut des siècles de décadence. Il a de l'harmonie, et ses vers entrent doucement dans l'o-mun, le dicton le plus trivial a souvent fourni les reille et dans le cœur. Quel charme dans les stances sur la Solitude de Fontenay, sur la Retraite, sur sa Goutte! Son ode sur l'Inconstance est la chanson du plaisir et de la gaieté. Il a même des morceaux d'une poésie riche et brillante. Mais ce qui domine surtout dans ses écrits, c'est la morale épicurienne et le goût de la volupté. Les plaisirs dont il jouit ou qu'il regrette sont presque toujours le sujet de ses vers. Il a très-bonne grâce à nous en parler, parce qu'il les sent; mais malheur à qui n'en parle que pour paraître en avoir! Ses madrigaux sont pleins de grâce. Il tourne fort bien l'épigramme. Et, si l'on peut retrancher sans regret quelquesunes de ses poésies, qui n'aimerait mieux avoir fait une douzaine de ces pièces pleines de sentiment et de philosophie que des volumes entiers de ces poësies, aujourd'hui si communes, dont les auteurs semblent trop persuadés que quelques jolis vers

traits les plus heureux. Ceux des chansons du temps de Louis XIV ont plus de finesse et de grâce que ceux de la Fronde, et le sel en est moins âcré. Mais quoi de plus gai, par exemple, que ce couplet contre Villeroi, sur le refrain si connu, Vendome, Vendôme?

Villeroi,
Villeroi,

A fort bien servi le roi...
Guillaume, Guillaume.

Y a-t-il une rencontre plus heureuse, et une chute
plus inattendue et plus plaisante? Et cet autre sur
le même général, fait prisonnier dans Crémone:

Palsambleu, la nouvelle est bonne,
Et notre bonheur sans égal :
Nous avons recouvré Crémone,
Et perdu notre général.

Cantilenis infortunia sua solantur.

Ce tour d'esprit est toujours le même en France, et n'a rien perdu de nos jours : témoin ce couplet sur la déroute de Rosbach, si prompte et si imprévue; et c'est encore ici la parodie d'un refrain populaire trèsbien appliqué; c'est le général qui parle :

Mardi, mercredi, jeudi,

Sont trois jours de la semaine :

Je m'assemblai le mardi;
Mercredi, je fus en plaine;
Je fus battu le jeudi.
Mardi, mercredi, etc.

En un mot, on peut assurer qu'il n'y a pas eu en France un seul événement public, de quelque nature qu'il fût, qui n'ait été la matière d'un couplet; et le Français est le peuple chansonnier par excellence. Il n'y a dans toute son histoire qu'une seule époque où il n'ait pas chansonné, c'est celle de la terreur : mais aussi ce n'est pas une époque humaine, puisque ni les bourreaux ni les victimes n'ont été des hommes; et dès qu'on a cessé d'égorger, le Français a recommencé à chanter.

Il est à remarquer que cette facilité à faire des chansons est une sorte d'esprit tellement générale, et pour ainsi dire endémique, que, dans cette multitude de jolis couplets de tout genre qui ont été retenus, le nom des auteurs a le plus souvent échappé à la mémoire. Tant de personnes en ont fait et peuvent en faire ! Boileau accordait ce talent même a Linière. D'ailleurs les chansonniers de profession n'ont pas été renommés. Les Haguenier, les Testu, les Vergier, et autres du même métier, ne sont pas ceux qui brillent dans nos recueils; et nos chansons les mieux faites sont de ces bonnes fortunes de société que tout homme d'esprit peut avoir; et beaucoup en ont eu de cette sorte.

La chanson galante et amoureuse avait, dans le dernier siècle, plus de simplicité, de sentiment, et de grâce; elle a eu dans le nôtre plus d'esprit et de tournure. Je ne sais si l'on pourrait citer une chanson de ce siècle aussi tendre et aussi naïve que celle-ci :

De inon berger volage}
J'entends le flageolet;
De ce nouvel hommage
Je ne suis plus l'objet.
Je l'entends qui fredonne
Pour une autre que moi.
Hélas! que j'étais bonne
De lui donner ma foi!

Autrefois l'infidèle
Faisait dire à l'écho
Que j'étais la plus belle
Des filles du hameau;
Que j'étais sa bergère;
Qu'il était mon berger;
Que je serais légère
Sans qu'il devint léger.
Un jour (c'était ma fète)
Il vint de grand matin.
De fleurs ornant ma tête,
Il plaignait son destin.
Il dit: Veux-tu, cruelle,
Jouir de mes tourments?
Je dis Sois-moi fidèle,
Et laisse faire au temps.
Le printemps qui vit naître
Ses volages ardeurs,
Les a vu disparaître
Aussitôt que les fleurs.
Mais, s'il ramène à Flore
Les inconstants zéphyrs,
Ne pourrait-il encore
Ramener ses désirs?

Il y a dans cette chanson une scène, une conversation et un tableau; et comme tout est précis, quoique tout soit si loin de la sécheresse! Le troisième couplet surtout est charmant, et la chanson entière est un modèle en ce genre.

Je citerai encore un couplet très-bien fait et beaucoup moins connu. L'idée en est très-ingénieuse, et la tournure intéressante. Il est de madame de Murat.

Faut-il être tant volage?
Ai-je dit au doux plaisir.

Tu nous fuis, las ! quel dommage!
Dès qu'on a cru te saisir.
Ce plaisir tant regrettable
Me répond: Rends grâce aux dieux :
S'ils m'avaient fait plus durable,
Ils m'auraient gardé pour eux.

FIN DU PREMIER VOLUME.

[merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][ocr errors][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small]
[merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small]
« IndietroContinua »