Immagini della pagina
PDF
ePub

Ainsi, le 6 octobre, il acceptait les instructions du 27 septembre, sans autre réclamation que la faculté de porter les volontaires au-delà de 4,000 hommes primitivement déterminés; mais, quelques jours après, il revenait sur le besoin d'un renfort plus ou moins considérable.

« Pour en finir, le ministre, le 18 octobre, lui mandait qu'il pouvait lever jusqu'à concurrence de 5,000 volontaires; mais le Gouvernement persévérait pour tout le reste dans ses résolutions, en laissant au maréchal le soin de décider de l'expédition, selon qu'il trouverait les moyens mis à sa disposi tion suffisans ou insuffisans. >>

Enfin, après avoir encore insisté dans d'autres dépêches sur les conventions ou promesses verbales qui auraient été faites par le cabinet du 22 février de porter l'effectif de l'armée d'Afrique à 32 ou 33,000 hommes, le maréchal s'était décidé à partir. (le 29 octobre) d'Alger pour Constantine, et toutes ses dernières dépêches annonçaient sa confiance et la suffisance de ses moyens pour le succès de l'expédition.

Nous ne suivrons pas le rapport dans les considérations qu'il expose, dans les causes auxquelles il attribue les mauvais succès de l'expédition, ce serait revenir sur le récit que nous en avons fait (voyez l'Annuaire pour 1856, chap. X).. L'insuffisance des transports, des vivres et des munitions de guerre et surtout l'intempérie inaccoutumée, affreuse de la saison, la fatigue de la marche et les maladies qui s'en étaient suivies avaient forcé la levée du siége, et cette belle retraite qu'on peut regarder comme un nouveau titre de gloire pour l'armée française et pour son illustre général, dont l'impassible fermeté avait soutenu l'énergie des soldats.

Arrivée à la conclusion de son rapport, la commission s'était demandé si une seconde expédition devait être faite; mais elle avait laissé au Gouvernement le soin de demander de nouveaux crédits sur l'exercice 1857, s'il la jugeait nécessaire, et à la commission qui serait chargée d'examiner ces crédits, la tâche dont elle avait dû s'abstenir.

« Nous nous sommes renfermés dans l'examen du passé, disait M. Janvier en terminant son rapport; notre but a été de démontrer que près de 6,000,000 ont été dépensés sans résultat utile. Ils n'ont servi qu'à développer, dans de plus grandes proportions, le système d'expéditions incohérentes, qui a été suivi dès l'origine. Nous avons successivement porté la guerre au centre et aux extrémités de la régence, sans nous établir nulle

part d'une manière solide. Est-ce ainsi, Messieurs, qu'on peut établir l'œuvré difficile d'une colonisation? On a complétement manqué de prudence et de persévérance, les deux qualités les plus nécessaires pour réussir, pour réussir surtout en Afrique.

« C'est à regret, mais avec une conviction profonde, que nous disons au pouvoir et au pays ce qui nous semble la vérité. Nous eussions cru manquer à notre devoir, si nous eussions sanctionné sans de sévères critiques le crédit de 5,242,000 fr. »

28 avril. Ce rapport, dont l'ensemble inculpait le cabinet du 22 février autant que le maréchal Clausel, avait fait grande sensation. Entre douze orateurs qui se présentaient pour le combattre, le maréchal Clausel n'était inscrit que le septième; mais, comme on n'était pas moins impatient de l'entendre qu'il pouvait l'être de répondre au rapport de la commission, il fut admis le premier, sur sa demande, à la tribune, et commença, d'un ton de voix fort modéré, son discours en ces

termes :

« Messieurs, depuis la glorieuse conquête d'Alger, notre politique incertaine et nos tâtonnemens en Afrique sont pour la France un sujet d'inquiétude et pour l'Europe un motif d'espérance. Cependant sept années se sont écoulées, et le moment est arrivé d'avouer un système et de prendre un parti qui dissipe tous les doutes.

<< Plus que personne j'ai le droit de prendre la parole dans cette grave question. D'ailleurs, vous le savez, ce droit est devenu pour moi un devoir, et ce devoir impérieux je viens le remplir.

«Et d'abord je dois vous faire observer que tout ce qui s'est passé en Afrique a été représenté avec une inexactitude intentionnelle et froidement calculée. Cela devait être ainsi, Messieurs; car, pour parvenir à fausser l'opinion publique, et, par elle, l'opinion des Chambres, il fallait avoir recours, d'un côté à toutes les exagérations, de l'autre à toutes les rélicences; il fallait essayer de tous les moyens, employer toutes les formes : c'est ce qu'on a fait.

«Toutefois les faits sont là, et il suffit de les interroger franchement, sans arrière-pensée, pour les rendre à leur sens véritable, à leur importance réelle.

«La haute mission qui m'était confiée m'imposait deux responsabilités envers le Gouvernement; celle de gouverneur de la colonie et celle de général en chef. Déjà je lui ai rendu compte de tous mes actes en cette double qualité, et je lui ai déclaré que j'étais prêt à accepter toutes les conséquences qui pouvaient en résulter. Mais peut-être, par une interversion des règles. du Gouvernement représentatif, vous avez été saisis de cette affaire, et je suis devenu votre justiciable. (Voix nombreuses: Non! Non!) Je m'en félicite, Messieurs, et j'accepte avec un vif empressement cette nouvelle responsabilité qui cependant semblait ne devoir arriver jusqu'à moi qu'aprèsavoir pesé sur d'autres têtes. >>>

Après cet exorde prononcé au milieu des interruptions qui

témoignaient au maréchal qu'il ne devait pas se considérer comme justiciable de la Chambre; après s'être cité comme un nouvel exemple de fatalité qui s'attache toujours à des scrvices rendus au loin, quand ils n'ont pas eu de succès; après s'être plaint d'avoir été représenté comme un proconsul chargé des dépouilles des vaincus, tandis qu'il était obligé de vendre une portion de son patrimoine pour acquitter d'anciennes dettes nécessitées par un premier exil et des dettes nouvelles contractées dans l'exercice de ce gouvernement qui, pour toute fortune, lui avait valu les calomnies qu'il était forcé maintenant de repousser, le maréchal, remontant à l'origine de son commandement, faisait observer qu'il avait été envoyé en Afrique, non seulement pour réparer l'échec de la Macta, mais encore pour abattre complétement la puissance d'Abd-el-Kader, et il arguait de l'objet et des difficultés de sa mission pour démontrer la nécessité des expéditions successives dans lesquelles il s'était trouvé engagé.

u

Suffisait-il, disait l'honorable maréchal, pour abattre complétement la puissance d'Abd-el-Kader, d'aller à lui, de le rencontrer et de le vaincre, s'il voulait bien accepter le combat, et puis de rentrer dans nos villes sans avoir profité de la victoire? Ces défaites auraient sans doute ébranlé sa puissance, mais elles ne l'auraient pas abattue, abattue complétement, comme le prescrivait le ministère.

Evidemment, en le poursuivant sans relâche dans tous les lieux où il cherchait de nouvelles ressources et une nouvelle armée, en ne lui laissant ni paix ni trève, en lui enlevant tous ses moyens d'action, j'obéissais aux ordres du ministère, je remplissais loyalement ma mission. Cependant, en présence de ces faits et de ces ordres, le rapporteur de votre commission a signalé l'esprit d'indiscipline se glissant dans l'armée; il s'est plaint que le ministère n'ait pas réprimé les écarts de ses agens, si élevés qu'ils fussent. Que signifie cette phrase? J'ai peine à la concevoir; j'ai peine surtout à croire qu'elle s'applique à moi, qui ne m'occupais que de la stricte exécution des ordres qui m'étaient donnés.

« Si l'indiscipline s'est glissée dans l'armée, en savez-vous la cause, Messieurs? C'est que les actes des chefs les plus élevés ont été l'objet d'une surveillance détournée et de mauvais exemple; c'est que toutes les conditions de la hiérarchie ont été interverties; c'est que l'insubordination d'agens secondaires envers leur chef naturel a été permise; que dis-je ? conseillée, ordonnée, transformée en devoir par l'autorité métropolitaine. En fait de discipline militaire, le respect de la hiérarchie est le plus absolu des principes; c'est en le violant qu'on a introduit l'esprit d'indiscipline dans F'armée : les protestations qui vous arrivent en font foi. C'est done moi qui ai le droit de me plaindre de l'indiscipline; mais je n'ai point à m'en aç

cuser. »>

Revenant à la question principale, M. le maréchal établissait que, pour garder Alger, il fallait dominer, occuper toute la Régence; que, hors de là, on n'aurait que des sacrifices sans résultats, des charges sans compensation; que c'était en vue de la conservation de la Régence qu'il était allé à Mascara et à Tlemcen; qu'il avait fait l'expédition de Tlemcen, parce que son devoir était de la faire, parce qu'elle était commandée par les règles de la guerre et les besoins de la politique, parce qu'elle était conforme à l'esprit de ses instructions. Sans Tlemcen, la province d'Oran nous échappait, et si cette province ne nous est pas entièrement soumise, c'est que nous n'occupons pas encore toutes les positions nécessaires à la répression immédiate de tous les mouvemens qui peuvent y éclater. Ainsi, l'occupation de Tlemcen était aux yeux du gouverneur-général de la plus haute importance; et c'était pour concilier cette importance avec l'extrême modicité des ressources financières mises à sa disposition, qu'il avait frappé cette ville d'une contribution de 150,000 fr., et cette contribution, les Coulouglis et les Turcs eux-mêmes l'avaient en quelque sorte provoquée et offerte, car ils avaient long-temps et vivement sollicité la présence d'un corps français comme le seul moyen de les soustraire aux terribles vengeances d'Abd. el-Kader, incessamment suspendues sur leurs têtes... Cette contribution était destinée à payer les frais extraordinaires et le supplément de solde qu'entraînait nécessairement l'établissement de la garnison. Etait-ce donc, disait le maréchal, une si grande énormité que de faire supporter une portion de ces dépenses à ceux qui les avaient appelées de tous leurs vœux, et dans l'intérêt desquels elles devaient être faites?

<< Tel fut le principe de la contribution de Tlemcen.

«Mais le chiffre de cette contribution une fois arrêté, quelque modéré qu'il fût, les hommes qui devaient le payer ont prétendu qu'il excédait leurs moyens. Cela devait être, et il faudrait bien peu connaitre les contribuables de tous les pays, et surtout les Arabes, pour s'étonner de ces réclamations.

« Mais, dit-on, les Coulouglis et les Turcs plaidaient leur misére, et vous n'avez eu aucun égard à leurs doléances. J'avais égard aux besoins urgens de la garnison que je leur laissai; et quant à leur prétendue misère, je savais à quoi m'en tenir, car je n'ignorais pas qu'ils étaient riches au moins de l'argent pillé à Alger et même à Tlemcen. Vraiment, il faut n'avoir jamais habité l'Afrique pendant quinze jours, il faut être complétement étranger au caractère et aux habitudes des Arabes, pour espérer qu'en tenant compte de leurs doléances en matière d'argent, on n'obtiendra d'eux autre chose qu'un sentiment de mépris et de risée. »

Quant aux procédés employés pour la levée de cette cóntribution, le maréchal déclarait qu'il n'avait pas cru devoir permettre que des Français y fussent immiscés. Tlemcen devait être considérée comme un beylick qui se soumettait à notre pouvoir, il est vrai, mais en conservant ses droits, ses lois, ses coutumes.... Et, d'après ces principes, on avait dû laisser agir les autorités du pays dans la limite de leurs droits et de leurs pouvoirs....

<< Malheureusement, ajoutait le maréchal, ces autorités ont agi avec des formes qui, toutes simples et usuelles qu'elles soient en Afrique, n'en révoltent pas moins nos usages et nos mœurs. Aussi ai-je suspendu la contribution dés que j'ai été informé des procédés violens auxquels elle donnait lieu, et qui révoltaient à juste titre notre susceptibilité. Quant à la pétition des Kasnadji, à cette œuvre de mensonge, le jour où elle deviendrait l'objet d'une enquête sérieuse, solennelle, je saurais en démontrer les véritables caractères. En attendant, je me borne à la déclarer calomnieuse, et, comme telle, j'en déférerai les auteurs aux tribunaux dès qu'on voudra bien ne plus jeter d'obstacles entre la justice et moi. »

Arrivant à l'expédition de Constantine, M. le maréchal se défendait des inculpations de la commission en termes qu'il faut rapporter textuellement pour ne pas affaiblir sa défense.

« J'arrive à l'expédition de Constantine.

<< Faut-il maintenant entrer dans le récit de mes rapports avec le ministère du 6 septembre, relativement à cette expédition? Oui, puisque, aprés l'examen des pièces officielles, votre commission elle-même n'a su à qui en renvoyer la responsabilité. C'est que votre commission n'avait pas pour élémens de conviction les paroles des membres du cabinet, les messages verbaux de M. le ministre de la guerre, les promesses faites et les résolutions prises par l'administration du 22 février. C'est que toutes ces choses, qui ont été les mobiles de ma conduite, manquaient à la commission pour l'éclairer et asseoir son jugement. Dans cette affaire, un grief domine tous les autres. On me reproche d'avoir entrepris l'expédition de Constantine sans y avoir été explicitement autorisé; on subtilise sur les mots; on dit : « Nous avons permis, mais non ordonné. » Et comme l'événement n'a pas répondu aux espérances, on se prévaut d'une équivoque misérable pour échapper à la responsabilité.

« IndietroContinua »