Immagini della pagina
PDF
ePub

Quant au douaire de la princesse, plusieurs étaient d'avis de le porter à 300,000 fr.

La commission se prononça, presque sans débats, pour une augmentation plus modérée.

Le 21 avril, après que le vice-président eut rendu compte de la réception de la grande députation envoyée au roi pour lui porter les hommages et les félicitations de la Chambre, M. Dupin, se présentant à la tribune comme rapporteur de la commission chargée de l'examen du projet de loi concernant l'augmentation de la dotation du prince royal, se borna à dire que la commission, appréciant la parfaite convenance de la proposition royale, et, jalouse de répondre par son empressement à la confiance du trône, avait chargé à l'unanimité son rapporteur de faire à la Chambre les propositions suivantes, savoir :

D'augmenter d'un million la dotation actuelle du prince royal, ce qui la porterait annuellement à 2 millions de fr.; D'y ajouter, pour les dépenses de mariage et les frais d'établissement, un million une fois payé ;

Et de fixer le douaire de la princesse, comme il avait été convenu par les articles du contrat de mariage, à 500,000 fr.

Ce rapport, que les membres de l'extrême gauche trouvaient fort laconique, était déjà imprimé. Chacun des membres en reçut immédiatement un exemplaire; et, sur la proposition du rapporteur, la discussion fut fixée au lendemain.

22 avril. Aucun orateur ne s'était fait inscrire ni pour ni contre le projet, et peut-être s'attendait-on que, par un sentiment qu'il est facile d'apprécier, il passerait sans discussion; mais l'extrême gauche crut qu'elle y devait faire au moins une espèce de protestation.

M. Garnier-Pagès, sans vouloir traiter la question de convenance et d'intérêt politique du mariage, se plaignait de la précipitation qu'on avait mise à la discussion, précipitation qui empêchait qu'on ne demandat communication de pièces qui pouvaient être utiles à l'examen de la question financière.

[ocr errors]

On avait peut-être voulu éviter les critiques du dehors et priver les députés d'être éclairés sur ce que peuvent penser å cet égard les électeurs. En principe, M. Garnier-Pagès craignait qu'on ne comparât un jour le Gouvernement à bon marché avec les profusions de la monarchie et en présence de la misère des classes ouvrières en France; et, lorsqu'il était prouvé qu'il n'y avait pas insuffisance du domaine privé, il ne croyait pas devoir ajouter à la dotation du prince qu'il trouvait encore exagérée en la comparant au douaire qu'on faisait à la princesse.

M. Demarçay, aussi convaincu que la liste civile et les autres revenus de la famille royale étaient plus que suffisans pour la maintenir dans une position très honorable et digne en tout de la nation française, prenant en considération l'état de souffrance où se trouve une partie considérable de la population, déclarait qu'il voterait contre toute espèce de demande de même nature, excepté pour le douaire de la future duchesse d'Orléans dont il reconnaissait la justice et la

convenance.

De telles objections ne pouvaient pas rester sans réponse : aussi M. le garde des sceaux, en relevant quelques expressions hasardées des orateurs de l'opposition sur la durée de la dynastie de juillet, s'éleva-t-il avec énergie contre ces mandats impératifs ou ces correspondances avec les électeurs dont l'effet était d'agiter les mauvaises passions et d'entretenir des agitations funestes dans le pays, et contre les insinuations dangereuses qu'on voulait répandre dans les ouvriers. Quant au fond de la question, il démontrait que la dotation, soumise au vote des Chambres, devait mettre le prince royal en état non seulement de soutenir la dignité de son rang, mais de donner des encouragemens aux arts et des secours à l'infortune. D'ailleurs, M. le garde des sceaux était loin de vouloir contester à la Chambre le droit et la liberté de la discussion. M. Dupin aussi, qui reprit la parole comme rapporteur, ne voyait d'autres limites à de pareilles discussions que celle

de la bienséance à s'imposer en pareille occurrence; et il félicitait les orateurs de ce qu'usant de leur droit parlementaire, ils avaient fait des discours et non pas des pamphlets (allusion qui fit porter tous les regards sur M. de Cornemin, auteur d'un pamphlet sur, c'est-à-dire contre la dotation territoriale proposée pour le duc de Nemours). M. Dupin ne s'élevait pas avec moins d'énergie que le garde des sceaux sur les dangers et sur l'inconvenance des mandats impératifs, sur les avis qu'on prétendait avoir à demander aux électeurs, système qui tendait à transporter les pouvoirs là où ils n'étaient pas ; et, quant à l'argument tiré de la richesse du patrimoine qu'on suppose au prince royal, M. Dupin certifiait que le prince royal n'avait pas un sou de patrimoine ni en réalité ni en expectative; car, à la différence des anciennes lois qui donnaient tout à l'aîné et rien aux princes, l'abandon du patrimoine du roi avait été fait aux sept cadets seulement, l'exclusion de l'aîné auquel l'acte ne réservait pas même sa légitime.

« Ainsi, disait en terminant M. Dupin, le prince royal n'aura rien que ce qu'il tiendra de la nation, et c'est ici que, ressaisissant la noble pensée du projet, la pensée du prince lui-même, qu'il m'a exprimée avec insistance, je dis qu'il serait indigne de lui comme de nous de disputer sur des chiffres; ils sont en blanc dans le projet de loi. Considérez-les comme en blanc dans le rapport; c'est à votre vote que j'en appelle ! »

L'adhésion presque unanime que la Chambre donnait à ces paroles, le désir qu'elle manifestait d'aller aux voix n'empêchèrent point M. de Briqueville d'ajouter sa protestation à celles de ses amis. Il se récria sur l'imprudente prodigalité qu'on montrait au moment où la guerre extérieure pouvait imposer tant de sacrifices à la France; et, jetant un regard critique sur les dépenses que la liste civile faisait à Versailles, il en concluait qu'elle était assez riche pour faire prendre sur elle-même l'augmentation de dotation demandée pour le prince royal; mais il accordait le million de frais d'établissement et le douaire proposé pour la princesse.

On était impatient d'aller aux voix. Quelques membres

de l'extrême gauche et un seul membre du côté droit s'étaient levés contre les deux premiers articles. Le 3, après une observation sur la question de savoir s'il n'y aurait pas lieu à l'augmentation du douaire dans le cas où la princesse resterait veuve avec des enfans, fut voté à l'unanimité; et le dépouillement du scrutin, ensuite ouvert sur l'ensemble du projet, offrit 307 boules blanches et 49 noires sur 356 votans.

Le projet porté quelques jours après (le 27 avril) à la Chambre des pairs, renvoyé à une commission qui en proposa l'adoption, et soumis, le 29, à la discussion, y souleva des observations critiques de M. le vicomte Dubouchage sur le domaine privé et sur le partage qui en avait été fait en 1850, observations auxquelles il ajoutait des vœux pour la promulgation prochaine d'une amnistie au moins pour les délits politiques.

Malgré ces observations auxquelles répondirent M. le baron Feutrier et le ministre de l'intérieur, aucun amendement n'était proposé sur les dispositions du projet dont l'ensemble fut adopté à la majorité de 116 voix sur 120 votans.

Une opposition plus sérieuse s'annonçait contre le projet relatif à la dot de la reine des Belges, présenté, dès le 26 janvier, à la Chambre élective, et dont la discussion avait été fixée, après celle des crédits supplémentaires pour 1856.

Il avait pour objet de mettre à la disposition du ministre des finances une somme d'un million sur l'exercice de 1837 pour payer la dot de madame la princesse Louise d'Orléans, conformément au traité conclu, le 28 janvier 1852, entre le roi des Français et le roi des Belges.

Il faut se rappeler, pour apprécier les difficultés qu'il eut à subir, que, d'après l'art. 21 de la loi du 2 mars 1852, la dotation des fils puinés et des filles du roi devait être faite par le Trésor public, en cas d'insuffisance du domaine privé.

La commission, chargée d'examiner le projet, y avait donné son adhésion (rapport fait, le 10 mars, par M. LacaveLaplagne) sans demander la production des pièces justifica

tives qui devaient lui prouver l'insuffisance du domaine privé; mais cette réserve de haute convenance n'avait pas eu l'assentiment de l'opposition. Plusieurs fois, et notamment dans la séance du 24 avril, on avait interpellé le ministère (MM. Odilon Barrot, Lherbette) pour obtenir la communication de ces pièces avant l'ouverture de la décision. Quoiqu'on eût alors passé à l'ordre du jour sur la proposition regardée comme au moins prématurée, le ministère s'était pourtant résigné à donner quelque satisfaction à l'opinion publique déjà si agitée par la question de l'apanage du duc de Nemours.

Le 27 avril, à l'ouverture du débat, le ministre de l'intérieur (M. le comte de Montalivet), rappelant les interpellations qui avaient été adressées au ministère, expliqua les motifs du refus qu'il avait fait de déposer aucun renseignement, aucune pièce justificative sur le bureau. La demande lui avait paru contraire au véritable esprit de la loi de 1852. Le principe invoqué une fois admis, on ne pouvait se dérober à toutes ses conséquences; on allait jusqu'à une véritable enquête, jusqu'au dépôt de tous les comptes de la liste civile, c'est-à-dire d'une portion du budget qui avait été mise en dehors des investigations du pouvoir parlementaire.

« Ainsi, disait le ministre, nous avons dû nous refuser à faire le dépôt, sur le bureau de la Chambre, des pièces demandées, des états justificatifs qu'on réclame; mais était-ce pour nous soustraire à l'obligation de vous faire connaître la véritable situation financière de la couronne, qui a donné lieu depuis quelque temps à tant de calomnies contre elle? Non, Messieurs, car si nous avons un devoir à remplir, un devoir de haute convenance, comme nous le disions, nous avons encore un autre devoir à remplir envers elle, c'est de chercher, en vous donnant connaissance de tous les états de sa situation, de chercher à la venger de toutes les amertumes dont elle a été abreuvée. (Très bien !) En même temps que nous devions donner cette satisfaction à nous-mêmes et à vous, nous sommes trop heureux de répondre au désir si naturel et si patriótique qu'a la Chambre de vouloir s'éclairer de toutes choses dans les questions qui lui sont soumises. »

Ici, le ministre établissait, comme il suit, la situation financière du domaine privé, de la liste civile et de la couronne; situation qu'il avait été à portée de connaître par la position qu'il occupait (comme intendant général de la liste civile).

« IndietroContinua »