mais peut-être aujourd'hui doivent-elles paroître un peu exagérées. Les Anglais ne se bornent plus à l'éloquence argumentative; ils cherchent ce sublime et ce pathétique que l'on admire dans les orateurs de la Grèce et de Rome. Ils ne dédaignent plus l'art proprement dit de l'éloquence: ils ont reconnu que pour être orateur, il ne suffit pas d'avoir quelques mouvemens rapides, quelques traits sublimes qui échappent à tout homme passionné; mais que c'est l'ordre progressif des idées, une élocution soutenue, un goût sain, et la perfection du langage, unie à la sublimité des pensées, qui caractérisent l'éloquence. On a remarqué que l'éloquence a fait les premiers progrès chez les Anglais, pendant les guerres civiles, et cela étoit naturel. Lorsque les rivalités domestiques sont fondées sur des principes de liberté, elles ne sont pas pour l'ordinaire nuisibles aux talens de l'éloquence, ou plutôt, en présentant des objets plus élevés et plus intéressans aux hommes de génie, elles les dédommagent par-là de la tranquillité qu'elles leur ôtent. Les discours qui furent prononcés au parlement pendant les guerres civiles de Crom wel, sont bien supérieurs à tous ceux qui avoient paru jusqu'alors en Angleterre. Il semble cependant qu'il faut excepter ceux de cet homme célèbre, qui eut un si grand ascendant sur l'esprit de ses concitoyens. Ses discours sont remplis de passages de l'Ecriture, et paroissent plutôt l'ouvrage d'un sec-. taire fanatique, que d'un politique adroit. Nous n'entreprendrons pas ici de donner une notice de tous les orateurs parlementaires; nous nous bornerons à faire connoître ceux qui sont les plus célèbres et qui ont mérité par leurs talens la réputation dont ils ont joui. WILLIAM PULTNEY. Il tient, à cet égard, le premier rang. Ennemi déclaré de Robert Walpole, il employa pour le perdre les ressources de la plus forte éloquence: il étoit, dit Chesterfield, persuasif, agréable, fort et pathétique, selon que les circonstances l'exigeoient. Robert Walpole disoit qu'il craignoit sa langue plus que l'épée d'un autre; en effet, ce fut Pultney qui le força à se retirer, en dévoilant sa conduite, et en le rendant odieux à la nation. CHATAM. CHATA M. Un homme plus célèbre encore dans la carrière de l'éloquence, fut le comte de Chatam: il étoit fort jeune lorsqu'il parut, dans le parlement, et il égala bientôt sur ce grand théâtre, les orateurs les plus distingués. Son éloquence embrassoit tous les genres; mais il étoit surtout terrible dans les invectives. Il avoit tant d'énergie dans le style, tant de dignité et de chaleur dans l'action, qu'il intimidoit ceux même qui avoient le plus de moyens pour s'opposer à ses vues. Campbell et Mansfield se sentoient désarmer, et cédoient à l'ascendant de son génie. On cite encore avec éloge parmi les orateurs parlementaires, MM. Littleton, Campbell, Mansfield, Wilkes, lord North, etc. Mais aucun de ces hommes éloquens n'a eu une aussi grande réputation que Burke. BURKE. La nature l'avoit rendu susceptible des impressions les plus fortes, et l'avoit doué en même temps de tous les moyens capables de les exprimer avec énergie. Les émotions vives et profondes qu'il a produites, en traTOME III. 8 çant, dans le fameux procès de M. Hastings, le tableau des crimes du despotisme, et la force avec laquelle, pendant la guerre de l'Amérique, il a établi les droits sacrés des hommes, et les véritables intérêts des nations, lui auroient mérité un rang distingué parmi les célèbres orateurs de son siècle, s'il n'eut changé de système et prostitué depuis ses talens au parti ministériel, dont il avoit dévoilé les crimes avec tant de force et de courage. On doit pourtant avouer qu'il conserva toujours la physionomie d'un orateur accoutumé à parler aux passions, et qu'il y a de grands traits d'éloquence dans ses derniers ouvrages contre la Nation Française; mais trop souvent sa fureur l'entraîne, sa raison s'égare, et au lieu d'un écrivain éloquent, on n'aperçoit plus en lui qu'un ennemi plein de rage qui voudroit tout immoler à ses passions. *{ FOX. Peu d'orateurs ont eu au même degré que lui cette force de raisonnement, cette logique exacte et pressante qui met dans le plus grand jour la vérité ou l'erreur, cette rapidité entraînante des mouvemens oratoires qui mon tre un homme passionné pour la vérité et. non un écrivain élégant qui ne veut qu'être admiré. Il est, comme Démosthènes, l'athlète de la raison; il la défend de toutes les forces de son génie, et la tribune où il parle devient une arène. C'est dans la lutte qui s'est élevée au sein du parlement, au sujet de la révolution française, qu'il a surtout déployé les ressources de l'énergie de son éloquence: quand les passions seront appaisées, et les ressentimens étouffés, ses plaidoyers contre l'ambition, et le machiavélisme du ministère britannique à l'époque où la guerre s'alluma entre la France et l'Angleterre, seront proposés comme des modèles d'éloquence, et la postérité les placera à côté de ce que l'antiquité a de plus parfait dans ce genre. PITT. William Pittétoit le troisième fils de l'illustre comte de Chatam. Il naquit à Angers le 8 mai 1759, pendant un séjour momentané que son père fit dans cette ville; ce dernier confiant à des étrangers l'éducation de ses deux premiers fils, se livra tout entier à celle de William, lui enseigna l'art de rai |