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§ IX. DE L'ÉLOQUENCE

POLONAISE.

Il n'existoit jadis en Europe aucune assemblée où le talent de l'éloquence pût briller avec plus d'éclat que dans les diètes de Pologne on y discutoit les plus grands intérêts de l'Etat; l'amour de la gloire s'y joignoit à l'amour de la patrie pour exciter l'orateur, et les grandes places qui peuvent flatter l'ambition, étoient ordinairement la récompense des grands succès. Presque tous les hommes célèbres qui ont joué un grand rôle en Pologne, ont été éloquens. Dans un gouvernement libre, c'est surtout par le talent de persuader qu'on peut s'élever au-dessus de ses concitoyens : l'empire de la parole est le seul qu'on puisse y exercer sans les alarmer et sans exciter leur jalousie.

Jean Sobieski, un des plus grands hommes de son siècle, fut d'abord simple soldat polonais, puis gendarme en France, ensuite staroste et grand général de la couronne, et enfin roi. Au génie de la guerre, il joignoit une grande éloquence: pour s'en convaincre, il suffit de lire ses discours aux Etats et à ses soldats, dont il étoit plutôt le père, que le TOME III.

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chef. Sobieski fut le modèle des guerriers et le protecteur des lettres. Il parloit presque toutes les langues de l'Europe. L'abbé Coyer a écrit sa vie en trois volumes in-12.

Stanislas Leczhzinzki, roi de Pologne joignoit beaucoup d'esprit et de lumières aux vertus les plus rares. Charles XII disoit de lui, qu'il n'avoit jamais vu d'homme si propre à concilier tous les partis. C'est surtout à son éloquence qu'il devoit cet avantage.

On doit placer à côté de ces hommes célèbres, Jean Zamoiski. Il fut honoré du titre de Défenseur de la Patrie et de Protecteur des Sciences. Il étoit savant lui-même n'étant encore qu'étudiant à Padoue, il fut élu recteur de l'université. Ce fut dans cette fonction honorable qu'il composa, en latin, ses livres du Sénat Romain et du Sénateur parfait. L'histoire de Pologne a conservé plusieurs discours de Zamoiski, où brille une véritable éloquence.

Parmi les autres Polonais célèbres par leur éloquence, on distingue encore Zolkiewski, grand général de la couronne, qui alla faire prisonnier l'empereur de Russie dans sa capitale, et l'amena chargé de fers dans les prisons de Varsovie.

§ X. DE L'ÉLOQUENCE RUSSE.

M. Levesque dit, dans son Histoire de Russie, que les Russes ont l'avantage de parler la plus belle et la plus ancienne langue de l'Europe; mais cette langue n'avoit eu jusqu'au siècle dernier aucun écrivain remarquable. L'archevêque de Novogorod, Théophane Prokopowitch, qui fut d'un si grand secours à Pierre-le-Grand pour la réforme de sa nation, le servit autant par ses talens littéraires que par ses conseils. Il fut le premier qui fit sentir aux Russes la force et la douceur de F'éloquence en prose et en vers. Il laissa des sermons, des panégyriques, des éloges, des histoires et des poésies.

C'est surtout au célèbre Lomonosof que la littérature russe doit ses progrès. Cet auteur composa une Grammaire et une Rhétorique : il publia plusieurs Discours, et entre autres un Eloge de Pierre-le-Grand, que les Russes regardent comme des modèles d'éloquence. Platon, archevêque de Moscow, passe pour un excellent orateur : ses Sermons, qui forment au moins neuf volumes in-4°., ont obtenu les suffrages des gens éclairés de sa nation.

CHAPITRE II.

ÉCRITS QUI TRAITENT DE L'ÉLOQUENCE.

Ier. OUVRAGES DES ANCIENS.

ARISTOTE.

Les Grecs ont été les premiers qui ont donné des règles d'éloquence; mais de tous ceux qui ont brillé en ce genre, il n'y en a point qui aient mieux réussi qu'Aristote. On trouve dans sa rhétorique, de l'ordre, de l'exactitude, une grande suite de principes et des raisonnemens bien liés. Les préceptes que ce rhéteur philosophe fournit sur le genre délibératif, le démonstratif et le judiciaire; la peinture qu'il fait des mœurs de chaque âge, de chaque état, de chaque condition; la manière dont il explique les moyens d'exciter ou de calmer les passions; les instructions qu'il donne par rapport aux preuves, aux caractères de la bonne élocution, au choix des mots, à la structure de la période, à toute l'économie du discours oratoire, montrent qu'il n'ignoroit rien de ce qui est

essentiel à l'éloquence, et qu'il en avoit approfondi toutes les parties. C'est le sentiment

du Père Rapin ; et tous ceux qui ont lu l'ouvrage d'Aristote, ont applaudi à l'éloge de ce jésuite. Mais en général, la diction du rhéteur grec a un air sec, triste et scolastique, Voltaire le traite avec plus d'indulgence; il prétend que tous ses préceptes respirent la justesse éclairée d'un philosophe, et la politesse d'un Athénien; et en donnant les règles de l'éloquence, il est, dit-il, éloquent avec simplicité.

On estime l'édition grecque de la Rhétorique d'Aristote, publiée à Oxfort en 1759, in-8°.

TRADUCTIONS.

CASSAN DRE.

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François Cassandre, le même que Boileau a peint comme un misantrope, donna en 1675, in-12, une traduction française de la Rhétorique d'Aristote, qui est claire, exacte et fidèle, mais qui pourroit être plus élégante. Il y joignit des remarques pour éclaircir quelques endroits de l'ouvrage même, l'un des plus difficiles que nous ayions, et

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