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X. Mais, Monsieur, afin que vous voyiez clairement la raison de ma citation, et pourquoi uniquement je renvoie expressément, comme dit M. Arnauld, à l'Éclaircissement de la nature des idées, car je ne l'ai cité que deux fois; voici l'article VII du premier discours de la Nature et de la Grâce, avec la citation en marge.

ART. VII. «Si je n'étais persuadé que tous les hommes ne <«< sont raisonnables que parce qu'ils sont éclairés de la sa«<gesse éternelle, je serais sans doute bien téméraire de << parler des desseins de Dieu, et de vouloir découvrir quel<«< ques-unes de ses voies dans la production de son ouvrage; <«< mais comme il est certain que le Verbe éternel est la rai<«< son universelle des esprits, et que par la lumière qu'il ré«pand en nous sans cesse nous pouvons tous avoir quelque <«< commerce avec Dieu, on ne doit point trouver à redire << que je consulte cette lumière, laquelle quoique substantielle <«< à Dieu même, ne laisse pas de répondre à tous ceux qui << savent l'interroger par une attention sérieuse. »>

ART. VIII. « J'avoue néanmoins que la foi enseigne beau« coup de vérités qu'on ne peut découvrir par l'union natu<< relle de l'esprit avec la raison. La vérité éternelle ne ré<< pond pas à toutes nos demandes; car nous demandons « quelquefois plus que nous ne pouvons recevoir; mais il ne << faut pas que cela nous serve de prétexte pour couvrir notre « paresse et notre inapplication. »>

ART. IX. « Le commun des hommes se lasse bientôt dans « la prière naturelle, que l'esprit par son attention doit faire « à la vérité intérieure, afin qu'il reçoive la lumière et l'in«<telligence; et fatigués qu'ils sont de cet exercice pénible, <«<ils en parlent avec mépris, ils se découragent les uns les << autres, et mettent à couvert leur faiblesse et leur igno«rance sous les apparences trompeuses d'une fausse hu«< milité. »

Il est donc visible, que M. Arnauld est trop éclairé pour avoir pu croire qu'effectivement il était à propos qu'il com

battît ce que j'enseigne des idées par un livre qui lui servit de préambule à son grand dessein, qu'il promet depuis longtemps d'exécuter au plus tôt. Néanmoins il ne pouvait mieux faire; mais pour d'autres raisons que celles qu'il donne, et qu'il n'est pas, ce me semble, trop difficile de reconnaître. Je ne vous les dirai pas, Monsieur, afin qu'on ne m'accuse pas de juger des intentions secrètes. Je serai content, pourvu que vous soyez persuadé qu'il n'a pas pu prendre le change, ni dû le donner aux autres, en laissant le Traité de la Nature et de la Grâce, pour des questions abstraites dont peu de gens sont capables; et surprendre ainsi le public par la réputation qu'il a heureusement acquise, et dont j'appréhende pour lui qu'un jour il ne rende compte.

CHAPITRE III. Raisons pour lesquelles M. Arnauld est indispensablement obligé de donner incessamment son examen du Traité de la Nature et de la Grâce. Dogme nouveau qu'il avance sur la grace et la prédestination.

Il y a, Monsieur, bien des raisons de justice, de charité, de religion et d'honneur qui obligent M. Arnauld à faire paraître incessamment ce qu'il pense sur le Traité de la Nature el de la Gráce. Je vous prie d'y faire attention; en voici les principales.

I. Il y a environ quatre ans qu'il me l'a promis, et il y en a deux ou trois qu'il l'a promis au public, j'entends à ses amis, qui n'ont rendu que trop publique la promesse qu'i leur en a faite. Il y est donc engagé par honneur.

II. En second lieu, on lui a fait savoir que le jugemen: qu'il en a porté il y a plus de quatre ans, « après l'avoir parcouru avec beaucoup de précipitation, » comme il le d ́ lui-même dans sa lettre, contre la condition que j'avas exigée, et qu'il avait acceptée, m'avait attiré le mépris, b calomnie et l'indignation de bien des gens. Il y est dor obligé par justice.

III. En troisième lieu, il sait qu'avant même que ce Trai

fût composé, les principes qui y sont expliqués ont fait abandonner ce qu'il appelle les bons sentiments à des personnes qui en étaient auparavant fort persuadées. Il doit donc par charité faire voir incessamment à ces pauvres dévoyés qu'ils s'égarent et les rappeler au troupeau qui se dissipe, et qui se dissipera, s'il n'y veille.

IV. Enfin, il y est obligé par principe de religion; car le Traité de la Nature et de la Gráce étant fait pour justifier aux philosophes la sagesse et la bonté de Dieu dans la construction de son ouvrage, pour nous faire aimer Dieu et nous lier à Jésus-Christ, ayant rapport à ce qu'il y a de plus saint dans la foi que nous professons, si mes principes sont faux, rien n'est plus pressant pour un homme qui a de l'amour pour la religion, que de marquer précisément où je me trompe.

V. Mais, Monsieur, ajoutez à tout cela qu'il y a longtemps que c'est une chose publique, que M. Arnauld a déjà écrit contre mon Traité. Une personne d'honneur m'a dit à moi-même et à plusieurs autres, il y a plus d'un an, qu'il en avait lu vingt-cinq cahiers. Que sont devenus ces écrits? S'ils sont solides, pourquoi en prive-t-on le public? Ils sont maintenant nécessaires. M. Arnauld ne sait-il pas que le monde est soupçonneux et malin? Ne voit-il pas qu'on pourra croire que son livre des Vraies et des Fausses Idées, au temps auquel il paraît, est une approbation authentique du Traité de la Nature et de la Grâce, où il est parlé de matières qu'il a bien plus à cœur qu'une question abstraite sur laquelle il n'a nul engagement, et qui est tirée d'un ouvrage qu'il estimait autrefois lorsqu'il s'imaginait que j'étais dans ses sentiments aussi bien que de ses amis.

VI. En vérité, Monsieur, je plains notre ami, s'il est si fort vendu à l'amitié de certaines gens, ou tellement esclave du rang qu'il tient dans l'esprit de ses disciples, qu'il sacrifie la vérité pour conserver la place qu'il a dans leur esprit et dans leur cœur. Quoiqu'il écrive utilement contre les héré

tiques, il travaillerait bien plus utilement pour la religion et pour ceux qu'il abuse depuis si longtemps, si, quittant ses préjugés, il examinait de nouveau ses sentiments sur la grâce par les ouvrages de saint Augustin et des autres pères, par le concile de Trente, et par le secours des livres qu'on a faits pour lui montrer qu'il se trompe, et renonçât enfin à des opinions particulières dont les conséquences font horreur, qu'il avance néanmoins comme des dogmes de foi, et qu'il fait dire aux pères qui certainement ont enseigné tout le contraire. Cela lui serait plus glorieux devant Dieu ', je ne dis pas que de démontrer que l'homme est à lui-même sa lumière et sa raison, contre ce qu'enseigne l'auteur de la Recherche de la Vérité, je dis que de terrasser M. Claude et tout le parti. Il faut de la vertu, et une vertu héroïque et chrétienne, non pour dire en général qu'on est homme sujet à l'erreur, mais pour reconnaître ses erreurs à se couvrir de confusion devant des hommes qu'on rencontre à tous moments afin de plaire à la vérité qui nous pénètre, mais qui ne se présente point devant nous.

VII. J'ai été surpris, je vous l'avoue, lorsqu'en lisant le deuxième volume de M. Arnauld contre M. Mallet, j'y ai trouvé encore ces paroles, que je vous prie d'examiner avec soin car c'est à cela que notre ami pense que se réduit tout ce qu'on peut dire de solide sur la prédestination.

Défense de la Traduction de Mons contre M. MAllet, deuxième volume, page 3, <«< En un mot, tout ce qu'il peut y avoir de solide dans la dispute de la prédestination, se réduit à savoir si les mérites des saints auxquels Dieu a destiné le royaume du ciel pour récompense, sont l'effet d'une Grâce dont ils usent bien ou mal, comme il leur plaît; ou si ce sont des dons de Dieu, parce que les saints ne les ont,

C'est que, selon le sentiment de M. Arnauld, l'âme contient en ellemême toutes les vérités qu'elle contemple. La suite éclaircira cette pensée.

qu'autant que Dieu les leur fait avoir par l'efficace de sa Grâce.

<< Si les mérites, continue-t-il, étaient l'effet d'une grâce de la première sorte, comme ils ne seraient pas proprement des dons de Dieu, il faudrait avouer, que la prédestination serait tout à fait dépendante de la prévision des mérites. Mais il n'y a que les pélagiens qui puissent avoir cette pensée; et c'est un article de notre foi, que tous nos mérites sont des dons de Dieu, et qu'il ne donne ses récompenses éternelles qu'aux bonnes œuvres qu'il nous a fait faire. Tanta est, dit saint Célestin, ou quelque autre qui a fait le recueil des autorités du siége apostolique joint à la lettre de ce pape, erga homines bonitas Dei, ut nostra velit esse merita, quæ sunt ipsius dona, et pro his quæ largitus est, æterna præmia sit donaturus. Et la raison que ce recueil en apporte, est que Dieu fait en nous, que nous voulons et que nous faisons ce qu'il veut. Agit quippe in nobis, ut quod vult, et velimus et agamus. Et le deuxième concile d'Orange, etc. >>

VIII. Quoi! M. Arnauld soutient encore que les mérites des saints s'acquièrent par une « grâce dont ils n'usent pas bien ou mal, comme il leur plait : » mais de plus il prétend que ce sentiment tant de fois condamné est un article de notre foi, et traite de pélagiens ceux qui soutiennent le contraire? Où est la tradition de ce nouveau dogme? Quel est le concile nouveau qui a corrigé celui de Trente, et fait un article de foi du sentiment que ce concile œcuménique a condamné (ou il n'a condamné personne) par ces paroles : Si quis dixerit, liberum hominis arbitrium a Deo motum et excitatum, nihil cooperari assentiendo Deo excitanti atque vocanti, quo ad obtinendam justificationis gratiam se disponat ac præparet, neque posse dissentire, si velit...., anathema sit. Voilà les hérétiques devenus catholiques sur les matières de la grâce car je ne crois pas qu'il s'en trouve un seul qui ne soit pas tout prêt de recevoir le prétendu dogme de M. Arnauld, si ce n'est peut-être, qu'il refuserait d'en faire

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