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occasionnelle de la grâce, j'eusse pu dire naturelle, instrumentelle, seconde, distributive; et quelquefois je l'ai dit. Mais les termes les plus communs ne sont pas toujours les plus clairs; et comme on ne se défie point de ce qui est familier, ils sont plus propres pour surprendre que ceux qui portent à la défiance à cause de leur nouveauté. Pour peu qu'on examine ces termes, on voit que celui de naturelle fait naître une fausse idée, que celui de distributive, quoique meilleur, est équivoque, que celui d'instrumentelle est obscur, et porte un faux sens, indigne de Dieu; et que celui de seconde est si général, qu'il ne marque rien distinctement à l'esprit. Mais celui de cause occasionnelle n'a aucun de ses défauts, du moins par rapport à ceux pour lesquels uniquement j'ai écrit le Traité de la Nature et de la Grâce, dont d'autres ont voulu juger, qui n'ont point les avances nécessaires pour le bien comprendre. Ce terme de cause occasionnelle de la grâce marque précisément que Dieu, qui fait tout comme cause véritable, ne donne sa grâce que par Jésus-Christ, souverain prêtre des vrais biens, chef de l'Église, architecte du temple éternel; il fait clairement comprendre que la loi générale de la grâce, c'est que Dieu veut sauver tous les hommes en son Fils et par son Fils; qu'il lui a donné toutes les nations de la terre pour lui servir de matériaux à la construction de son temple; et que c'est à lui à déterminer par ses désirs ou son influence, comme architecte de ce temple, comme chef de l'Église, comme cep de la vigne du Seigneur, la bonne volonté de Dieu à l'égard des hommes, l'efficace de cette loi générale, par laquelle Dieu exécute son grand dessein d'une manière qui porte admirablement le caractère d'une sagesse infinie, qui, par l'étendue de ses connaissances, a prévu toutes les suites des lois de la nature et de la grâce, et de la combinaison de ces deux ordres, et que de là il en devait sortir un ouvrage digne de Dieu. Que dis-je ? Dieu même a prévu toutes les suites de toutes les lois possibles qu'il pouvait établir; il a comparé d'une vue éternelle et immuable tous les

ouvrages possibles entre eux, et par rapport aux lois dont ils sont des suites; et enfin, il s'est arrêté à celles qui ont un plus grand rapport de sagesse, je veux dire de simplicité et de fécondité avec leur ouvrage, que toute autre loi avec tout autre ouvrage. Car Dieu ne forme point aveuglément ses desseins, tous ses décrets sont sages; il ne se dément point luimême, il aime invinciblement sa sagesse qu'il engendre de sa substance; il suit inviolablement les règles adorables que son Verbe lui prescrit.

XXV. Je n'entre point, Monsieur, dans un plus grand détail des vérités, dont je n'ai même donné que les principes dans le Traité de la Nature et de la Grâce. Si je venais à me tromper dans ce détail, ce qui pourrait bien arriver, car l'idée que j'ai de l'âme n'est pas si claire que celle qu'en a M. Arnauld, qui la connaît plus clairement que l'objet des mathématiques', l'étendue en longueur, largeur et profondeur; ou si je tirais quelques conséquences douteuses des qualités que porte Jésus-Christ, d'architecte du temple éternel, de chef de l'Église, de médiateur entre Dieu et les hommes, M. Arnauld ferait facilement croire au monde par ces conséquences que le principe en est faux. Il trouverait, de l'humeur où il est, mille variations et mille contradictions dans mes explications. Il effrayerait par des conséquences terribles les imaginations des faibles, et animerait les passions de ses amis contre le pélagien qui détruit par de nouvelles pensées sa grâce efficace et sa prédestination gratuite. Il faut donc se taire, et attendre sur le Traité sa foudroyante critique; et cependant reconnaître de près les conséquences admirables qui suivent naturellement de la grâce invincible où toujours victorieuse, et de la prédestination gratuite au sens de M. Arnauld, pour les comparer avec les conséquences terribles du Traité de la Nature et de la Grâce; afin que par ce parallèle, on choisisse le sentiment qui justifie le mieux

Voyez les chap. 23, 24 et 25 des Vraies et des Fausses Idées.

la sagesse et la bonté de Dieu dans la construction de son

ouvrage.

J'ai cru, Monsieur, que tout ceci devait précéder ma réponse au livre de M. Arnauld des Vraies et des Fausses Idées. Mais il est temps de la commencer.

CHAPITRE V. — Quel est l'état de la question. M. Arnauld prétend que les modalités de l'àme sont essentiellement représentatives des objets différents de l'àme; et je soutiens que ces modalités ne sont que des sentiments qui ne représentent à l'âme rien de différent d'elle-même.

I. Le sujet peut-être le plus abstrait de la métaphysique, est celui de la nature de nos idées. La plupart des philosophes ne se mettent point en peine de s'éclaircir sur cette matière, et, quoiqu'ils définissent l'homme animal rationis particeps, il y en a peu qui sachent que cette raison universelle à laquelle tous les hommes participent, c'est le Verbe ou la Raison de Dieu même, la sagesse éternelle qui éclaire et nourrit tous les esprits de la substance intelligible de la vérité qu'il renferme. M. Arnauld, au lieu d'éclaircir cette matière, prétend que l'homme est à lui-même sa lumière et sa raison, comme je ferai voir dans la suite, et brouille de telle manière les preuves que j'ai données, que Dieu ne nous fait rien connaitre que par la manifestation d'une nature immuable, qu'il n'est pas possible, en lisant son livre, de comprendre clairement quelque chose dans le sentiment, que je crois avoir suffisamment expliqué pour des esprits attentifs dans la Recherche de la Vérité.

II. Il est donc nécessaire que je répète quelque chose de ce que j'ai déjà dit de la nature des idées, et ce qu'en croit M. Arnauld, afin qu'on reconnaisse par mes preuves et par les siennes, lequel de nous deux a raison. Je ne donnerai int d'autres preuves de mon sentiment, que celles qui sont rimées avant le livre des Vraies et des Fausses Idées, dans

la Recherche de la Vérité, et ailleurs, afin qu'on juge si M. Arnauld a eu raison de ne s'y pas rendre. Et je ferai voir que celles de M. Arnauld ne prouvent rien, ou plutôt que M. Arnauld n'a apporté aucune preuve de son sentiment; car, en effet, comme on ne connaît l'âme que par le sentiment intérieur, quand son opinion serait véritable, il ne pourrait jamais la démontrer comme il prétend faire. Ceux-là m'entendent bien qui savent la différence qu'il y a entre les idées et les sentiments confus, entre connaître et sentir. Je commence à expliquer mon sentiment par la Recherche de la Vérité.

Recherche de la Vérité, chapitre 1er de la deuxième partie du troisième livre. - III. « Toutes les choses que l'âme aper<< çoit sont de deux sortes: ou elles sont dans l'âme, ou elles << sont hors de l'âme. Celles qui sont dans l'âme sont ses << propres pensées, c'est-à-dire toutes ses différentes modifi<«< cations; car, par ces mots pensée, manière de penser ou modification de l'âme, j'entends généralement toutes les << choses qui ne peuvent être dans l'âme sans qu'elle les << aperçoive, comme sont ses propres sensations, ses imagi« nations, ses pures intellections ou simplement ses concep<«<tions, ses passions mêmes et ses inclinations naturelles « Or, notre âme n'a pas besoin d'idées pour apercevoir toutes. <«< ces choses, parce qu'elles sont au dedans de l'âme, ou <«< plutôt parce qu'elles ne sont que l'âme même d'une telle « ou telle façon de même que la rondeur réelle de quelque «< corps, et son mouvement, ne sont que ce corps figuré et << transporté d'une telle ou telle façon. Mais pour les choses <«< qui sont hors de l'âme, nous ne pouvons les apercevoir << que par le moyen des idées, supposé que ces choses ne <«< puissent pas lui être intimement unies. » Vous trouverez encore la même chose dans le chapitre 5 de la deuxième partie du troisième livre.

IV. J'ai dit : « supposé que ces choses ne puissent pas lui

être intimement unies,» parce que je prétends, comme on verra par la suite, que l'étendue intelligible, les nombres, l'infini, en un mot, toutes les natures immuables que Dieu renferme dans l'immensité et la simplicité de sa substance infiniment infinie, peuvent, sans idée, s'unir à l'âme, de manière qu'elle les contemple. Je prétends même qu'on ne connaît les créatures que par le moyen de cette substance divine et intelligible dans laquelle Dieu même les voit.

V. A l'égard des objets sensibles, je prétends, chapitre 4 de la deuxième partie du troisième livre, que nous ne pouvons les apercevoir, si leurs idées (je n'examine point encore ce que c'est qu'idée) « ne viennent ou de ces objets, ou que << notre âme ait la puissance de les produire, ou que Dieu « les ait produites avec elle en la créant, ou qu'il les pro«duise toutes les fois qu'on pense à quelque objet, ou que <«<l'âme ait en elle-même toutes les perfections qu'elle voit « dans ces corps, ce qui revient au sentiment de M. Arnauld, «< ou enfin qu'elle soit unie avec un Être tout parfait et qui « renferme généralement toutes les perfections des êtres «< créés. »

VI. M. Arnauld, page 33, rapporte aussi cette énuméra– tion des manières dont on peut voir les objets sensibles, et il ajoute « Si ces prétendus étres représentatifs des corps n'étaient pas de pures chimères, j'avouerais sans peine qu'il faudrait qu'ils se trouvassent dans notre esprit par quelqu'une de ces cinq manières. Mais, comme je suis persuadé qu'il n'y a rien de plus chimérique, j'ai le dernier étonnement que notre ami, qui a détruit tant d'autres chimères, ait pu donner dans celle-ci. >>

VII. Ainsi, selon M. Arnauld, mon analyse ou ma division est exacte, et il convient, page 107, « que les quatre premières n'ont aucune apparence de vérité, » et, par conséquent, il est nécessaire que la cinquième soit véritable, et que tout l'ouvrage de M. Arnauld se renverse, supposé que

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