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assuré qu'on voit en Dieu généralement toutes les choses qu'on voit par idée.

XI. Pour comprendre clairement qu'il n'y a point de différence essentielle entre ces deux sentiments, il faut lire avec attention ce que je dis dans la Recherche de la Vérité, chapitre 6 de la deuxième partie du troisième livre. Le voici, Monsieur :

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<«< Mais quoique je dise que nous voyons en Dieu les choses <«< matérielles et sensibles, il faut bien prendre garde que je « ne dis pas que nous en ayons en Dieu les sentiments, mais << seulement que c'est de Dieu qui agit en nous; car Dieu <«< connaît bien les choses sensibles, mais il ne les sent pas. Lorsque nous apercevons quelque chose de sensible, il se << trouve dans notre perception sentiment et idée pure. Le <«< sentiment est une modification de notre âme, et c'est Dieu <«< qui la cause en nous: et il la peut causer, quoiqu'il ne l'ait « pas, parce qu'il voit dans l'idée qu'il a de notre àme qu'elle « en est capable. Pour l'idée qui se trouve jointe avec le sen<«<timent, elle est en Dieu, et nous la voyons, parce qu'il <«<lui plaît de nous la découvrir; et Dieu joint la sensation « à l'idée lorsque les objets sont présents, afin que nous le « croyions ainsi, et que nous entrions dans les sentiments << et dans les passions que nous devons avoir par rapport à

<< eux. >>

XII. On peut voir de ce passage et de ce que j'ai dit dans l'Éclaircissement sur la Nature des Idées, liv. III, part. 11, la Recherche de la Vérité, et ailleurs, et encore par le chapitre précédent, que je prétends et que j'ai toujours prétendu que, dans la perception que nous avons des corps, il y avait sentiment et idée pure, sentiment de couleur, et idée de l'éten due, ou étendue intelligible; et que nous voyions en Dieu l'étendue intelligible, et sentions en nous la couleur par rapport à un soleil, par exemple, à un cheval, à un arbre intelligible. Or, selon saint Augustin, l'étendue intelligible. l'objet des géomètres, l'idée par laquelle tous les corps sont

connus, et sur laquelle ils sont tous créés, est aussi bien que les nombres d'une nature immuable, nécessaire, éternelle, qu'on ne peut voir qu'en Dieu; et par conséquent il n'y a nulle différence dans le fond entre son sentiment et le mien. Mais ce qui a empêché ce saint docteur de parler comme j'ai fait, c'est qu'étant dans le préjugé que les couleurs sont dans les objets (M. Arnauld convient que c'est un préjugé); comme on ne voit les objets que par les couleurs, il croyait que c'était l'objet même que l'on voyait. Il ne pouvait donc pas dire qu'on vît en Dieu ces couleurs, qui ne sont point une nature immuable, intelligible, commune à tous les esprits, mais une modification sensible et particulière de l'âme, et selon saint Augustin, une qualité répandue sur la surface des corps.

XIII. Certainement, si saint Augustin avait pensé que pour voir un arbre, par exemple, il suffisait que Dieu nous fit sentir le vert attaché de certaine manière à l'étendue intelligible que tous les hommes conçoivent aussi clairement que les nombres; il n'aurait point appréhendé d'admettre en Dieu quelque chose de corruptible ou sujet au changement, en faisant des idées de ses ouvrages l'objet de nos connaissances lors que nous regardons ces mêmes ouvrages. Car, encore un coup, je ne dis pas qu'on voie en Dieu les couleurs dont nos modalités sont représentatives, mais l'étendue intelligible, nature immuable, selon saint Augustin, et à laquelle cette couleur se rapporte ou est attachée par les lois de l'union de l'âme et du corps, afin que nous jugions qu'il y a des corps qui ont quelque rapport à nous, puisqu'ils agissent en nous que nous en jugions, dis-je; car les corps qu'on voit ne sont nullement ceux qu'on regarde. On en voit souvent sans en regarder : ils ne peuvent être l'objet de nos connaissances, quoi qu'en dise M. Arnauld, qui ne saurait deviner ce que j'ai voulu qu'on entendit par cette étendue intelligible infinie, dans laquelle je prétends que nous voyons toutes choses. S'il le faut croire embarrassé lorsqu'il fait

semblant de l'être, il a fait une géométrie sans avoir d'idée de l'objet unique de cette science; car la géométrie n'a point d'autre objet que l'étendue intelligible.

CHAPITRE VIII.

Extrait des Méditations chrétiennes, contenant plusieurs preuves.

I. Voici, Monsieur, un extrait des Méditations chrétiennes, où sont contenues diverses preuves contre les modalités essentiellement représentatives. J'ajoute ici ces preuves, parce qu'elles sont imprimées avant le livre des Vraies et des Fausses Idées. Vous jugerez, après tout cela, si M. Arnauld a eu raison de dire, « que je suis entré, sans autre examen, dans les préjugés des philosophes » qui, selon sa décision, se sont imaginé sur quelques expériences des miroirs, qu'il fallait des être représentatifs pour voir les objets.

C'est la raison qui parle à l'esprit. - II. Tu demeureras peut-être d'accord que les idées des objets qui t'environnent se produisent en toi, par une puissance que tu ne connais pas et qui ne t'appartient pas, pourvu que l'on t'accorde aussi, que cette puissance ne produise tes idées que de ta propre substance car tu veux trouver en toi toutes choses; et si tu sens bien que tu ne les renfermes pas toutes actuellement, tu prétends du moins les renfermer en puissance et dans leurs idées.

III. Mais, je te prie, peut-on tirer d'un être aussi limité que tu es, les idées de tous les êtres; d'un être d'une seule espèce, les idées de toutes les espèces; d'un être imparfait et déréglé, les idées que tu as de la perfection et de l'ordre? trouveras-tu dans la mutabilité de ta nature, des vérités nécessaires; dans l'inconstance de tes volontés, des lois incapables de changement; dans un esprit de quelques jours, des vérités et des lois éternelles?

IV. Tu pénètres les cieux, tu perces les abimes, tu découvres le mouvement et la situation des astres, tu devines la qualité et la formation des métaux, tu te répands même au

delà des cieux, car tu passes les bornes du monde que tu considères; et cependant tu t'imagines que tu renfermes en toi-même tout ce que tu vois. Quoi! penses-tu être assez grand pour renfermer en toi les espaces immenses que tu aperçois? Penses-tu que ton être puisse recevoir des modifications qui te représentent actuellement l'infini? penses-tu même avoir assez d'étendue pour contenir en toi l'idée de tout ce que tu peux concevoir dans ce qu'on appelle un atome? car tu conçois clairement que la plus petite partie de la matière que tu imagines, se pouvant diviser à l'infini, elle renferme en puissance une infinité de figures et de rapports tous différents.

V. Je t'accorde cependant que tu puisses recevoir actuellement en toi des modifications infinies; mais quand tu penses à des espaces immenses, tu ne vois pas seulement des modifications infinies, tu vois une substance infinie; tu ne la vois donc pas en toi.

VI. Réponds-moi. Tu vois clairement que l'hyperbole et ses asymptotes, et une infinité de lignes semblables prolongées à l'infini, s'approchent toujours sans jamais se joindre : tu vois évidemment qu'on peut approcher à l'infini de la racine de 5, de 6, de 7, de 8, de 10, et d'une infinité de nombres semblables, sans pouvoir jamais la rencontrer; comment, je te prie, te modifieras-tu pour te représenter ces choses?

VII. Comment toi, qui es un être particulier, te modifierais-tu pour te représenter une figure en général ? comment toi, qui n'es pas tout être, mais seulement esprit, pourraistu voir en toi cent ou un centième; en toi, qui ne peux ni te multiplier par cent, ni te diviser en cent? conçois-tu que la modification d'un être particulier puisse être une modification universelle; qu'on puisse découvrir des corps dans des ètres qui ne renferment que les propriétés des esprits; qu'on puisse diviser à l'infini les esprits comme les corps, afin d'en multiplier les parties?

VIII. Ne conçois-tu pas qu'un cercle en général ne peut être fait, et qu'il peut être connu? Ne sens-tu pas que les corps que tu vois sont entièrement distingués de toi ? et ne comprends-tu pas que les nombres que tu compares entre eux, et dont tu reconnais les rapports, sont bien différents de tes modifications, que tu ne peux comparer entre elles, et dont tu ne peux découvrir aucun rapport?

IX. Tu t'imagines qu'il est nécessaire que tes idées soient des manières d'être de toi, afin que tu les aperçoives aussi clairement que tu fais et tu ne prends pas garde, que tu ne comprends rien dans tes propres sensations, qui certainement sont des modifications de ta substance.

X. Sais-tu clairement ce que c'est que ton plaisir et ta joie, ta douleur et ta tristesse? peux-tu comparer ces choses entre elles, pour en reconnaître les rapports aussi clairement que tu connais que six est double de trois, et que le carré de la sous-tendante d'un angle droit est égal aux carrés des deux côtés? si tu ne connais tes modifications que d'une manière fort imparfaite, pourquoi mets-tu tes idées de leur nombre, comme si sans cela tu ne pouvais les apercevoir aussi clairement que tu fais?

XI. Tu sens tes modifications, et tu ne les connais pas : tu connais tes idées et les choses par leurs idées, et tu ne les sens pas dès que tu veux t'appliquer à quelque idée, elle se représente à toi; et quoi que tu veuilles sentir, du plaisir ou de la joie, tes volontés ne produisent rien en toi. Comment donc ne vois-tu pas la différence qu'il y a entre tes modifications et tes idées ?

XII. Tu ne te modifies pas comme tu veux, et tu penses a ce que tu veux. D'où vient cela? si ce n'est que tu n'es pas fait pour te sentir, ni pour te connaître, mais pour connaître la vérité, qui ne se trouve pas en toi; tu ne connais point clairement tes sensations, quoiqu'elles soient en toi, et une même chose avec toi. D'où vient cela, si tu es ta lumière a toi-même, si ta substance est intelligible, si ta substance est

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