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distingues des perceptions, dont nous avons déjà tant parlé. Or, les prenant en ce sens, c'est supposer visiblement ce qui est en question avant de l'avoir établi par aucune preuve, et ce qu'il aurait reconnu sans peine devoir être rejeté comme faux ou au moins comme douteux, s'il l'avait examiné par ses propres règles, et s'il avait philosophé dans cette matière comme il fait dans les autres.

« Car, si au lieu de nous renvoyer à ce prétendu monde, qu'il dit être d'accord de ceci et de cela, il s'était consulté soi-même, et avait considéré attentivement ce qui se passe dans son esprit, il y aurait vu clairement qu'il connaît les corps, qu'il connaît un cube, un cône, une pyramide, et que, se tournant vers le soleil, il voit le soleil je ne dis pas que ses yeux corporels le voient, car les yeux corporels ne voient rien; mais son esprit, par l'occasion que ses yeux lui en donnent. Et si, passant plus avant, comme il devait pour observer ses règles, il s'était arrêté sur cette pensée, je connais un cube, je vois le soleil, pour la méditer et considérer ce qui y est enfermé clairement, je suis assuré que, ne sortant point de lui-même, il lui aurait été impossible d'y voir autre chose que la perception du soleil, ou le soleil objectivement présent à l'esprit ; et qu'il n'y aurait jamais trouvé la moindre trace de cet étre représentatif du cube ou du soleil, distingué de la perception, et qui aurait dû suppléer à l'absence de l'un et de l'autre. Mais que pour l'y trouver, il aurait fallu qu'il l'y eût mis lui-même, par un vieux reste d'un préjugé dont il n'aurait pas eu de soin de se dépouiller entièrement. C'est-à-dire, qu'il ne l'y aurait trouvé, que comme les défenseurs des formes substantielles les trouvent dans tous les corps de l'univers, parce qu'ils se sont imaginé qu'elles sont propres à expliquer ce que l'on remarque dans ces corps, et qu'on ne le pourrait pas faire sans cela. Puis donc que cette manière de philosopher par ce qui est ou n'est pas enfermé dans les notions claires que nous avons des choses, lui est une raison convaincante de rejeter, comme

une invention de gens oisifs, la supposition d'une forme substantielle dans tous les corps, en la manière que l'entendent les philosophes de l'école, ce lui en devait être une aussi de rejeter comme une pure imagination encore plus mal fondée, la supposition fantastique de ces étres représentatifs des corps, qui ont été inventés par la même voie que les formes substantielles, et dont la notion est encore plus obscure et plus confuse que celle de ces formes. »

Réponse à la première démonstration de M. Arnauld. I. M. Arnauld est si fort préoccupé de son préjugé, et a si bonne envie de combattre mes sentiments, qu'il s'imagine que je n'ai dû penser qu'à combattre les siens. Il assure, Monsieur, chapitre 4, que son sentiment n'est pas celui des philosophes ordinaires. Il sait bien que mon dessein a été de réfuter les préjugés les plus communs. Et cependant il trouve à redire que je commence à traiter de la nature des idées, par des paroles qui ne regardent point son sentiment. Et c'est là le fondement de sa première démonstration et des deux qui suivent, comme vous le verrez.

II. Ainsi, Monsieur, je nie sa mineure, et je prétends que la preuve qu'il en apporte est extravagante. Voici comme M. Arnauld la prouve : « Il ne reste, dit-il, à prouver que la mineure; ce qui est bien facile. Ses paroles sont: >> Tout le monde tombe d'accord que nous n'apercevons point les objets qui sont hors de nous, par eux-mêmes. «< Or cette expression est équivoque. Donc, etc. »>

RÉPONSE. J'ai dit que tout le monde tombait d'accord que nous n'apercevons point les objets qui sont hors de nous, par eux-mêmes. Mais où M. Arnauld a-t-il vu, « que je l'ai pris pour principe de ce que je veux prouver touchant la nature des idées? » N'est-il pas visible par les chapitres précédents de cette réponse, que je n'ai point pris cela pour principe de ce que j'ai dit contre ceux qui prétendent qu'ils sont à eux-mêmes leur lumière et leur raison?

III. L'opinion des philosophes que j'avais principalement

dessein de réfuter, c'est que l'àme voit les objets par des espèces expresses, ou exprimées des impresses qu'impriment les objets, etc. Ne pouvais-je pas, leur parlant, commencer par cette proposition, « qu'on tombait d'accord que nous n'apercevions point les objets qui sont hors de nous, par euxmêmes, puisque ces philosophes la reçoivent?

IV. Mais, dira M. Arnauld, je n'en conviens pas pourquoi le supposez-vous? Et moi je lui répondrai : Je ne vous parle pas encore. Attendez un peu, Monsieur, ou passez au chapitre 5, et vous y verrez que je prouve par d'autres principes, que « nos modalités ne sont point essentiellement représentatives. >>

V. Vous croyez, Monsieur, que les bêtes raisonnent, moi qu'elles sentent, et M. Arnauld qu'elles ne raisonnent ni ne sentent. M. Arnauld, pour vous convaincre, vous dit, par exemple Tout le monde demeure d'accord, que pour raisonner, il faut être uni à la raison, etc. Sur cela je lui déclare qu'il se trompe, et qu'il avance une proposition qui ne fait rien contre mon sentiment. Et je vas jusqu'à en conclure. que c'est une démonstration que les bêtent sentent. Suis-je en cela raisonnable? Car, Monsieur, prenez garde à la proposition à démontrer, que M. Arnauld s'est proposée, et voyez s'il raisonne juste. Certainement, quand j'aurais ete assez ridicule, pour supposer ce qui est en question; quand tout ce que j'ai écrit de la nature des idées, serait tout a fait impertinent, M. Arnauld n'aurait encore nul droit de prétendre avoir prouvé sa proposition à démontrer, qui est <«< que notre esprit n'a point besoin, pour connaître les chose matérielles, de certains êtres représentatifs distingués de perceptions. » Car il se pourrait faire fort facilement qu' autre plus habile que moi, convaincrait M. Arnauld, ou moins toute la terre, que les « modalités de l'àme ne se point essentiellement représentatives, » et qu'il faut des ide

Livre troisième, partie deuxième de la Recherche de la Vérite.

distinguées de ces modalités, afin d'avoir la perception de quelque objet. Enfin, quand personne ne pourrait donner de preuves qu'il ne réfutât, c'est une nouvelle manière de démontrer les propositions, qu'on ne recevra jamais, que de conclure qu'une chose n'est pas, à cause que la preuve qu'on en donne ne vaut rien.

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VI. Comme M. Arnauld a une idée de l'àme plus claire 1 que celle que les géomètres ont de l'étendue et des figures, que ne démontre-t-il par cette idée, que ses modalités sont essentiellement représentatives ? Rien ne lui est plus facile. Car rien n'est plus facile à comprendre à celui qui a l'idée de l'étendue, que toute figure en est une modification. Et personne, que je sache, que M. Arnauld, n'a jamais compris clairement que l'idée d'un cercle, ou de l'infini, fût une modification de son esprit.

M. Arnauld dira tant qu'il voudra, que pour lui il en est convaincu : << Que rien ne peut être plus clair, pourvu que l'on ne s'arrête qu'à ce que l'on voit clairement dans soimême, et qu'on n'y mêle point d'autres choses que l'on n'y voit point, mais qu'on s'est imaginé faussement y devoir être. Que si je m'étais consulté moi-même, si j'avais considéré attentivement ce qui se passe dans mon esprit, j'y aurais vu clairement, etc. » C'est à de semblables affirmations que toutes ses démonstrations se réduisent. Car pour moi je lui répondrai que je ne vois rien de clair sans idées que je me sens, et que je ne me connais pas que lorsque je pense à un cercle, ou que je connais quelque chose par une idée, je le vois comme séparé de moi. Je lui donnerai des preuves, que je n'appellerai point démonstrations, parce qu'on ne démontre que les propriétés des choses dont on a des idées claires; mais des preuves dont on ne fera jamais voir la fausseté.

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VII. Au reste, Monsieur, ma proposition, que nous n'aper

Voyez les chap. 23, 24 et 25.

cevons point les objets par eux-mêmes, n'est équivoque qu'en ce qu'elle est générale. Elle marque seulement, que l'objet qu'on regarde n'est point l'idée, ou selon M. Arnauld, la modalité qui en est représentative. De sorte qu'elle est vraie au sens même de M. Arnauld: et je ne vois pas pourquoi il ne lui plaît pas de la recevoir. Mais de dire, que cette première phrase, ou cette entrée de discours dont je me sers pour venir à la définition du mot d'idée, soit le principe de ce que je veux prouver de la nature des idées, assurément c'est du moins ne prendre pas garde à ce qu'on dit. Car quand je n'aurais point marqué le sentiment de M. Arnauld dans l'énumération que j'ai faite des diverses manières dont on peut voir les objets : quand je n'aurais point réfuté son sentiment dans le chapitre 5 de la deuxième partie du troisième livre et dans l'Éclaircissement sur ce sujet; il devrait avoir cette équité de croire, que je ne suppose qu'on ne peut voir les objets en eux-mêmes (ce qui néanmoins est certain que parce que je veux réfuter des personnes qui en conviennent.

CHAPITRE XII.

Réponse à la deuxième et troisième prétendue Démonstration de M. Arnauld.

Ne trouvez pas mauvais, Monsieur, si je vous arrête à la lecture de choses qui n'ont nulle utilité, ni nul agrément. La réputation de M. Arnauld m'oblige, à cause de la vérité. à faire remarquer ses méprises, et qu'il a bien désappris à faire des démonstrations. Voici comme il commence sa seconde.

II Démonstration de M. Arnauld. — I. « Ce n'est pas philosopher avec justesse, en traitant d'une matière importante. que de prendre d'abord pour un principe général, dont on fait dépendre tout ce qu'on dit dans la suite, ce qui non-seule ment n'est pas clair, mais tout ce qui est contraire à ce qui

Chap. 1 de la deuxième partie du troisième livre.

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