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nous est si clair et si évident qu'il nous est impossible d'en douter.» (C'est ce qu'il devrait prouver, et qu'il a mis dans sa proposition à démontrer, qu'apparemment il a oubliée.) « Or c'est ce qu'a fait l'auteur de la Recherche de la Vérité dans son Traité de la Nature des Idées.

« On ne peut donc philosopher avec moins de justesse qu'il a fait dans cette matière, ni d'une manière plus opposée à celle qu'il a suivie dans presque toutes les autres. Il n'y a que la mineure à prouver.

« Ce qu'il a supposé d'abord comme un principe clair et indubitable, est que notre esprit ne pouvait connaître que les objets qui sont présents à notre âme. Et c'est ce qui lui fait dire nous voyons le soleil, les étoiles, et une infinité d'objets hors de nous. »>

RÉPONSE. II. M. Arnauld a mis pour le titre de son huitième chapitre, aussi bien que des trois suivants, Démonstration. Mais vous voyez bien, Monsieur, que c'est la même méprise que dans le chapitre précédent. C'est là un moyen court et facile de faire des démonstrations à peu de frais. Mais aussi de ma part, je ne veux pas faire les frais d'une seconde réponse. Car ce que je viens de dire dans le chapitre précédent, suffit pour réfuter cette seconde démonstration. Je vous prie, Monsieur, d'y prendre garde.

III. Après que M. Arnauld, content de sa prétendue démonstration, s'est un peu égayé, il continue:

« Mais raillerie à part, il est certain que notre ami a supposé, par ce qu'il dit en cet endroit et dans tout le reste de son Traité de la Nature des Idées, que notre âme ne peut voir ni connaître, ni apercevoir (car tout cela est la même chose) les objets éloignés du lieu où elle est, tant qu'ils en demeurent éloignés. » Or, non-seulement je doute de ce prétendu principe, mais je soutiens qu'il est faux de la dernière fausseté.

RÉPONSE. — IV. Sans doute ce principe est faux de la dernière fausseté, je l'ai toujours cru tel: il faudrait être bien

stupide pour en douter. M. Arnauld a grand tort de me l'attribuer, et de dire « qu'il est certain que je le suppose dans tout le reste du Traité de la Nature des Idées. »

V. Le supposé-je, lorsque je dis des le premier chapitre de la Nature des Idées', ces paroles sept ou huit lignes apres sa citation: « Il faut bien remarquer, qu'afin que l'esprit « aperçoive quelque objet, il est absolument nécessaire que « l'idée de cet objet lui soit actuellement présente; il n'est pas possible d'en douter (je n'examine point là ce que « c'est qu'idée); mais il n'est pas nécessaire qu'il y ait au « dehors quelque chose de semblable à cette idée. Car il ar«rive tres-souvent que l'on aperçoit des choses qui ne sont a point, et qui n'ont jamais été. » Remarquez, Monsieur, ces paroles, et comparez-les avec celles-ci de M. Arnauld << Mais raillerie a part, il est certain que notre ami a supposé, par ce qu'il dit en cet endroit et dans tout le reste de « son traité, que notre âme ne peut voir les objets éloignés « du lieu où elle est, tant qu'ils en demeurent éloignés. »

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« Ainsi, continué-je, l'on a souvent dans l'esprit des idées « réelles de choses qui ne furent jamais. Lorsqu'un homme, « par exemple, voit une montagne d'or, il est absolument né« cessaire que l'idée de cette montagne soit réellement présente « à son esprit; mais cette montagne n'est point réellement. Encore un coup, je n'examine point dans ce chapitre ce que c'est qu' idée, et je n'établis mon sentiment, qu'après avoir prouvé, que toutes les diverses manières d'expliquer comment on voit les objets, sont fausses, excepté la mienne.

VI. M. Arnauld a-t-il pu croire que j'ai « supposé qu'on ne pouvait voir les objets lorsqu'ils étaient éloignés, apres le reproches qu'il me fait en tant d'endroits, que je dis qu'on ne les voit pas : que le soleil, par exemple, qu'on regarde. n'est pas celui que l'on voit; que ce qu'on voit, c'est letendue intelligible jointe avec la couleur, etc.? A-t-il p

'Liv. 11, part, 11.

croire que j'ai supposé « dans cet endroit et dans tout le reste du Traité de la Nature des Idées, ce sentiment ridicule; lui qui sait et combat cette pensée que j'ai, que nous pourrions voir le monde tel qu'il nous paraît, quoiqu'il n'y eût rien de créé, et que je ne suis parfaitement assuré que par la foi qu'il y a des corps? Certainement, si je puis voir des corps, quoiqu'il n'y en eût point, je puis en voir quoiqu'ils soient éloignés. Il n'est donc pas certain que je suppose cette extravagance comme «< un principe sur lequel j'établis tout ce que je dis de la nature des idées; » et M. Arnauld n'a pas pu avoir ce sentiment de moi. Cela est encore évident par sa quatrième et cinquième prétendue démonstration.

VII. Mais quoi ! j'ai dit « qu'il n'est pas vraisemblable que l'âme sorte du corps pour voir le soleil. » Donc j'ai cru qu'on ne pouvait voir les objets lorsqu'ils étaient éloignés.

RÉPONSE. L'équitable conséquence! Lorsqu'on parle aux hommes selon leurs idées, les approuve-t-on? N'est-il pas visible que ce que je dis est plutôt une espèce de raillerie qu'un principe sur lequel j'établis ces sentiments qui renversent ce même principe? Mais qu'ai-je prétendu lorsque j'ai dit que l'âme ne s'allait pas promener dans le ciel pour y contempler les astres? J'ai prétendu qu'il fallait une idée pour les voir, et faire faire réflexion à une vérité, dont ceux que je voulais combattre tombent d'accord, mais à laquelle ils ne font pas toujours assez de réflexion. J'ai prétendu seulement qu'il fallait quelque chose de différent du soleil pour le représenter à l'âme. Que ce soit une modalité de l'âme, selon le sentiment de M. Arnauld, ou une espèce expresse, selon certains philosophes, ou une entité créée avec l'àme, selon d'autres, ou enfin de l'étendue intelligible rendue sensible par la couleur ou la lumière, selon mon sentiment, c'est ce que je n'examinais point encore. En vérité, Monsieur, je n'ose appeler la conduite de M. Arnauld par son nom ce que je puis dire de plus, honnête, c'est que, ou il n'a pas entendu ce qu'il critique, ce qui fait pitié, ou, ce qui est

du moins fort vraisemblable, il a voulu le rendre ridicule. ce qui est indigne et ne peut exciter que l'indignation des honnêtes gens. Si vous pouvez lire, Monsieur, les sept ou huit pages de discours qui restent de ce chap. 8 de M. Arnauld, sans indignation ou sans compassion à l'égard de notre ami, il faudra, ce que je ne crains nullement, que lui et moi, et la vérité nous vous soyons des choses fort indifférentes.

Il ne faut point, Monsieur, d'autre réfutation de sa troisième démonstration que celle que j'ai donnée de la première. Souvenez-vous, s'il vous plaît, de ce que j'ai dit dans le chapitre 44, et lisez ensuite le neuvième chapitre du livre de M. Arnauld.

CHAPITRE XIII. — Réponse à la quatrième et à la dernière prétendue Démonstration de M. Arnauld.

I. Comme mon dessein n'est pas de troubler incessamment l'état de la question, ce qu'il est évident que fait M. Arnauld dans tout son livre, je ne m'arrêterai pas à le réfuter page à page. Un volume in-folio ne suffirait pas pour faire remarquer toutes ses méprises et l'inutilité de ses citations et de ses longs et ennuyeux discours. J'espère seulement faire imprimer quelque jour (après l'examen du Traité de la Nature et de la Grâce), son livre avec mes remarques. Car quoique mes remarques ne soient pas si propres à éclaircir ce sujet, que la manière dont je m'y suis pris, et que je vais continuer, la réputation de M. Arnauld demandera peut-être que pour l'établissement de la vérité je mette tout à fait certaines gens hors d'état de se prévaloir de son livre pour la détruire.

II. Ce que je prétends donc faire dans ce chapitre, c'est d'expliquer mon sentiment par rapport aux idées toutes nouyelles de M. Arnauld, et faire en sorte que cette réponse s

isse lire avec quelque utilité pour les lecteurs, et sans ce

dégoût qui en serait inséparable si je ne pensais qu'à justifier quelques façons de parler, par lesquelles M. Arnauld prétend triompher dans l'esprit de ceux qui ne conçoivent point clairement mes sentiments.

III. J'ai déjà dit plusieurs fois que dans la perception que nous avons des objets matériels il se trouvait deux choses: sentiment confus et idée claire. Que dans la perception que j'ai, par exemple, d'une colonne de marbre, il y a l'idée de l'étendue, qui est claire, et le sentiment confus de blancheur qui s'y rapporte. Car, selon l'opinion dont M. Arnauld convient, et maintenant presque tous les philosophes, la couleur n'est qu'un sentiment ou une modification de l'âme. Supposé que cette colonne soit dépouillée de sa couleur, ou que le sentiment de couleur qui s'y rapportait ne s'y rapporte plus, certainement je n'y verrai plus son étendue, car il est certain qu'on ne voit l'étendue que par la couleur. Cependant, comme je sais que la couleur n'est point essentielle à ce marbre, j'y concevrai toujours son étendue quoique invisible; et alors l'idée de mon esprit sera une colonne intelligible. Ainsi on voit la couleur, et par la couleur l'étendue. Mais la couleur est un sentiment confus qu'on sent sans savoir ce que c'est; et l'idée de l'étendue une idée claire, par laquelle on peut connaître la matière et les propriétés dont elle est capable.

IV. Il y a donc idée claire et sentiment confus dans la perception qu'on a d'une colonne de marbre; je dis idée claire de l'étendue et non du marbre. Car je connais la nature et les propriétés de l'étendue; mais je ne connais pas la configuration intérieure des parties du marbre; ce qui fait que du marbre est ce qu'il est, et non pas de la brique ou du plomb. De sorte que, quoique j'aie une idée claire de l'étendue, qui m'est rendue sensible ou visible par la couleur, je ne connais pas pour cela distinctement ce qui fait que le marbre est marbre.

V. Or, cette étendue intelligible, à laquelle la couleur se

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