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corps intelligible, et non celui qu'elle anime. Et il en est de même des autres corps.

« La majeure ne se peut nier sans impiété, puisque ce ne serait pas concevoir Dieu tel qu'il est, c'est-à-dire tout-puissant, que de prétendre qu'il n'ait pas fait tout ce qu'il a voulu. Il n'y a donc qu'à prouver la mineure.

<«< Dieu en créant mon âme, et la mettant dans un corps, a voulu qu'elle veillât à la conservation de ce corps, et que composant un homme avec ce corps, je vécusse en société avec d'autres hommes qui auraient un corps et une âme comme moi, et que cette société consistât à nous rendre mutuellement des offices de charité.

« Or il a été nécessaire pour cela que je connusse le corps que j'anime, et non un corps intelligible; car je dois connaître le corps que je dois conserver. Or ce n'est point un corps intelligible que je dois conserver, mais le corps que j'anime. Et de même, si lorsque je sens un grand froid, j'ai besoin de m'approcher du feu; c'est du feu matériel que je dois approcher le corps que j'anime, et non point d'un feu intelligible. Si étant exposé aux rayons du soleil pendant le grand été, je m'en trouve incommodé, et comme brûlé, et que je doive chercher un lieu, où je puisse être à couvert des rayons du soleil, ce sera des rayons du soleil matériel, et non de ceux d'un soleil intelligible. C'est une viande matérielle et un breuvage matériel que je dois prendre par la bouche matérielle, pour soutenir le corps que j'anime, et en réparer les ruines. C'est donc tout cela que je dois connaître, et non une viande intelligible, et un breuvage intelligible que mon esprit verrait être reçus par une bouche intelligible dans un corps intelligible; car il n'y a pas d'apparence que tout cela fût propre à nourrir mon corps. Il en est de même de la société que je dois avoir avec les autres hommes. Je les dois connaître pour les assister dans leurs besoins, ou pour en être assisté; pour les instruire, ou pour en être instruit; et enfin, pour leur rendre ou pour recevoir d'eux une infinité d'offices

de charité. Or il est bien clair, que ce n'est point à des hommes intelligibles que je rends tous ces devoirs, mais à des hommes que je vois et qui me voient, qui me parlent et à qui je parle.

<«< Donc rien n'est plus mal fondé, pour ne rien dire de plus fort, que cette imagination bizarre, que quand nous tournons les yeux vers les corps matériels, ce qui s'appelle regarder; ce ne sont pas ces corps matériels que nous voyons, mais des corps intelligibles. »

RÉPONSE.

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-XVI. Je distingue cette mineure sur laquelle est fondée la prétendue démonstration de M. Arnauld : Dieu a voulu que l'âme vít les corps. Si par voir les corps, M. Arnauld entend voir en eux-mêmes, je la nie: c'est supposer ce qui est en question. Si par des idées, je l'accorde.

Supposé, selon le sentiment de M. Arnauld, que Dieu ait voulu qu'on vit les corps immédiatement en eux-mêmes, ou par eux-mêmes, pourquoi ne les voyons-nous que par la couleur qui est en nous, et non dans ces corps? Si Dieu a voulu que nous connussions ses ouvrages et les autres hommes au sens de M. Arnauld, parce que sans cela nous ne pourrions avoir de société avec eux, d'où vient qu'il nous les représente par nos sens tout autres qu'ils ne sont en euxmemes? Dieu n'a donc pas voulu que nous les connussions tels qu'ils sont, par nos sens, mais par la lumière de la raison, par l'idée sur laquelle ils ont été formés : il a voulu que les sens ne parlassent au corps que pour le corps, et n'éclairassent jamais l'esprit.

XVII. En effet, Monsieur, est-ce que je ne puis m'approcher du feu, et m'en servir pour la conservation de ma vie, sans le connaître ? ne suffit-il pas que je le sente? Est-ce que les modalités essentiellement représentatives de M. Arnauld, lui représentent non-seulement les corps tels qu'ils sont, mais encore l'âme de ceux avec lesquels il a société ? Pour moi, quand je regarde un homme, je ne vois qu'un certain arrangement de parties, qu'on appelle un visage : et je ne vois cet arrangement que par la couleur. Quand je vois la

grimace d'un homme qui pleure, et les différents airs d'un visage; je pense, en conséquence des lois admirables de l'union de l'âme et du corps, à sa misère et à ses besoins, sans qu'il y ait le moindre rapport entre des grimaces et la tristesse. Cela me suffit pour la société, pour me porter à secourir mon prochain, sans que j'aie une connaissance plus particulière de la nature de son âme, et de la construction admirable de sa machine. Il me prie par cette prière naturelle, plus instamment et plus efficacement que par sa prière intérieure, quand elle me serait connue. Je me soulage en le soulageant; et je souffre même, lorsqu'un chien, que je crois n'avoir point d'âme, dit à mes sens, ou à moi par mes sens, qu'il souffre de la douleur, et qu'il a besoin de mon secours parce que Dieu a lié entre eux tous ses ouvrages pour leur mutuelle conservation, d'une manière sûre, et qu'on ne peut trop admirer.

XVIII. Mais que M. Arnauld sache exactement, et ne combatte point inutilement cette vérité qu'il n'y a que la raison qui nous éclaire; que nous ne connaissons les ouvrages de Dieu, qu'en la consultant, qu'en la contemplant; que pour découvrir ce que c'est qu'un animal, ou le moindre des ouvrages de Dieu, il faut s'élever au-dessus des sens, faire abstraction de la couleur, objet unique de la vue; et de toutes les autres qualités sensibles, et penser à l'étendue dont ils sont composés étendue qui ne se peut connaitre dans les modalités de l'âme, qui ne sont que ténèbres; mais par l'idée claire que nous en avons dans la nature immuable et illuminante de la vérité, qui renferme l'archétype de tous les corps. C'est pour contempler la raison, que Dieu a fait les esprits, et dans la raison Dieu même, et tous les êtres et créés et possibles. Dieu n'a pas fait les esprits pour connaitre les corps, au sens de M. Arnauld; il les a faits pour lui, et uniquement pour lui. C'est assez que nous sentions les corps, ou que nous les connaissions par la voie courte et sûre, mais confuse, de l'instinct ou du sentiment, pour avoir le com

merce que Dieu veut que nous ayons avec eux, et société avec les âmes qui leur sont unies. L'objet immédiat de nos connaissances, celui pour lequel Dieu a fait les intelligences, c'est la substance intelligible, immuable, éternelle, nécessaire de la raison, sagesse commune à tous les esprits, et consubstantielle à Dieu même. Tous les ouvrages de Dieu sont subordonnés la fin de l'esprit, c'est la vue de la vérité. Il faut donc que cette vérité intelligible ne se trouve point dans les corps, substances inférieures, ni dans des modalilés essentiellement représentatives (car l'âme n'est point à elle-même sa lumière et sa raison, elle ne voit que ténèbres, ou sentiment confus, en se contemplant); mais dans celui hors duquel l'esprit ne peut vivre, parce que hors de lui rien n'est intelligible, rien n'est capable de l'éclairer, rien n'est capable de le pénétrer et de le nourrir.

Je pense, Monsieur, que cela suffit, afin que vous jugiez solidement des deux dernières démonstrations de M. Arnauld. Prenez la peine de les lire.

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CHAPITRE XIV. - Réponse au douzième chapitre des Vraies et des Fausses Idées.

I. Après avoir réfuté les prétendues démonstrations de M. Arnauld, et établi mon sentiment, il semble que je devrais finir ma réponse. Car si jusques ici j'ai eu raison, il est évident que le reste du livre de M. Arnauld ne mérite point par lui-même d'être réfuté; mais sa réputation le mérite peutêtre. Ainsi, je vas parcourir tous les chapitres de son livre, et remarquer non toutes ses méprises (un volume infolio n'y suffirait qu'à peine) mais, quelques-unes seulement dans chaque chapitre, pour ménager mon temps et celui du lecteur.

II. M. Arnauld, dans son douzième chapitre, aussi tuen que dans la plupart de ceux qui suivent, ne tend qu'à prevenir son lecteur contre mes sentiments, en me représenta“

comme «< un homme qui n'a rien de ferme dans sa nouvelle doctrine de la philosophie des idées, et qui en parle tantôt d'une façon et tantôt d'une autre. »

III. J'ai dit dans le titre d'un chapitre, que nous voyons toutes choses en Dieu, et ailleurs, qu'il n'y a que Dieu qui nous puisse éclairer en nous représentant toutes choses. J'ai dit aussi dans d'autres endroits, que nous ne voyons point en Dieu, ni notre âme, ni celle des autres hommes. Cela suffit à M. Arnauld pour conclure, que je ne suis pas ferme dans mon sentiment, et que je me contredis. « Toutes choses, ditil, se réduisent donc aux choses matérielles et aux nombres. Et encore pour les choses matérielles, il en excepte dans les éclaircissements toutes celles qui existent, et généralement tous les êtres singuliers. » M. Arnauld le prouve, et conclut par ces paroles Voilà un grand retranchement du mot de toutes choses!

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RÉPONSE. — IV. Si je croyais que nous eussions une idée claire de notre âme et de celle des autres hommes: si nous la voyions, ou si nous la connaissions autrement que par le sentiment intérieur et ténébreux que nous avons de nousmêmes, peut-être M. Arnauld pourrait-il conclure que je me contredis. Il faudrait de l'équité pour restreindre ce mot de toutes choses; mais il ne faut que du sens commun, pour voir que je suis ferme dans mes principes, et que je parle exactement, quoique je dise, qu'on ne connaît point en Dieu ce qu'on ne fait que sentir ou connaitre par sentiment. Ne puisje pas dire, Monsieur, que c'est de Dieu que j'ai toutes choses, quoique je ne possède presque rien? Le sens commun ne veut-il pas qu'on restreigne ce toutes choses au peu que j'ai ? Ainsi, comme je n'ai point cet avantage qu'a M. Arnauld d'avoir une idée claire de l'âme; et que même tous ceux avec qui j'ai traité de cette matière, m'ont paru n'en point avoir, j'ai pu dire que nous voyons toutes choses en Dieu, sans craindre la critique des personnes qui ont du sens, ou du moins de l'équité.

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