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ils sont l'objet de sa pensée, et tout ensemble la loi et la conséquence de son acte. Dieu est l'intelligence et l'intelligible, la raison et la liberté. Être raisonnable, ce n'est pas posséder en soi les idées éternelles, ni les extraire des choses, ni les contempler séparément, mais bien les voir en Dieu au sens de Malebranche, c'est-à-dire voir Dieu lui-même, puisque, selon Malebranche et selon la vérité, tout ce qui est en Dieu est Dieu.

La vision en Dieu, tant qu'elle ne s'applique qu'aux idées de la raison pure, est donc la vérité même. Sans doute on peut démontrer l'existence de Dieu et la démontrer par les principes de la raison, sans lesquels aucune démonstration ne peut être faite. C'est qu'en effet nous ne pouvons connaître Dieu sans Dieu, et que nous employons l'idée obscure et incomplète que nous possédons dès l'origine de notre vie intellectuelle par l'union intime de notre nature avec la sienne, à nous procurer une idée plus distincte et moins imparfaite de la perfection infiniment infinie. La démonstration de l'existence de Dieu, qui se déduit de son essence, n'est autre chose qu'un acte de réflexion que l'esprit fait sur lui-même, pour constater ce qu'implique nécessairement l'idée nécessaire qu'il a de Dieu. On a dit que cette démonstration ne concluait pas ; il est vrai, elle ne conclut pas, si la conclusion doit s'étendre au delà des prémisses. La majeure et la conclusion de ce raisonnement sont deux propositions identiques, avec cette seule différence que la conclusion est plus explicite.

Tel est le véritable sens de toute démonstration de l'existence de Dieu; car la croyance à un être parfait étant le fond même de la raison, aucun être raisonnable n'en sau

rait être dépourvu; et douter de l'existence de l'infini, ou douter de la raison ne se distinguent pas. Si l'on regarde attentivement le principe qui revient sans cesse dans Descartes, dans Arnauld et dans tous les philosophes cartésiens, que Dieu ne saurait être trompeur, il signifie que le parfait existe, c'est-à-dire que la raison est la raison, et il n'a pas d'autre valeur que d'être un acte de foi à la légitimité de nos facultés. Quand Descartes déclare que Dieu ne saurait nous tromper, et quand il dit que le scepticisme radical est une maladie de l'âme, il n'a pas deux idées différentes.

pas

Il est si vrai que toute démonstration de l'existence de Dieu suppose la croyance à l'être infini, que si nous n'avions. d'abord l'idée d'un être parfait, lequel est nécessaire, c'est-à-dire éminemment actuel, actuel, c'est-à-dire éminemment possible, ni les sens, ni la réflexion, ni l'éducation ne nous pourraient donner une telle idée. Qu'on y songe l'infini n'a point d'analogues; et le monde conçu tout entier dans son immensité et dans sa grandeur, ne nous rapproche pas d'une ligne, de la conception de l'infini.

Ce n'est donc pas s'expliquer comme il convient, que de dire: « Nous nous servons du principe de causalité, ou de tout autre principe, pour arriver à Dieu ; » car il n'y a point de principe qui soit antérieur à Dieu, même dans l'ordre de la connaissance. Il faut dire : « Nous nous servons du principe de causalité, qui dérive en nous de l'idée que nous avons de l'être infini, pour arriver à une connaissance moins indéterminée de cet être. >>

A prendre le principe de causalité, et en général les principes de la raison pure, sous la forme dont les revêt

notre raison discursive, il ne semble pas facile de comprendre à quel titre ils résident en Dieu et font partie de sa substance. Le même motif qui ne permet pas de regarder le principe de causalité comme une substance, ne permet pas davantage de comprendre l'identification de ce principe tel que la raison discursive se le représente avec la substance de Dieu. Parmi les principes que la raison nous révèle est celui-ci : tout espace limité suppose un espace qui le contient, et ainsi à l'infini; et cet autre : toute durée limitée suppose une durée qui la contient, et ainsi à l'infini. Est-ce à dire que la durée infinie et l'espace infini soient quelque chose de réel? Si l'espace et la durée infinis sont réels, sont-ils distincts de l'étendue et du mouvement? Cette distinction est-elle métaphysique ou simplement logique? Si elle est simplement logique, l'espace et le temps, avec ce qu'ils contiennent, appartiennent à la substance de Dieu, et sont Dieu même. Si elle est métaphysique, le temps et l'espace distincts et séparés de ce qu'ils contiennent sont des attributs de Dieu : car si on les entend comme les gassendistes, et en général comme les sensualistes, et qu'on en fasse des réalités indépendantes, outre que l'esprit ne peut concevoir de telles réalités, aucun système rationaliste ne les peut recevoir sans inconséquence. Or, que l'on admette le temps et l'espace purs, c'est-à-dire vides d'étendue et de mouvement, au nombre des attributs de Dieu, il faudra accorder l'infinité actuelle de l'un et de l'autre, l'infinité, disje, et non pas l'indétermination. Il faudra leur attribuer les caractères nécessaires de l'infinité, c'est-à-dire l'immobilité, l'indivisibilité; et en même temps les caractères propres du temps et de l'espace, c'est-à-dire la mo

bilité et la divisibilité. Il faudra par conséquent admettre en même temps les contradictoires dans le même sujet. Il est vrai que l'idée d'espace est distincte de l'idée de corps; mais cela prouve seulement qu'on peut, par un effort de la pensée, concevoir un espace pénétrable; cela ne prouve nullement qu'on puisse concevoir un espace indivisible. Que conclure de là? que le système des gassendistes ne peut être admis que dans la philosophie sensualiste ; que celui de Newton et de Clarke est contradictoire et inconséquent; et qu'enfin Leibnitz et Kant ont raison sur la question de l'espace et du temps contre Gassendi et Clarke. Donc le temps et l'espace ne sont pas plus en Dieu, ni de Dieu, que le principe de causalité; ce qui semble au premier abord une objection radicale contre la théorie de la vision en Dieu des vérités premières.

Mais l'observation psychologique fait évanouir cette objection, en distinguant le fond même des vérités premières de la forme qu'elles revêtent en passant dans la raison discursive. Qu'est-ce en effet que le principe de causalité? qu'est-ce que le temps ou l'espace infinis? c'est l'expression d'un rapport que notre esprit établit nécessairement entre l'idée de Dieu absolu, et les idées que l'expérience nous fournit. Je pense, donc j'ai l'idée de Dieu, et l'idée de moi-même : l'idée de Dieu, qu'est-ce ? l'idée de l'être absolu, de la cause absolue, de l'unité, de l'éternité absolues. Quelqu'autre objet que l'expérience m'apporte, je ne le puis concevoir comme égal à l'être absolu, ou à la cause première et dernière, ou à l'éternité même; je le conçois donc comme nécessairement incomplet et insuffisant; et j'ai beau m'efforcer, et appeler à mon aide toutes les ressources de l'imagination, je ne

puis l'égaler à la notion de l'être parfait, ni le considérer jamais comme accompli, même dans une catégorie particulière. Je suis donc forcé de toute nécessité d'admettre que tout être ou toute cause, excepté Dieu, suppose une autre cause au-dessus de lui; que tout espace, même immense, n'est pas la possession pleine et accomplie de l'être, qu'aucune durée, fût-elle sans bornes, n'épuise, la conception de la possession pleine et entière d'une réalité absolue.

Supposons que l'on se borne à constater la présence du principe de causalité dans la raison humaine, sans se demander comment il y peut être, et sans chercher à remonter plus haut que lui. Ce principe déclare que tout ce qui commence d'exister a une cause, et de cause en cause il nous pousse toujours en avant jusqu'à nous trouver enfin dans cette alternative ou d'une série de causes à l'infini, ou d'une cause première. Arrivés là, quelle est la voie étroite où la logique nous réduit? Clarke s'attache à réfuter la supposition de la série infinie des causes, mais s'il faut l'avouer sa réfutation ne réfute rien; et une telle séric n'est pas impossible. Ce qu'il devait dire, sans embarrasser une question aussi grave, de la question moins importante, plus difficile, du commencement de la création, c'est qu'une série de causes à l'infini, quand on pourrait la comprendre et l'admettre, ne satisfait pas plus notre esprit que le commencement de la série, conçu sans cause antécédente. Ce n'est pas parce que le monde a commencé, c'est parce qu'il est contingent, qu'il lui faut une cause au delà de lui-même. Le principe de causalité ne peut nous donner une telle cause, il ne peut arriver à se nier lui-même. Le fameux váyxn va, d'Aristote, est en effet dans tous

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