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de 1829 « Le point de départ de Malebranche est la théorie cartésienne, que la pensée humaine ne peut pas se connaître elle-même comme imparfaite et comme relative, sans concevoir Dieu, l'être parfait et absolu; or, comme il n'y a pas une seule pensée qui ne soit accompagnée du sentiment de l'imperfection d'elle-même, il s'ensuit qu'il n'y a pas une pensée qui ne soit accompagnée de la perception de Dieu, et que toute pensée étant en elle-même imparfaite, n'aurait point de valeur si elle n'était accompagnée de cette conception de Dieu, qui lui communique une force et une autorité supérieures. Ainsi, l'idée de Dieu est à la fois contemporaine de toutes nos idées, et le fondement de leur légitimité..... De là le fameux principe de Malebranche, que nous voyons tout, et le monde matériel lui-même en Dieu; ce qui veut dire que notre vision et conception du monde est accompagnée d'une conception de Dieu, de l'Être infini et parfait, qui ajoute son autorité au témoignage incertain par lui-même et de nos sens et de notre pensée 1. » C'est une interprétation généreuse de la théorie de Malebranche; M. Cousin n'a voulu voir dans cette théorie que ce qui est beau et grand, et il a laissé les chimères.

Nous pouvons résumer ici, en quelques mots, tout ce que la discussion d'Arnauld n'a pas emporté de la vision en Dieu.

C'est la loi de l'esprit humain de dépasser toujours les données des sens et de l'expérience, et de concevoir nécessairement quelque chose de nécessaire et d'éternel au delà du contingent et du transitoire. Donc, par la

Cours de 1829, p. 467.

condition de sa nature, il ne peut penser sans penser à Dieu.

L'esprit humain est gouverné par la raison et servi par l'expérience. Otez la raison, il n'y a plus de pensée ni d'esprit. Qu'est-ce que la raison, sinon l'ensemble des principes; et qu'est-ce que les principes, sinon de certaines lois éternelles qui ne sont ni une forme de l'esprit humain, ni une simple condition des choses créées, ni des substances existant à part; mais qui dérivent de l'existence de Dieu, comme lois de l'existence des choses, et de l'idée de Dieu, comme lois de l'intelligence humaine?

Ce sont les idées qui sont l'objet de la science; le fond et la substance des idées, c'est Dieu.

Cette philosophic que Malebranche a perfectionnée et approfondie, remonte jusqu'à Platon, elle est l'essence du rationalisme.

Qu'est-ce que le monde, dans cette diversité où les sens nous le font paraître? Tous ces phénomènes aussitôt emportés ne sont pas la vraie nourriture de l'esprit qui sent son éternité et aspire à se repaître de viandes solides. S'il y a une vérité, elle est constante; s'il y a de l'être, il est immuable. Le mouvement suppose le vide, c'est-à-dire le néant qui le presse et l'enveloppe de toutes parts. La science a pour objet l'Etre immuable, pour obstacle et pour ennemi, le mouvement et le non-être ; d'où il suit que la vraie méthode en philosophie, c'est la dialectique.

Dans l'école de Platon, suivie en cela fidèlement par Plotin et ses successeurs, Dieu n'est pas seulement le dernier intelligible; il est aussi l'objet suprême de l'amour. On arrive à lui par l'amour et par la pensée; ou plutôt

l'amour et la pensée, appliqués à la recherche du bien et de l'être, ne se distinguent ni dans leur origine, ni dans leurs effets, ni dans leur but: et la dialectique entendue dans le vrai sens de Platon, n'est plus que l'ardeur même de l'esprit qui, dédaignant les obstacles, supérieur à la fatigue, puisant dans chaque effort une vigueur nouvelle, se fraye à travers les phénomènes, qu'il rejette loin de lui, une route droite et sûre, vers l'éternelle beauté, éternelle splendeur de l'être.

Au premier regard jeté sur le monde, une âme philosophique sait y démêler quelque trace d'une harmonie. supérieure; ce qui n'apparaît un instant que pour périr ne l'arrête pas; ombres plutôt que réalités, flot éphémère aussitôt absorbé par le néant. « Les ailes mystérieuses que l'amour fait naître,» la portent incessamment vers ce qui est beau, c'est-à-dire, vers ce qui est un et simple; cela seul lui est analogue, et réveille en elle ce sentiment mêlé d'espérance et de regret, souvenir d'une patrie absente, promesse et condition du retour, la réminiscence. Une fois sortie de la caverne et planant en liberté parmi les intelligibles, l'âme prend des forces à chaque coup d'aile, et ramenée à sa pureté native, elle traverse la hiérarchie des idées, montant d'universaux en universaux jusqu'aux conceptions les plus simples, et aux êtres les plus réels. Alors lui apparaît dans l'unité de toutes ses parties, le monde entier formant une harmonie parfaite: au sommet l'unité, à la base le multiple, entre eux les espèces et les genres dans l'ordre de leur universalité. Chaque phénomène s'appuie sur l'idée dont il participe, chaque idée sur une idée supérieure, toutes ensemble se ramènent à Dieu, le roi des intelligibles, et le père du monde.

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Parvenue à cette hauteur, la pensée possède enfin l'intelligence de l'Être à tous les degrés; elle en pénètre les essences, elle en comprend les mystères, elle en découvre et en reconnaît les harmonies, soit que renouvelant l'ascension de la dialectique, elle parcoure encore une fois l'échelle des êtres, depuis le monde jusqu'à Dieu, ou qu'imitant dans l'ordre de ses conceptions l'ordre même de la réalité, elle s'établisse d'abord au sein de Dieu, et découvre au loin, à travers l'armée des intelligibles, les dernières images de la beauté et de la perfection divine.

Voilà déjà dans Platon tout le rationalisme en germe. Le voilà dans toute sa beauté et dans toute sa grandeur, mais encore enveloppé de nuages poétiques, et embarrassé de toutes ces idées intermédiaires, qui fournissent à Aristote et à tous les sensualistes des armes puissantes. Malebranche comprend mieux la nature propre des idées et leur rapport avec la nature de Dieu; et quand il répète, après Plotin, que Dieu est le lieu des esprits tov tov sidow TÓTOV, c'est dans un sens à la fois plus profond et plus exact. Un grand progrès est accompli dans le rationalisme, et c'est sur ce progrès qu'il faut fixer ses regards, non sur cette chimérique étendue intelligible.

En effet, les degrés sur lesquels monte la dialectique, n'ont pas cette espèce de réalité que Platon leur attribue. Ils sont réels sans doute, et Malebranche est tout le premier à le démontrer, mais ils n'ont pas le tò zwpictóv.

Tout vient de Dieu, tout être est suspendu à son être; le monde n'est qu'un ensemble d'apparences qui, séparé du Dieu qu'il nous révèle et nous cache à la fois, s'enfuit à jamais dans le néant; s'ensuit-il qu'entre Dieu et nous s'établisse le monde des idées et toute la hiérarchie platoni

cienne des existences intermédiaires? S'il est vrai que dans la recherche de la dernière et suprême unité, la raison traverse des unités intermédiaires, de quel droit les platoniciens veulent-ils voir dans ces unités autre chose que des positions de l'esprit qui peu à peu entrevoit les communes origines des choses? N'est-ce pas multiplier les êtres sans nécessité, n'est-ce pas les supposer arbitrairement, que d'accorder ainsi une existence concrète à toute généralisation? N'est-ce pas mettre le monde réel à la merci des esprits subtils, et se forger à loisir des chimères? Quand la langue grecque, durant la période alexandrine, acquit ces richesses appauvrissantes qui marquent la décadence des langues et des peuples, le monde des idées s'accrut avec les vocabulaires! Qu'importe que ce chemin soit vraiment le chemin qui mène à Dieu ? Il n'y a de réel dans toutes ces opérations que l'élimination des accidents; la conception individuelle qui les suit à mesure n'est qu'une généralisation provisoire; c'est un effet de la faiblesse de notre esprit qui a besoin de diviser sa tâche, et qui se soulage en établissant ainsi des zones distinctes dans la longue route qu'il parcourt. Il n'y a de véritable conception qui succède à la négation des différences, que dans la conception suprême; et lorsque tous les accidents, tous les phénomènes, tout ce qui tient au tèmps, à l'espace, au mobile, étant enlevé, l'unité apparaît enfin dégagée de tout nuage, et resplendit dans tout l'éclat de son essence. Les idées ne sont donc pas, quoique l'idée de Dieu existe. Il faut souffler sur le monde intermédiaire de Platon, qu'Aristote avait le droit d'appeler des métaphores poétiques; mais par ce chemin, que Platon a semé de créations imaginaires, on arrive véritablement à l'intelli

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