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figure, et que les bornes de l'esprit ne se peuvent figurer: que cette étendue intelligible ayant des parties, se peut diviser, et qu'on ne voit rien en l'âme qui soit divisible. »

Or, nous avons montré, dans le chapitre 14 des Idées, que si ce qu'il appelle l'étendue intelligible était l'étendue, en tant qu'elle est idéalement et objectivement dans l'esprit, comme est la forme matérielle d'une maison dans l'esprit de l'architecte, il n'aurait eu aucun sujet de dire que notre âme ne renferme point cette étendue intelligible, et qu'il n'y aurait rien de plus absurde que tous les arguments qu'il apporte pour le prouver.

Il faut donc nécessairement que ce soit dans un autre sens qu'il ait pris les mots d'étendue intelligible, selon lequel il s'est imaginé qu'elle ne puisse être dans notre âme quoiqu'elle puisse être en Dieu.

Voilà les raisons qui m'ont fait croire qu'il mettait l'étendue en Dieu d'une autre manière qu'idéalement ou objectivement. Elles subsistent dans toute leur force, et sont même devenues convaincantes par l'aveu, au moins tacite, de l'auteur de la Réponse, qui m'a donné droit, en n'y répondant pas, de lui reprocher qu'il n'a pu y répondre.

Il reste maintenant à examiner si j'ai eu raison de soupçonner, dans le Traité des Idées, que c'était formellement qu'il mettait en Dieu cette étendue, et de ne point craindre d'assurer ici qu'il a depuis donné lieu de n'en point douter.

Ce n'est proprement que ce dernier que j'ai à prouver; car, pour peu que l'on considère ces raisons sans prévention, il sera aisé de juger qu'elles sont plus que suffisantes pour former le soupçon et le doute que je ne lui avais fait que proposer dans le Traité des Idées, parce que l'énormité de ce paradoxe, et la bonne opinion que l'amitié et la charité me donnaient de votre ami, me fermaient en quelque sorte les yeux, pour ne pas être frappé de toute la lumière de ces raisons qui se présentaient à moi. Mais, depuis qu'il s'est expliqué plus clairement, dans ses Méditations chrétiennes

et dans sa Réponse au Traité des Idées, mon doute s'est changé en une opinion arrêtée. J'ai senti en cette occasion qu'on n'est point maître de ses jugements et qu'on ne peut retenir son esprit dans l'équilibre, quand il a des raisons qui le portent invinciblement d'un côté. Ainsi, je n'ai point appréhendé d'assurer qu'il met de l'étendue en Dieu formellement; et afin que l'on puisse s'en assurer aussi bien que moi, et que l'on puisse juger si c'est sans fondement que je lui attribue un sentiment si dangereux et si contraire à la religion, je ramasserai ici les principales raisons qui m'ont fait former ce jugement:

1o. C'en est une assez considérable de ce qu'en répondant, dans son chapitre 46, aux doutes que je m'étais contenté de lui proposer dans mon chapitre 44, il ne fait autre chose que me quereller sur ce qu'il prétend que j'ai voulu faire douter s'il ne mettait point formellement en Dieu l'étendue après avoir dit que c'était une créature. Mais il ne dit point que, prenant le mot d'étendue pour quelque chose de divin, et non point pour une créature, il ne l'ait point mise formellement en Dieu;

2o. C'en est une autre, de ce qu'ayant dit en la page 286 du Traité des Idées « que je ne reconnaissais point pour mon Dieu une étendue intelligible infinie dans laquelle on pouvait remarquer différentes parties,» il répond à cela, dans la page 128 de sa Réponse. Et au lieu de dire qu'il ne reconnaissait point pour son Dieu une vraie et formelle étendue, non plus que moi, il s'amuse à dire des choses qui n'y sont nullement contraires. Car, tout ce qu'il répond est : « Je n'adore point d'autre Dieu que l'Être infiniment parfait, dont la puissance seule me donne l'être, dont la sagesse seule m'éclaire l'esprit, et dont l'amour seul, substantiel et nécessaire, me donne tout le mouvement que j'ai pour le bien. »>

3o. Mais, ce qui m'a paru convaincant, est un endroit de sa IX Méditation, §§. 8, 9, 10, qu'il est nécessaire, pour le bien entendre, de rapporter tout au long: « Il y a encore

une raison qui porte les hommes à croire que la matière est incréée : c'est que, quand ils pensent à l'étendue, ils ne peu vent s'empêcher de la regarder comme un être nécessaire. En effet, on conçoit que le monde a été créé dans des espaces immenses, que ces espaces n'ont jamais commencé, et que Dieu même ne peut les détruire de sorte que, confondant la matière avec ces espaces, parce que effectivement la matière n'est rien autre chose que de l'espace ou de l'étendue, ils regardent la matière comme un être éternel. Mais tu dois distinguer deux espèces d'étendues; l'une intelligible, l'autre matérielle. L'étendue intelligible est éternelle, immense, nécessaire c'est l'immensité de l'Être divin, c'est l'être intelligible d'une infinité de mondes possibles: c'est ce que ton esprit contemple, lorsque tu penses à l'infini : c'est par cette étendue intelligible, que tu connais ce monde visible....... L'autre espèce d'étendue est la matière dont le monde est composé. Bien loin que tu l'aperçoives comme un être nécessaire, il n'y a que la foi qui t'apprenne son existence. Ce monde a commencé et peut cesser d'ètre. Il a certaines bornes qu'il peut ne point avoir. Tu penses le voir, et il est invisible..... Prends donc garde à ne pas juger témérairement de ce que tu ne vois en aucune manière. L'étendue intelligible te paraît éternelle, nécessaire, infinie. Crois ce que tu vois, mais ne crois pas que le monde soit éternel, ni que la matière qui le compose soit immense, éternelle, nécessaire. N'attribue pas à la créature ce qui n'appartient qu'au Créateur. »>

Pour bien entendre ce passage, il est bon de remarquer qu'il y a eu en vue de réfuter Spinoza, qui a cru que la matière dont Dieu a fait le monde était incréée, et qu'il cherche une raison qui a porté cet impie dans cette erreur.

Cette raison, selon lui, est que, quand les hommes pensent à l'étendue, ils ne peuvent s'empêcher de la regarder comme un être nécessaire. Or il paraît, par ce qui suit, qu'il n'a pas cru que cette pensée fût fausse, mais seulement que Spinoza

en avait abusé, en la portant trop loin; car il confirme cela par ces paroles: En effet, on conçoit que le monde a été créé dans des espaces immenses, que ces espaces n'ont jamais commencé, etc., et, par conséquent, qu'ils sont éternels, et que Dieu même ne les peut détruire. En quoi donc met-il l'impiété de Spinoza? en ce qu'il a confondu la matière dont Dieu a formé le monde avec ces espaces immenses, éternels et nécessaires dans lesquels le monde a été créé. Et il ajoute que ce qui lui a donné sujet de confondre la matière avec ces espaces, est qu'effectivement la matière n'est rien autre chose que de l'espace et de l'étendue.

Mais voici quel doit être, selon lui, le dénoûment de cette difficulté. Tu dois, dit la Sagesse éternelle à son disciple, distinguer deux espèces d'étendues; l'une intelligible, l'autre matérielle. L'étendue intelligible est éternelle, immense et nécessaire, c'est l'immensité de l'Être divin. Il est donc clair qu'il prend pour la même chose l'étendue intelligible, qu'il dit être éternelle et nécessaire, les espaces immenses dans lesquels le monde a été créé, et l'immensité de l'Étre divin. Or s'il avait pris ce qu'il appelle l'étendue intelligible pour l'étendue matérielle, en tant qu'elle est idéalement en Dieu, il n'aurait pu dire que l'étendue prise en ce sens, est l'espace immense dans lequel le monde a été créé, et que c'est l'immensité de Dieu. Car quel sens aurait, je vous prie, de dire, que le monde a été créé dans l'étendue matérielle en tant qu'elle est idéalement en Dieu, et que cette étendue conçue de Dieu est l'immensité de Dieu.

Quant à ce qu'il ajoute que ce qu'il appelle l'étendue intelligible est l'idée intelligible d'une infinité de mondes possibles, j'ai déjà fait voir que c'est une pure équivoque, et qu'il y prend le mot d'idée, non pour la perception que Dieu a de l'étendue, mais pour une vraie et formelle étendue, qu'il prétend être l'être représentatif de l'étendue matérielle, et qu'il regarde en ce sens, comme pouvant être l'archétype d'une infinité de mondes possibles.

On doit encore considérer ces paroles: C'est ce que ton esprit contemple lorsque tu penses à l'infini. Car il y confond deux sortes d'infinis qu'il faut extrêmement distinguer, comme a fait saint Thomas: l'un selon l'essence, secundum essentiam, qui est la vraie infinité de Dieu; l'autre, selon la grandeur, secundum magnitudinem, que saint Thomas n'a jamais cru qui fût en Dieu, ayant seulement mis en question s'il pouvait y avoir un infini, selon la grandeur, dans les créatures. Cependant il est visible que c'est ce dernier infini que l'auteur des Méditations a en vue, lorsqu'il dit: C'est ce que ton esprit contemple lorsque tu penses à l'infini.

Enfin, dans l'article X, il dit que l'autre espèce d'étendue est la matière dont le monde est composé; qu'on pense la voir, et qu'elle est invisible, mais qu'elle est infiniment différente de l'autre, parce que ce n'est qu'une créature, et que l'autre appartient au Créateur. Il reconnait donc une espèce d'étendue qui appartient au Créateur, et non à la créature. Or l'étendue intelligible prise pour l'étendue matérielle, en tant qu'elle est idéalement en Dieu, n'appartient pas seulement au Créateur, mais aussi à la créature, puisque c'est une créature en tant qu'elle est conçue de Dieu. On ne voit donc pas qu'il puisse dire qu'il a entendu par ce qu'il appelle l'étendue intelligible, l'étendue matérielle, en tant qu'elle est - idéalement et objectivement en Dieu.

4o. Dans une note marginale de la page 78 de sa Réponse, il dit «< qu'il faut remarquer, que c'est une propriété de l'infini, incompréhensible à l'esprit humain, d'être en même temps un et toutes choses; composé pour ainsi dire, d'une infinité de perfections, et tellement simple, que chaque perfection qu'il possède, renferme toutes les autres, sans aucune distinction réelle; car, comme chaque perfection est infinie, elle fait tout l'Être divin. Mais l'âme, par exemple, étant un être borné et particulier, elle serait matérielle si elle était étendue elle serait composée de deux substances différentes, esprit et corps. » Comme je dois parler de cette note

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