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à ses rancunes, protégea et persécuta tour à tour, au gré de son caprice, les Jésuites et les Jansénistes, et, grisée par les flatteries de Marie-Thérèse d'Autriche qui, en habile politique, l'avait appelée un jour « ma cousine », elle précipita la France dans cette funeste guerre de sept ans qui devait aboutir à tant d'humiliations et de désastres.

Madame de Pompadour aurait donc la plus triste place dans l'histoire, sans la faveur dont elle entoura les artistes et la protection qu'elle accorda toujours aux philosophes et aux savants, qui dirigeaient alors le grand mouvement des esprits.

Au point de vue de l'art, elle exerça sur son époque une influence décisive : « Elle a été l'inspiratrice du goût et de l'art pendant ce qu'elle appelait «< son règne », dit le baron Roger Portalis, dans son joli livre sur les Dessinateurs d'illustrations au dix-huitième siècle. « C'est sous son influence, on peut le dire, et sous l'inspiration de son goût, que Carle Vanloo et Boucher ont peint, que Bouchardon, Coustou, Falconnet et Pigalle ont sculpté leurs marbres; que Cochin et Eisen ont dessiné, que Guay a creusé ses pierres fines, et chacune des œuvres de ces artistes portent le cachet Pompadour. Pour avoir une influence plus directe sur les arts, elle avait, dès 1745, fait renvoyer Orry, le vieux directeur des bâtiments royaux, qui n'aurait pu la suivre dans ses vues de réforme et dans les grands projets qu'elle méditait, et elle avait appelé l'oncle de son mari, Le Normant de Tournehem, pour le remplacer. A sa mort, son frère, qui lui succédait, alors marquis de Marigny, et

pour la magie du coloris et la grâce des formes, ce sont « les plus beaux Boucher du monde. » Ces peintures étaient encadrées à l'Arsenal, qu'habitait alors Mme de Pompadour, dans de riches panneaux. Quand Louis XVI, au commencement de son règne, visita ce palais sous la conduite de M. de Maurepas, celui-ci le conduisit au fameux boudoir. Il faut faire disparaître ces indécences, dit-il aussitôt. Le courtisan se le tint pour dit et s'empara de ces belles peintures. Après diverses fortunes, elles font actuellement partie d'une grande collection anglaise.

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qui fut peut-être, parmi tous ceux qui ont dirigé les arts au XVIIIe siècle, le plus intelligent et le plus dévoué, continua à subir l'ascendant et les volontés de sa sœur. »

Ajoutons que c'est à Madame de Pompadour que nous devons la création de la grande manufacture de Sèvres, dont les produits devaient bientôt défier toute concurrence: << Madame de Pompadour, écrit d'Argenson, ne fait que prêcher le grand avantage qu'il y a pour l'État à faire de la porcelaine à la façon de Saxe, et même à l'avoir surpassée. On établit rue de la Monnoie un magasin royal pour cette porcelaine. On y voit un service que le roi envoie au roi de Saxe, comme pour le braver et le provoquer, lui disant qu'il a surpassé même sa fabrique. Aux soupers du roi, la marquise dit que ce n'est pas être citoyen que de ne pas acheter de cette porcelaine autant qu'on a de l'argent. »

La Marquise, qui dessinait et gravait avec un certain talent, avait conçu, dès les premiers moments de sa faveur, l'idée de fixer sur des pierres précieuses, par le moyen de la gravure, le souvenir des principaux évènements du règne de son royal amant. Les peintres Boucher et Vien, le sculpteur Bouchardon, devaient composer les dessins; le graveur Guay était chargé de les graver sur pierres fines; Madame de Pompadour s'était réservée de reproduire l'œuvre de Guay, soit à l'eau-forte, soit au burin.

Elle commença ce travail très curieux par un portrait de Louis XV, en empereur romain, d'après une sardoine onyx de trois couleurs intaillée par Guay; grava ensuite le triomphe de Fontenoy, d'après le dessin de Bourchardon, et reproduisit elle-même, à l'eau-forte retouchée au burin, toute une série de sujets, au-dessous desquels elle écrivit de sa main: Pompadour sculpsit (1).

(1) Ce recueil porte pour titre Suite d'estampes gravées à l'eau-forte par la marquise de Pompadour, d'après les pierres gravées de Guay.

La Bibliothèque de l'Arsenal possède un exemplaire de ces planches, qui fut offert par

On raconte que Voltaire, alors dans son intimité, l'ayant surprise un jour dessinant une tête, improvisa sur le champ ce galant quatrain :

Pompadour, ton crayon divin,
Devroit dessiner ton visage;
Jamais une plus belle main

N'auroit fait un plus bel ouvrage.

On attribue encore à Madame de Pompadour la gravure de quelques planches érotiques connues sous le titre : « Mes Loisirs, dédiés à mes amis, petit recueil pour exciter la ferveur des fidèles aux matines de Cythère, par un amateur de l'office, 1764. La preuve absolue nous manque; mais la femme qui possédait, dit-on, le Portier des Chartreux (1), et qui faisait usage de chocolat à triple vanille et ambré (2), pour forcer sa nature rebelle à s'associer aux plaisirs qu'exigeait le roi, était bien capable d'occuper ses loisirs à ces distractions excitantes.

La bibliothèque que la marquise avait réunie à grands frais est considérable : le catalogue qui en fut dressé après sa mort, par le libraire Hérissant (3), sur des cartes fournies

la marquise au marquis de Paulmy. Il est très richement relié en maroquin rouge et porte sur les plats, les mots suivants, en lettres d'or : OEuvre de Madame la marquise de Pompadour, donné par elle-même au marquis de Paulmy. A l'intérieur du volume se trouve la note suivante dont nous respectons l'orthographe : « Les six premières feuilles ne font point partie de l'œuvre de Madame de Pompadour, quoiqu'elles ayent aussi été gravées par elle à l'eau-forte. Les trois premières sont d'après les dessins de Boucher; les deux suivantes d'après deux beaux morceaux de sculpture en ivoyre que la marquise avait dans son cabinet, et le dernier, d'après un très beau dessin de l'Antre du Sommeil, qu'elle avait également dans son cabinet, encadré, et dont elle faisoit grand cas. » Chacune de ces pièces porte au bas de la page, dans un cartouche dessiné à la plume: Ex dono authoris.

(1) Voir le catalogue de la collection érotique de BÉRARD.

(2) Mémoires de Madame du Hausset. Paris, Baudouin frères, 1824, page 92.

(3) Catalogue des livres de la bibliothèque de feue Madame la marquise de Pompa dour, dame du palais de la Reine. Paris, Jean-Th. Herissant, 1765, in-8.

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