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Il me reste à faire connaître l'homme privé, et je n'ai point à craindre de soulever le voile et de découvrir quelques-unes de ces passions honteuses qui déshonorent quelquefois le talent. Jamais l'âme de Girodet n'a éprouvé que des sentimens honorables; il sentait l'amitié avec toute l'effusion d'un cœur sincère; placé à la sommité de son art, il savait découvrir et faire valoir ce qu'il y avait de bien dans les productions les plus médiocres; mais, né sensible et dès lors irritable, les critiques qu'il écoutait avec une patience admirable, lorsqu'elles étaient inspirées par un sentiment éclairé et bienveillant, le mettaient hors de lui, dès qu'elles lui paraissaient dictées par l'ignorance ou par l'envie. Il était dans un état habituel d'agitation; ses regards pénétrans et rapides annonçaient assez la mobilité et la vivacité de son esprit; sa conversation, pleine de charme et d'intérêt, surprenait toujours par des tours nouveaux, empreints de l'originalité la plus piquante, et par des aperçus qui décelaient sa profonde sagacité. Nourri de l'étude des lettres et des auteurs anciens, il laisse des fragmens d'une imitation d'Anacréon, un poëme sur les délices de la peinture et plusieurs autres manuscrits.

Tel fut Girodet. Ses ouvrages ont fait l'admiration de ses contemporains, comme ils feront celle de la postérité ; mais, pendant la durée de cette vie si agitée, si remplie, a-t-il connu le bonheur? Il n'est peut-être pas donné au génie d'être heureux. Homère, Virgile, le Camoëns, le Tasse, Racine, sont là pour nous répondre. Ils ont éprouvé des momens d'ivresse; mais les palmes de la gloire coûtent bien cher, car elles portent avec elles le trouble, les sombres inquiétudes, et ce noir venin que distille la jalousie. C'est ce qui a fait dire à M. de Fontanes:

Vivans, la haine les déchire,

Et ces dieux que la terre admire
Ont peu compté de jours sereins.

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Il restait aux élèves de Girodet un dernier devoir à remplir envers leur maître : ils le rempliront. Ils se proposent de publier son œuvre; là, ils déposeront le souvenir qu'ils ont conservé de ses leçons, de ses pensées intimes sur l'art qu'il a illustré, de tout ce qui sera propre, enfin, à faire connaître, dans son entier, le grand artiste qui vient de s'éteindre.

L'amitié qui nous lie, celle dont Girodet m'honorait me font espérer que je serai chargé de tenir la plume. On croira, sans peine, que chacun de nous s'efforcera de rendre ce monument digne de l'homme célèbre auquel il sera consacré.

P.-A. COUPIN,

L'un des Rédacteurs de la Revue Encyclopédique et du Kunst-Blatt (Journal des Arts) publié à Stuttgart; membre des Sociétés de la Morale chrétienne et de Géographie.

II. ANALYSES D'OUVRAGES.

SCIENCES PHYSIQUES.

Recherches SUR LES OSSEMENS FOSSILES, où l'on rétablit les caractères de plusieurs animaux dont les révolutions du globe ont détruit les espèces; par M. le baron G. CUVIER, etc. (1).

Le cinquième volume de ce grand ouvrage vient de paraître mon illustre confrère, M. le baron CUVIER, vient de terminer le beau monument qu'il avait entrepris d'élever. C'est une immense pyramide sur laquelle il a inscrit les noms des différentes espèces d'animaux fossiles; et cette restauration, si importante pour le progrès des sciences, honore d'autant plus son auteur, que c'est lui qui, aidé des lumières de l'anatomie comparée, a recréé, pour ainsi dire, ces espèces, en rapprochant leurs débris, en reformant leurs diverses parties, en leur rendant leurs proportions, leurs traits, leurs organes et leurs armes.

Nous avons, il y a trois ans, entretenu les lecteurs de ce recueil (v. Rev. Enc., t. xx111, p. 290-301), du discours préliminaire dans lequel l'auteur a exposé son but, les difficultés qu'il avait surmontées, les succès qu'il avait obtenus, la méthode qu'il avait suivie pour présenter et prouver ses découvertes, les conséquences que l'on devait tirer de l'existence, dans des terrains plus ou moins anciens, d'animaux marins, ou d'eau douce, ou terrestres, et les grands rapports qui lient la pré

(1) Paris, 1821, 1822, 1823, 1824; Dufour et d'Ocague. 5 vol. in-4. Prix 330 fr.

sence de leurs débris avec les catastrophes du globe, et avec les grands changemens opérés dans la croûte de la terre par la violence des mers, des volcans et des autres agens de la nature, ou par l'action lente et régulière des eaux douces ou salées.

Nous avons parlé ensuite des différentes espèces d'éléphans, de mastodontes et d'hippopotames, dont les ossemens ont été trouvés dans des alluvions plus ou moins anciennes, et dont M. le baron Cuvier a donné, dans son premier volume, des descriptions exactes, complètes, et dues au soin extrême avec lequel il a comparé ces ossemens enfouis depuis tant de siècles, avec ceux des éléphans et des hippopotames qui vivent encore sur le globe, et avec les lois de conformation et de correspondance auxquelles la nature a soumis les différentes portions et les divers organes de tous les animaux.

Parcourons rapidement, aujourd'hui, les second, troisième, quatrième et cinquième volumes, et marquons les nouvelles découvertes que M. Cuvier a exposées.

Dans la première partie du second volume, l'auteur, toujours fidèle au plan qu'il s'est tracé, donne la description de toutes les espèces de rhinocéros, de lophiodons, et d'autres animaux voisins de ces mammifères, dont on a trouvé des débris dans le sein de la terre. Il entre, à ce sujet, dans les plus grands détails, prouve rigoureusement la justesse de ses restaurations, en les faisant précéder par l'exposition la plus étendue et la plus exacte des caractères distinctifs des rhinocéros encore vivans, et complète tout ce qu'il avait à dire sur les pachydermes, ou quadrupèdes remarquables par l'épaisseur de leur peau.

M. Cuvier voulant ensuite rendre ses observations plus précises, ses réflexions plus importantes, ses conséquences géologiques plus claires et moins susceptibles de contestation, imagine de montrer avec ordre les différentes couches placées

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les unes au-dessus des autres dans les terrains secondaires ou tertiaires dont différens lits renferment les ossemens des animaux

que son ouvrage est destiné à faire connaître. Il prend pour exemple les terrains que l'on voit autour de Paris, et qui composent le fond et les bords du bassin où coulent la Seine, la Marne, l'Oise, et plusieurs autres rivières, et qui s'étend depuis les environs de Beauvais, de Compiègne et de Soissons, jusqu'à ceux d'Étampes et de Fontainebleau, et depuis les environs de Mantes et de Gisors, jusque vers Nogent-surSeine et Château-Thierry. Il a parcouru et étudié ce bassin, avec son digne et célèbre collaborateur, I. Alexandre BRONGNIART, de l'Académie royale des sciences. Il compte et décrit les divers terrains qui se succèdent, depuis la craie marine, dont le gisement est le premier qu'il soumette à son examen. Il voit, au-dessus de cette craie, le premier terrain d'eau douce, et y montre l'argile plastique et le lignite.

Il trouve ensuite le calcaire grossier, et les grès coquillers qui accompagnent ce calcaire, et il remarque ce nouveau travail de la mer qui, par une nouvelle irruption, a recouvert l'argile plastique et le lignite, ces produits des eaux douces venues après les eaux salées.

Le calcaire siliceux se montre au-dessus de ces grès marins et du calcaire grossier; et au-dessus de ce calcaire rempli de la matière siliceuse qui paraît y avoir pénétré de toutes parts, est le gypse ou pierre à plâtre, nouvelle formation déposée par des eaux douces.

C'est dans ce gypse que se montrent, aux yeux attentifs de l'auteur, les restes plus ou moins conservés avec lesquels il a reconstruit tant d'espèces d'animaux qui n'existent plus sur le globe, et auxquels il a donné des noms, et assigné une place dans la chaîne des êtres organisés. C'est dans les couches de ce gypse qui recèle les trésors de la science géologique, qu'il voit les paleother am, ceux qui sont très grands, ceux de taille moyenne,

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