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lement s'étonner que M. Dupin ne fasse point partie de cette commission; et que onze années de travaux employées à la classification de nos lois n'aient point paru un titre suffisant pour l'appeler à concourir à leur révision.

TARDIF, Avocat.

HISTOIRE DES DUCS DE BOURGOGNE de la maison de Valois (1364-1477); par M. DE BARANTE, Pair de France. Avec cette épigraphe, tirée de Quintilien:

Scribitur ad narrandum, non ad probandum (1).

On ne doit point s'étonner si jusqu'ici nous nous sommes dispensés de rendre compte de l'ouvrage de M. de Barante; le brillant succès qu'il a obtenu, dès l'instant de sa publication, ne nous a rien laissé à faire à son égard. Quelle devait être en effet notre tâche? L'annoncer, le faire connaître? non, sans doute; il est déjà plus répandu que la plupart des journaux littéraires, il est entre les mains de presque tous nos lecteurs, il est dévoré par eux avec une avidité que nous ne nous flattons pas de pouvoir exciter. Exposer les principes, les opinions, les sentimens propres de l'auteur, pour les juger, les adopter, peut-être les combattre? le genre qu'il a choisi échappe à une semblable critique. Empruntant l'esprit, si ce n'est le langage des écrivains contemporains, il n'énonce aucune opinion, aucun sentiment qui soit à lui; il ne se permet pas une réflexion qui n'appartienne à ses auteurs, et qui, au lieu de représenter sa pensée, ne soit destinée à peindre le tems où cette réflexion a été faite. Discuter enfin les principes nouveaux que l'auteur a énoncés, dans un brillant discours préli

(2) Paris, 1824. T. I, II, III et IV. In-8°. Ladvocat, libraire, au Palais-Royal. Prix 20 fr.

minaire, sur cette manière nouvelle d'écrire l'histoire, en mène tems qu'il y a rassemblé toute la philosophie de son ouvrage ? Nous croyons qu'il vaut mieux ajourner cette discussion à l'époque où nous nous apercevrions que M. de Barante fait école, et que des hommes qui ne sont pas doués de son admirable talent de peindre voudraient s'appuyer de son exemple, les uns pour cacher comme lui leur pensée, les autres pour ne pas penser du tout.

Cependant, on demande que nous ne passions pas sous silence un des ouvrages les plus brillans de notre époque, et nous nous conformons à ce vou. Écoutons d'abord l'auteur exposer lui-même ce qu'il a voulu faire; bientôt, nous examinerons ce qu'il a fait.

« On est las, dit-il, de voir l'histoire, comme un sophiste docile et gagé, se prêter à toutes les preuves que chacun en yeut tirer. Ce qu'on veut d'elle, ce sont des faits. De même qu'on observe dans ses détails, dans ses mouvemens, ce grand drame dont nous sommes tous acteurs et témoins, de même on veut connaître ce qu'était avant nous l'existence des peuples et des individus. On exige qu'ils soient évoqués et ramenés vivans sous nos yeux chacun en tirera ensuite tel jugement qu'il lui plaira, ou même ne songera point à en faire résulter aucune opinion précise. Car il n'y a rien de si impartial que l'imagination; elle n'a nul besoin de conclure, il lui suffit qu'un tableau de la vérité soit venu se retracer devant elle.

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Tel est le plan que j'ai essayé de suivre en écrivant l'histoire des ducs de Bourgogne de la maison de Valois. Dès long-tems, la période qu'embrassent les quatre règnes de cette dynastie m'a semblé du plus grand intérêt. J'ai cru trouver ainsi un moyen de circonscrire et de détacher de nos longues anuales une des époques les plus fécondes en événemens et en résultats. En la rapportant aux progrès successifs et à la chute de la vaste et éclatante domination des Princes de Bourgogne,

:

le cercle du récit se trouve renfermé dans des limites précises. Le sujet prend une sorte d'unité qu'il n'aurait pas, si je l'avais traité à titre d'histoire générale.... On objectera peut-être que pour écrire l'histoire des ducs de Bourgogne il n'était pas absolument nécessaire d'entrer avec autant de détails dans les affaires de France; mais la liaison est intime: aucun événement important dans le royaume n'a été sans influence immédiate sur la fortune de cette branche de la maison royale. D'ailleurs, comme je l'ai dit, ce que j'ai voulu surtout, c'est présenter une peinture fidèle d'un des siècles de notre histoire, et je devais me garder d'omettre rien de ce qui le caractérise. C'est à moi de me faire excuser, en présentant une narration qui ne soit jamais dénuée de suite ni d'intérêt c'est, je l'avoue, ce que je me suis proposé avant tout. Charmé des récits contemporains, j'ai cru qu'il n'était pas impossible de reproduire les impressions que j'en avais reçues, et la signification que je leur avais trouvée. J'ai tenté de restituer à l'histoire elle-même l'attrait que le roman historique lui a emprunté. Elle doit être, avant tout, exacte et sérieuse; mais il m'a semblé qu'elle pourrait être, en même tems, vraie et vivante. De ces chroniques naïves, de ces documens originaux, j'ai tâché de composer une narration suivie, complète, exacte, qui leur empruntât l'intérêt dont ils sont animés, et suppléât à ce qui leur manque. Je n'ai point tâché d'imiter leur langage, c'eût été une affectation et une recherche de mauvais goût; mais, pénétrant dans leur esprit, je me suis efforcé de reproduire leur couleur. Ce qui pouvait le plus y contribuer, c'était de faire disparaître entièrement la trace de mon propre travail, de ne montrer en rien l'écrivain de notre tems. Je n'ai done mêlé d'aucune réflexion, d'aucun jugement les événemens que je raconte (1). »

Ainsi M. de Barante, sous le nom d'Histoire des ducs de

(1) Préface, p. XXXVI et XL.

Bourgogne, ne veut point nous donner l'histoire d'une province dont ces dues portaient le nom, mais celle de grands princes français agissant sur la France, et par elle sur l'Europe: surtout, il a voulu reproduire l'esprit et la vie des chroniques françaises, à l'époque où, pour la première fois, la langue française fut employée à peindre dans l'histoire les hommes, les faits et les passions politiques. Les cent treize ans qu'il a détachés ainsi de l'histoire générale de la France forment une période de désastres et de malheurs, à laquelle aucune autre ne pourrait peut-être se comparer dans la longue série des calamités humaines; mais, dans le même tems, la physionomie des chefs et celle des nations eurent quelque chose d'assez prononcé pour que la souffrance générale demeurât constamment dramatique. Peu d'actions vraiment grandes furent accomplies, peu de personnages vraiment héroïques fixèrent les regards; mais la France produisit une suite non interrompue de ces historiens naïfs et clairvoyans, de l'école de Froissart, qui savent vous faire assister à toutes les scènes qu'ils ont vues eux-mêmes.

Depuis saint Louis jusqu'à Charles V, la civilisation des classes diverses dont la nation se compose avait marché d'un pas inégal. L'industrie et la richesse s'étaient accrues dans les villes, sans que la société leur donnât de garanties; la population s'était augmentée dans les campagnes, sans que les paysans sortissent de servage; l'amour de la liberté s'était développé chez les bourgeois, sans s'animer par aucun patriotisme; les grands avaient pris le goût du faste et des folles dépenses, sans avoir acquis aucune culture d'esprit, sans qu'aucun sentiment moral les éclairât sur leurs devoirs, sans qu'aucun respect pour la propriété de leurs vassaux mît des bornes à leur prodigalité; l'autorité royale s'était affermie dans le royaume, qui avait atteint à peu près ses limites actuelles, sans qu'aucune constitution en réglât l'usage, sans qu'aucune sauvegarde fût

réservée au peuple, lors même que le roi se trouvait dans l'incapacité de gouverner lui-même, par sa minorité d'âge ou par sa démence. M. de Barante n'a point cherché à expliquer d'où venait ce désaccord entre les progrès nationaux, et ce n'est pas non plus notre affaire de le rechercher ici. Il nous place au milieu des convulsions de la société française, et nous met à portée de voir comment chacun y est froissé, chacun y est déchiré par les efforts et les mouvemens désordonnés de son voisin.

Dans les quatre volumes qu'il a publiés jusqu'ici, et qui formeront à peu près la moitié de l'ouvrage, le premier objet qui excite un vif intérêt, ce sont les guerres de Flandre. Les villes de cette contrée, plutôt réunies en corporations que celles du reste de l'Europe septentrionale, avaient dû à leur liberté précoce une grande supériorité d'industrie, de commerce et de population. Plus elles étaient riches, plus elles donnaient à leur seigneur la tentation de les dépouiller sans miséricorde. Les bourgeois, pour conserver leur industrie et leur propriété, sentirent le besoin d'avoir des droits et des pouvoirs politiques; le comte de Flandre et les nobles reconnurent de leur côté qu'il s'agissait pour eux, non d'argent seulement, mais de souveraineté et peut-être d'existence. La querelle s'engageait en Flandre entre l'ordre en possession de tout et l'ordre créateur de toute richesse, entre la noblesse et le peuple. Mais, dans toutes les villes de France, la bourgeoisie avait les yeux fixés sur la Flandre. C'était là que la révolution commençait; si elle s'y accomplissait, elle devenait générale en France, peut-être en Europe. La lutte fut gigantesque les bourgeois, qui avaient souvent manqué de prudence et de modération, comme d'expérience, dans l'usage d'un pouvoir nouveau, ne manquèrent du moins ni de constance ni de courage; ils se conduisirent en dignes champions des progrès de la civilisation et de l'affranchissement

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