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peuples qu'une décadence de plusieurs siècles semblait vouer à l'ilotisme plutôt qu'à la liberté.

Le commerce ne fait pas seulement la prospérité d'un peuple, il étend sa puissance, il fait sa force, il est l'àme d'un pays. Sans commerce, sans industrie, point de nationalité prépondérante, point de force politique possible, durable. L'histoire ancienne, du moyen âge et moderne est là pour nous prouver invinciblement la vérité de ce que nous avançons. Les fastes glorieux de l'Égypte, des peuples de l'Asie, de l'Europe n'ont pas eu d'autres sources; et pour preuve, l'anéantissement du commerce chez certains de ces peuples, jadis si puissants, a effacé leur nationalité sur la carte des peuples libres. Que sont devenues les riches et puissantes républiques de la haute Italie?-Par contre, nous voyons surgir sur la carte politique des peuples à qui le commerce et l'industrie donnent le sceptre que d'autres avaient si glorieusement conquis et qu'ils ont abandonné ou perdu. Qu'était l'Angleterre il y a quelques siècles? rien. Qu'est-elle aujourd'hui? presque la première puissance du monde. Qu'était l'Amérique septentrionale il y a seulement soixante ans? presque rien. Qu'est-elle aujourd'hui? une puissance qui se développe pacifiquement à l'ombre d'un commerce considérable, et qui aspire à devenir bientôt l'une des

plus riches, des plus heureuses et des plus imposantes du monde.

Nous n'avons pas besoin de nous étendre sur des considérations en pareille matière, elles tombent sous le sens de tout homme sérieux qui a étudié ou étudie la grande science de l'économie politique.

Avant d'arriver à l'origine de notre institution consulaire à l'étranger, nous allons remonter un peu à la source du commerce de nos villes maritimes pour constater le moment où cette institution est devenue nécessaire.

Le commerce que faisaient les habitants des Gaules avec le Levant, par l'entremise de Marseille, remonte à une très-haute antiquité, et reçut une activité importante au moment de la translation du siége de l'empire romain en Orient. Les villes de Narbonne et de Montpellier comptèrent au premier rang des villes marchandes. Après elles viennent Arles, Agde, Toulon, Antibes et Fréjus; mais toutes ces villes ne tardèrent pas à céder le trident des mers à Marseille, destinée par sa position à devenir le port le plus beau comme le plus commerçant de la Méditerranée.

Aussi longtemps que dura l'empire romain, les habitants de la Provence et du Languedoc trafiquèrent avec le Levant de plein droit comme ayant été déclarés citoyens romains par une loi de Caracalla. Ces

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provinces ne furent soumises au domaine des rois de France que fort tard, ce qui arriva seulement en fait pour la Provence, au mois d'octobre de l'année 1486, sous le règne de Charles VIII, et pour le Languedoc en 1364, par lettres patentes du roi Jean.

Suivant des historiens qui vivaient au milieu du vre siècle, le commerce que faisaient les Français en Orient était considérable, et les capitulations réglées entre Chilpéric Ier (564-584) et l'empereur Tibère II (578-582) pour les armateurs d'Agde et de Marseille, nous apprennent que les négociants français établis au Levant tenaient un rang important dans les Échelles de l'Orient (4).

Mézerai nous apprend également que nos rois tiraient du commerce que leurs sujets faisaient dans l'empire d'Orient de fortes pensions, et qu'on amenait de ce pays-là en France une grande abondance d'or et d'argent, comme aussi quantité de pierreries, de soie, de riches vêtements et ornements (2).

Dans le Levant, où les marchands et les navigateurs chrétiens étaient continuellement exposés à des vexations et extorsions de la part des autorités locales, à

(1) Daniel, Monument de la monarchie française, t. I, p. 10.

(2) Mézerai, Abrégé chronologique de l'Histoire de France, p. 118. Ad ann. 638.

des insultes et des outrages de la part des indigènes, le besoin impérieux de s'entourer de garanties et de précautions se fit sentir bien plus vivement qu'en Europe. Les villes indépendantes et les États souverains envoyèrent donc d'abord des officiers dans les ports ou villes de commerce d'Orient pour y veiller aux priviléges de la nation qu'ils représentaient, protéger le commerce et la navigation, et pour prononcer sur les différends entre les nationaux.

Ces officiers prirent le nom de consuls d'outre-mer ou de consuls à l'étranger; du moins c'est ainsi qu'on les désigna au moyen âge, sans doute à cause de la signification du mot consul, originairement latin (4), et qui veut dire conseiller, juger, statuer, assister, prendre soin, veiller, etc.

Quant à l'origine des consulats à l'étranger, elle ne peut être fixée d'une manière précise, et il est pour ainsi dire impossible d'affirmer quelle fut la nation qui créa le premier établissement consulaire; ce qu'il y a de certain, c'est que les premiers consulats furent établis dans le Levant.

La France, que sa position géographique et ses destinées appelaient à occuper le premier rang parmi

(1) Consulere.

les nations civilisées, fut une des premières à fonder ces établissements.

Sans chercher à établir dans la nuit de l'histoire si déjà vers le vin siècle, et même auparavant, lorsque les Provençaux se rencontrèrent dans les parages de la Palestine avec les armateurs de Venise et qu'ils y trouvèrent les marchands de Gênes, de Pise, de Florence et surtout d'Amalfi (1), nous avions des consulats, nous pouvons du moins avec orgueil hisser à notre pavillon la charte (2) d'Amaury, roi de Jérusalem et de Chypre, du 8 octobre 1180, qui accordait aux Marseillais le droit de trafiquer dans le royaume de Chypre sans payer aucun impôt. Certes, aucun peuple de l'Europe ne peut produire de priviléges aussi anciens; car ce ne fut qu'au siècle suivant que les villes maritimes de l'Italie obtinrent des concessions semblables.

(1) Une petite ville napolitaine, Amalfi, avait, dès le xr siècle déjà, devancé toutes les républiques d'Italie dans le commerce du Levant.

Les Amalfitains sont les premiers Italiens que les historiens annoncent s'être introduits dans la Syrie, la Palestine et l'Égypte, pour y porter des marchandises jusqu'alors inconnues dans ces pays.

Ce petit État fut, pour ainsi dire, étouffé avant d'avoir pris son développement, En 1137, une flotte armée par les Pisans, et envoyée par l'empereur Lothaire II, s'empara d'Amalfi, et cette place de commerce perdit, avec son indépendance, tout son lustre et toute sa considération. A l'époque des dernières croisades, il n'était déjà plus question d'elle. (2) On donnait autrefois ce nom aux lois ou rescrits qui concédaient des droits ou priviléges à des provinces ou à des particuliers.

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