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attend dans l'autre vie le personnage initié auquel sont présentés, comme gages de l'immortalité, ces symboles caractéristiques; et la circonstance remarquable que ces deux figures sont les seules, dans toute la composition, qui soient ainsi mises en rapport l'une avec l'autre, achève de donner à cette opinion toute la certitude possible. Le groupe que je viens de décrire occupe tout l'espace à droite, entre la porte d'entrée et la paroi latérale; à partir de là, on ne voit plus que des figures qui se suivent, comme dans une procession, sans relation entre elles, quoique par toute leur attitude et par le mouvement de leur tête, tantôt dirigée vers celle qui précède et tantôt tournée vers celle qui suit, elles indiquent suffisamment qu'elles font partie d'une même pompe funèbre. L'une porte une branche d'arbre, qui fait allusion aux dendrophories, dont il nous reste tant de monumens sur des sarcophages romains; une autre tient de la main gauche un calice, de la droite un præfericulum, vases consacrés aux libations bachiques et funéraires ; la troisième, qui tient pareillement un præfericulum, soutient de plus sur son épaule gauche un grand diota, renfermant la liqueur bachique, vase que l'on voit figuré sur les monumens qui représentent des sujets dionysiaques, et porté de même par un des suivans de Dionysus. Jusqu'ici nous n'avons vu probablement que des ministres subalternes du culte dionysiaque; la quatrième figure, qui marche dans le sens des précédentes, c'est-à-dire, à droite, en retournant la tête de leur côté, nous montre, dans ses deux bras levés devant elle, dans un riche collier qui lui descend sur la poitrine, et dans la chaussure singulière que j'ai décrite plus haut, un personnage d'un autre ordre et vraisemblablement étrusque, peut-être l'un des principaux ministres du culte représenté ici dans l'une de ses solennités nationales.

Les deux figures qui suivent, offrent, dans leur costume et dans leur attitude, des particularités encore plus remarquables. L'une, avec une barbe blanche, la tête coiffée d'une espèce de tiare ou de bonnet semblable à celui des Dioscures, pareillement peint en blanc, avec des ornemens rouges, et chaussée de brodequins rouges, est représentée dansant, dans un mouvement très-vif, la jambe gauche levée en l'air,

sur leur dos une ame humaine, sur un bas-relief sépulcral, de style grec, publié par Paciaudi, Monum. Pelopon. tom. I, p. 144; et ce bâton même n'est autre chose que la verge de Mercure Psychopompe, te caducée, sous sa forme antique et primitive, ainsi que l'a montré M. Böttiger, Vasengemäld. part. 11, p. 99-109; Amalthea, tom. 1, p. 109 suiv,

et tenant un calice dans la main gauche, tandis qu'elle a la main droite. levée en avant et ouverte. L'autre figure, qui est la dernière de ce côté de la grotte, est pareillement celle d'un vieux Satyre, à barbe blanche, coiffé du même bonnet, auquel est ajoutée ici une couronne, portant aux pieds la chaussure étrusque dont j'ai parlé, tenant de sa main droite une patère et une couronne suspendue, et dans la gauche deux autres couronnes. Le calice, la patère et les couronnes, objets propres aux pompes dionysiaques, ainsi que la danse qui les accompagnoit; attribués ici à des personnages que leur costume signale à nos yeux comme étrusques, offrent un nouvel et frappant exemple de ce mélange des usages grecs et étrusques que j'ai indiqué comme la particularité la plus remarquable de ces sépultures étrusques.

Le reste de cette procession, dont l'extrémité a le plus souffert des effets du temps et de l'humidité, n'offre que des répétitions des mêmes personnages bachiques, dans des attitudes variées, mais avec des attributs à-peu-près semblables. On doit cependant remarquer, dans le troisième côté de la grotte, celui qui fait face à l'entrée, deux figures de femmes, dont l'une, entièrement nue, avec un riche collier, est représentée dansant, les deux bras levés au dessus de sa tête ; l'autre, qui danse pareillement, les hanches ceintes d'une pièce d'étoffe rouge, sorte de vêtement que l'on voit à beaucoup de figures êtrusques des deux sexes, décorée d'un collier bleu, coiffée d'une tiare blanche avec des ornemens rouges, et, dans le mouvement pétulant qui l'agite, levant la jambe droite au-dessus d'un petit quadrupède assez grossièrement figuré, sur lequel se lit l'inscription étrusque AFPHLA. Ces deux femmes sont censées danser au son de la double flûte dont joue un personnage placé entre elles, le seul, dans toute cette pompe dionysiaque, qui nous offre cet instrument de musique si généralement employé sur les monumens grecs et romains.

(La suite au prochain cahier).

RAOUL-ROCHETTE.

PROCLI PHILOSOPHI PLATONICI OPERA, è codd. mss. biblioth. parisiensis nunc primùm edidit, lectionis varietate et commentariis illustravit Victor Cousin, professor philosophia. Parisiis, excudebat J. M. Eberhart, 1820, 1821, 1823; Firm. Didot, 1827, 6 vol. in-8.o, lxxx et 294, xxv et 340,

x et 291, ix et 284, 427 et 376 pages. (Librairie de Levrault, rue de la Harpe, n.° 80.)

QUOIQU'ON ait perdu plus de vingt ouvrages de Proclus Diadochus, il en reste assez pour donner une idée avantageuse de l'étendue de ses connoissances, de la variété de ses talens et de la vivacité de son imagination. Nous avons de lui des hymnes et quelques autres vers, des scholies sur Hésiode, une notice sur Homère, une dissertation sur la poésie; et d'une autre part, des livres de physique et de mathématiques, tels qu'un traité du mouvement, un tableau des positions astronomiques, dont M. Halma, en 1820, a publié le texte grec accompagné d'une traduction française; un commentaire sur Euclide, où l'on apprend qu'avant Euclide treize mathématiciens grecs avoient composé des élémens de géométrie. Mais Proclus est sur-tout connu par ses livres de métaphysique ou de philosophie générale, qui ont obtenu quelquefois de grands hommages et subi plus souvent des censures amères. Burigny, Brucker, Diderot, n'y ont vu qu'une fausse science, qu'un tissu de visions ou d'impostures: d'autres juges, comme MM. Tiedemann, Buhle, de Gérando, sans préconiser les doctrines de Proclus, ou même en les réprouvant, Jes ont déclarées dignes de l'attention des philosophes; et sans doute, quelque opinion qu'on en veuille prendre, elles appartiennent à l'histoire de l'éclectisme ou du syncrétisme.

Une institution théologique, où Proclus soutient deux cent onze propositions dont la plupart sont au moins fort obscures, et sa théologie platonique en six livres, ont été imprimées, en grec et en latin, dès 1618. Auparavant, on avoit mis au jour ce qui restoit de ses commentaires sur le Timée et sur la République de Platon. C'étoit là, sauf la version latine d'un autre livre que nous indiquerons bientôt, c'étoit tout ce que le public pouvoit connoître des écrits philosophiques de Proclus, lorsqu'en 1820 des extraits de ses scholies sur le Cratyle, conservés en des manuscrits de Rome et de Paris, ont été mis en Jumicre par M. Boissonade. M. Cousin achève aujourd'hui, dans les volumes que nous annonçons, la publication des œuvres de Proclus Diadochus, ou du moins de ce qu'il a été possible d'en retrouver. Ces six tomes renferment, 1.° une version latine, à défaut du texte grec, de trois livres intitulés de Providentiâ et fato, de decem dubitationibus circà providentiam, de subsistentiâ malorum, livres dont le premier seul avoit paru en latin; 2.° une partie considérable du commentaire grec

sur le premier Akibiade; 3. sept livres du commentaire sur le Parménide, avec un supplément au septième par Damascius.

L'éditeur a placé à la tête de ces divers écrits une préface générale qui, par d'ingénieux aperçus philosophiques et historiques, par une érudition variée, par un style entraînant et une élégante latinité, doit intéresser vivement plusieurs classes de lecteurs. L'histoire de la philosophie grecque y est divisée en trois âges, dont le premier commence à Pythagore, le second à Socrate, le troisième à Ammonius Saccas. M. Cousin a eu occasion d'exposer lui-même dans ce Journal (1) les détails que cette division embrasse. Il tient peu de compte des traditions orphiques de la Thrace, et de l'école ionienne de Thalès, qui ne s'est guère occupée que de physique. Il voit Orphée renaître dans Pythagore, chez qui d'ailleurs apparoissoit d'avance la partie la plus sublime de la philosophie platonique, c'est-à-dire, la conception de la vie universelle et le germe de la théorie des idées. Du sein de l'école socratique sortent les cinq grandes sectes que distinguent les noms de platoniciens, péripatéticiens, stoïciens, épicuriens et sceptiques. M. Cousin est persuadé qu'il devoit s'en former ainsi précisément cinq, ni plus ni moins, parce qu'il falloit ou n'apercevoir nulle part que des apparences et des illusions, ou n'accorder de réalité qu'aux objets physiques, ou se renfermer dans sa conscience personnelle, en niant ou méprisant toute autre existence; ou réunir en un seul corps de science le système intellectuel et le système de la nature externe, sans les dépasser ni l'un ni l'autre; ou enfin s'élever jusqu'à l'Unité intime et suprême, qui, à peine accessible à l'intelligence, embrasse et vivifie àla-fois le monde spirituel et le monde matériel: Unitatem interiùs reconditam, ideòque vix intellectu attingendam, quâ.... universus ille, quem spiritualem et materialem mundum vocant, vivit et continetur. L'une des cinq sectes, l'épicuréisme, s'exila en Italie et y acheva la corruption des maîtres et des esclaves; le scepticisme s'éteignit avec Sextus Empiricus: mais il restoit à concilier les trois philosophies de Zénon, d'Aristote et de Platon; ce fut l'entreprise des éclectiques d'Alexandrie, qu'on appelle aussi néo-platoniciens, parce qu'entre les trois doctrines qu'ils s'efforçoient de réunir, le platonisme prédominoit. Ce troisième âge, qui est aux yeux de M. Cousin celui de la maturité et de la perfection de la philosophie grecque, s'ouvrit à la fin du 11.° siècle de l'ère chrétienne, et reproduisit l'école socratique, mais rappelée à son unité primitive, mais enrichie des plus hautes théories de Platon, et

(1) Avril 1826, p. 215-220; juin, 323-329; juillet, 414-423.

C

rassemblant aussi, par le plus heureux choix, tout ce qu'il y avoit de grand et de pur dans les doctrines ou traditions orphiques, pythagoriques, égyptiennes et orientales. Tel s'établit l'éclectisme, presque au centre des trois parties de l'ancien monde, dans une ville qui étoit devenue la métropole des lettres et des sciences. Tel il repassa dans Athènes, près du tombeau de Platon, vers la fin du rv. siècle. Là, Syrianus, par ses leçons publiques, acheva d'instruire et de former Proclus, qui devint son successeur, diades. C'est ainsi qu'on a coutume d'interpréter ce surnom: toute fois, comme on lit en quelques manuscrits Siadónou пhatwving, M. Cousin pense qu'il pourroit fort bien désigner Proclus. comme le plus digne successeur de Platon lui-même. En effet, Proclus nous est ici représenté comme le prince de la philosophie éclectique, ou même, plus généralement, de la philosophie grecque ; rapprochant et éclairant l'une par l'autre toutes les connoissances humaines, grammaire, littérature, morale, métaphysique, géométrie, astronomie; réfléchissant avec éclat et sans confusion toutes les lumières qu'avoit jetées dans les divers âges le génie des plus habiles maîtres, depuis Orphée jusqu'à Iamblique (1); embrassant aussi dans sa vaste pensée toutes les doctrines théologiques, dans son cœur pur tous les sentimens religieux, et devenant ainsi, comme l'a dit son historien Marinus, le pontife du genre humain, l'hierophante de l'univers, το ὅλο κόσμο ἱεροφάντην.

M. Cousin admire sur-tout la méthode de Proclus, l'art avec lequel il a érigé ou réduit en science les vérités que la nature nous fait entrevoir ou pressentir. Les orientaux et les pythagoriciens ne les avoient retracées que sous le voile des mythes et des symboles. La forme du dialogue, employée par Platon, le dispensoit trop souvent d'exposer sa doctrine avec une précision parfaite. Aristote sut le premier enchaîner étroitement les conceptions de l'esprit humain: mais il écartoit celles qui résistoient à sa méthode rigoureuse; il retranchoit de la philosophie cette partie supérieure ou transcendentale qui s'élève au-dessus de toute sensation et de tout raisonnement; pars transcendentalis supra sensus et omnem dialecticam posita. Trouver une méthode applicable à de si hautes spéculations, étoit un bonheur réservé aux éclectiques, et particulièrement à Proclus; car, lors même qu'elle lui

(1) In quo coire ac fusis, nec promiscuis tamen, rad is effulgere mihi videntur, quacumque variis temporibus Græciam illustraveruns philosophicorum ingeniorum lumina, Orpheus videlicet et Pythagoras, Plato, Aristoteles Zenoque, Pletinus, Porphyrius atque Iamblichus.

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