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Les néo-platoniciens ont donné un double titre au dialogue de Platon dont nous venons de parler; ils l'ont appelé Axiádus o prízwv, i mei Αλκιβιάδης μείζων, qúows avopáπou, le grand ou premier Alcibiade, ou de la nature de l'homme. M. Cousin convient que ce dernier titre est apocryphe; mais. le Parménide a été plus justement qualifié Dialogue sur les idées; Пaquavidas # mei itav: il n'y est question, en effet, que du monde intellectuel, de l'essence intelligible des choses. Brucker ne voit dans ce livre que d'obscurs sophismes, que des futilités platoniques, Totus dialogus anfractuosâ disputatione obscurus, legendus ei est qui nugas platonicas accuratè intelligere cupit; et Batteux ne contredit ce jugement, qu'en soutenant que Platon, loin d'enseigner, dans ce dialogue, sa propre philosophie ou celle de Socrate, n'a voulu que montrer à nu les vains systèmes de l'école d'Élée, et les exposer au mépris des hommes judicieux. C'est à-peu-près l'opinion de Tiedemann, qui a donné une savante analyse du Parménide, et qui accuse les Alexandrins, sur-tout Proclus, de l'avoir fort mal compris. Quoi qu'il en soit, le commentaire que Proclus en a fait, remplit les tomes IV, V et VI de l'édition de M. Cousin, qui a le premier publié tant le texte grec, d'après les manuscrits 1810, 1835, 1835, 1837 de la Bibliothèque du Roi, que la version latine de Gogava, si toutefois ce nom de version convient à de simples extraits ou fragmens dont une copie manuscrite se conserve à Vienne.

Le commentaire de Proclus est divisé en sept livres, dont le premier nous paroît le plus instructif. C'est une sorte d'introduction, où certains détails historiques se joignent à des observations générales. On puiseroit dans cette préface quelques renseignemens sur l'école éléatique, sur les caractères qui la peuvent distinguer de celle de Pythagore, d'où elle semble sortie, sur les opinions que professoient Parménide et Zénon. d'Élée, et même aussi sur toutes les différentes branches de la philosophie grecque. Proclus y reconnoît trois écoles : l'italique, occupée des choses divines, intellectuelles et surnaturelles; l'ionique, livrée à l'étude de la nature; et l'attique, tenant le milieu entre l'une et l'autre, rectifiant la seconde et développant la première: μέσον δὲ ἀμφοῖν ἐν τὸ Ατζικὸν, ἐπανορθοῖ μὲν τὴν ἰονικὴν φιλοσοφίαν, ἐκφαίνει δὲ τὴν ἰταλικὴν θεωρίαν. Nous remarquerons aussi la distinction de trois dialectiques : l'une exerce l'esprit par des définitions, des divisions, des démonstrations; la deuxième l'établit dans la paisible contemplation du vrai; la troisième l'élève au-dessus de lui-même en le guérissant de toute indocilité. Mais cette préface est principalement destinée à exposer le dogme éléatique de l'unité: tout est un, et l'un est la cause de toutes choses;

tout est substance ou se substantifie, tout est ame ou s'anime, Dieu est en tout, et tout est en Dieu. L'un est immuable, éternel, incorruptible; il n'y a de variable que, l'autre, &c. Tel est, dans l'école d'Élée le fondement de toute science. C'est en théologie une sorte de panthéisme, qui n'est pourtant point, à ce qu'on assure, celui de Spinosa ; c'est, en idéologie, l'absolutisme, mais déduit, dit-on, d'observations psychologiques, par des méthodes exactes, semblables à celle d'Aristote, la plus recommandable de toutes, selon Proclus et M. Cousin.

L'explication proprement dite du Parménide de Platon commence au second livre de Proclus, où sont successivement transcrites, interprétées, paraphrasées, plusieurs lignes de ce dialogue, à partir des premières, É Avao... Elle se continue dans les cinq livres suivans jusqu'au morceau de Platon, Οὐδ ̓ ἄρα... διομολογητέα ταῦτα: οὐχ OUT; Nai; morceau qui demeure sans scholie, et qui ne dépasse qu'assez peu le premier tiers du Parménide; en sorte que, sur environ trente pages de texte, le commentaire en a huit cents. Une si longue paraphrase, où se reproduisent sans cesse, sous divers aspects, les doguies d'une métaphysique, sinon obscure, du moins transcendante, n'est guère susceptible d'analyse. Nous dirons toutefois que cette paraphrase est précieuse par les traits qu'elle ajoute à l'histoire de l'école d'Élée, par des remarques sur d'autres dialogues de Platon, et par des citations textuelles de plusieurs écrits antiques. En rapprochant du Parménide certaines idées exprimées par Platon dans le Timée, dans le Théætète, le Philèbe, le Phædrus, la République, &c., Proclus nous dispose à nous défier de l'opinion de Batteux, qui prétend, comme il a été dit plus haut, que Platon n'adoptoit point et qu'il méprisoit au contraire la philosophie éléatique. Ce commentaire met ou replace sous nos yeux un assez grand nombre de vers orphiques, d'oracles chaldaïques, de passages d'Hésiode, d'Homère, de Pythagore, de Parménide, de Zénon d'Élée, d'Empédocle, d'Héraclide de Pont, d'Héraclite, d'Aristote, de Théophraste, d'Eupolis, de Callimaque, &c. A l'égard de ceux de ces textes qui étoient déjà connus, on peut encore exaininer avec fruit comment Proclus les interprète, comment il les adapte à son système, et avec quelles variantes il les lit.

Un supplément à son septième livre commence aux mots du dialogue de Platon, Ŏpa ♪ is après, et en atteint la dernière ligne: καὶ φαίνεται τε καὶ ἐ φαίνεται. Αληθέςαλα; mais cette suite a peu d'étendue; elle est défectueuse, aride et confuse. Les manuscrits n'en nomment point l'auteur: on a supposé qu'elle étoit de Damascius, l'un des derniers syncrétistes, mort au VI, siècle; cela paroît fort douteux à

D

M. Cousin, ainsi qu'il l'a déclaré lui-même dans ce Journal (1)% Ce commentateur pourroit être un chrétien de l'un des siècles suivans; il cite Moise: καὶ δῆλον ἐκ τῆς κατὰ Μωσήν ἱςορίας, ὅπου λέλεκται τό, ἀφελῶ ἀπὸ τὰ πνεύματος τῇ ἐν σοί.

Ce supplément, et souvent aussi les sept livres de Proclus, auroient grand besoin de la double série de notes philologiques et philosophiques que M. Cousin avoit promis d'y joindre; mais il a recueilli les variantes de quatre manuscrits, il a proposé les leçons nouvelles que le sens paroissoit réclamer, il a fait remarquer les lacunes, il a fourni enfin les moyens d'étudier une partie considérable des écrits de Proclus, et de compléter, par ces nouveaux documens, l'histoire de la métaphysique d'Alexandrie. M. de Gérando a déjà fait cet usage du travail de M. Cousin, même avant la publication du sixième tome; et il en a témoigné sa reconnoissance à l'éditeur de Proclus, reconnoissance, dit-il, « qui doit être d'autant plus vive, que nous différons >> entièrement d'opinion sur le mérite intrinsèque de la philosophie des » nouveaux platoniciens. » On sent assez à quel point ces six volumes seront utiles à tous ceux qui étudieront l'histoire de l'esprit humain, et particulièrement aux personnes qui voudront traiter l'important sujet que l'académie des inscriptions et belles lettres a proposé pour le concours de 1829: L'exposition exacte du système de philosophie connu sous les noms de néoplatonisme, philosophie éclectique ou syncrétisme, &c. (Voyez notre cahier de juillet dernier, page 437.)

DAUNOU.

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LETTERS from the East, by John Carne, esq., of Queen's college, Cambridge. Lettres écrites du Levant, par Jean Carne, écuyer, du collège de la Reine, à Cambridge. Londres, 1826, xxiv et 593 pages in-8.

LES lettres contenues dans ce volume sont au nombre de vingt-sept, et l'auteur y a joint comme appendix la relation d'un voyage à Palmyre, qui lui a été communiquée par un de ses amis. Aucune de ces lettres ne porte de date, et M. Carne ne fixe lui-même nulle part l'époque à laquelle il a visité les divers lieux qu'il décrit; mais les faits qu'il

(1) Juillet 1827, p. 424.

raconte relativement à l'insurrection des Grecs, et à la guerre qui en a été la suite, pourroient servir à déterminer ces époques d'une manière assez positive, si la chose en valoit la peine. Il nous suffira de dire que notre voyageur se trouvoit à Constantinople lors des premières vengeances des Turcs contre les Grecs, et par conséquent en 1821, et qu'au moment où il s'embarqua pour Zante afin de retourner en Angleterre, Khourschid-pacha étoit à Argos, d'où il menaçoit Tripolizza et la Morée; événemens qui repondent à l'été de l'année 1822.

M. Carne s'embarqua d'abord à Marseille pour la capitale de l'empire ottoman, et de là il se rendit à Alexandrie, après s'être arrêté dans l'île de Chio et à Smyrne. En Égypte, après avoir vu le Caire et les Pyramides, il remonta le Nil jusqu'à Éléphantine et l'île de Philæ, visitant, soit en allant, soit en revenant, les antiquités et les lieux remarquables de la haute Égypte. De retour au Caire, il se rendit au mont Sinaï, et, dans une excursion aux environs du monastère, il fut pris avec ses compagnons de voyage par quelques Arabes Bédouins, et ils furent tous conduits au camp de ces Arabes. On ne les y détint pas long-temps; car, d'après un conseil tenu par divers schéikhs arabes du désert, ils furent mis en liberté, sans avoir éprouvé aucun mauvais traitement. Hasan, le chef bédouin par qui ils avoient été enlevés, se chargea de les reconduire lui-même à Suez, et de là au Caire. M. Carne ensuite ne tarda pas à se rendre de nouveau à Alexandrie. Là il s'embarqua pour la Palestine, et prit terre à Caïfa, d'où il alla à Saint-Jean d'Acre, puis à Tyr, à Béirout, au pays des Druzes, à Jafa, et enfin à Jérusalem. De Jérusalem, il visita tous les lieux que la religion et souvent le préjugé ont consacrés comme étant ceux où se sont passés les faits rapportés dans les livres de l'Ancien et du Nouveau Testament, et il poussa ses courses jusqu'au Jourdain et à la Mer Morte. Après être revenu à Jérusalem et y avoir séjourné plus long-temps qu'il ne se l'étoit proposé, parce que les routes n'étoient pas sûres, à cause de la guerre que se faisoient les pachas d'Acre et de Damas, il quitta enfin la ville sainte, et se rendit à Damas, en passant par Tibériade et Safet. De Damas il alla visiter les ruines de Baalbec; puis, traversant le Mont Liban, il vint pour la seconde fois à Béirout, où il s'embarqua pour l'île de Chypre. Cette île étoit alors le théâtre des cruautés que les Turcs exerçoient contre les malheureux habitans chrétiens. L'imprudence ou la jalousie des Grecs leurs compatriotes les avoit entraînés dans une révolte à laquelle jusque là ils avoient évité de prendre part, et avoit ainsi attiré sur eux des vengeances auxquelles ils ne pouvoient ni opposer une résistance utile, ni se soustraire qu'avec

beaucoup de peine par la fuite. Notre voyageur, après avoir parcouru l'intérieur de l'île, visita celle de Rhodes, d'où il se rendit en Grèce et vint débarquer à Navarin. De Navarin, il alla dans la Messénie, puis à Tripolizza, qui étoit alors au pouvoir des Grecs, et dont la prise avoit été signalée de la part des vainqueurs par les actes de la plus atroce barbarie. De Tripolizza M. Carne fit une excursion dans la plaine de Mantinée. Pendant son séjour à Tripolizza, l'arrivée de Khourschid-pacha à Argos jeta les plus vives alarmes parmi les Grecs; mais le séraskier n'ayant pas su profiter de la confusion où cette nouvelle avoit jeté les insurgés, qui n'avoient en ce moment aucun moyen de défense, et étant resté dans l'inaction à Argos, Colocotroni eut le temps d'accourir au secours de Tripolizza. M. Carne ne tarda pas à quitter cette ville; et ayant gagné la côte, il s'embarqua à un petit hameau du nom de Claranza, pour se rendre à Zante.

La lecture des Lettres écrites du Levant offre un assez grand intérêt ; mais c'est plutôt à cause des événemens dont l'auteur a été témoin, ou qu'il a entendu raconter sur les lieux mêmes où ils venoient de se passer, que sous aucun point de vue scientifique ou philologique. A cet égard, elles ne servent guère qu'à rappeler au lecteur ce qu'il a vu ailleurs avec plus de détail et d'exactitude. M. Carne ne paroît pas avoir apporté à son voyage les études préliminaires qui pouvoient le disposer à voir les lieux et les monumens avec cet intérêt qu'inspirent la connoissance et l'amour de l'antiquité. Aussi ce voyage ressemble-t-il à une promenade de distraction et de simple curiosité; et l'on y remarque avec regret, même sur les choses les plus ordinaires, des inexactitudes qui annoncent une légèreté impardonnable. C'est ainsi que Méhémet-Ali (ou plus exactement Mohammed-Ali), le trop fameux pacha qui gouverne aujourd'hui l'Égypte, est constamment nommé dans ses récits Mahmoud-Ali, et qu'au lieu de Déir-alkamar, nom du chef-lieu du pays des Druzes, il écrit toujours Délil-alcamar. De pareilles méprises, jointes au défaut absolu de dates, pourroient faire douter si l'auteur a effectivement visité les lieux qu'il décrit ; cependant la multitude de circonstances minutieuses et de petits faits individuels dont il sème son récit, et qui y tiennent la place qu'on aimeroit mieux voir remplie par des observations savantes ou par des applications utiles à des recherches d'histoire et d'antiquités, me persuadent que l'auteur a réellement voyagé dans les pays dont il parle. Je vais donc extraire de ces lettres quelques particularités qui peut-être auroient été négligées par un voyageur plus savant, mais qui, sous certains points de vue, ne sont pas sans intérêt.

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