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ouvrages écrits dans les anciennes langues de la Perse, et particulièrement les livres de Zoroastre qui peuvent se trouver entre les mains des Persans restés attachés à la religion de ce prophète. M. Schulz doit, dans cette vue, séjourner long-temps dans les provinces méridionales de la Perse, à Iezd et dans le Kirman, où les sectateurs de la loi de Zoroastre se trouvent encore en grand nombre. Il doit aussi, chemin faisant, rechercher et décrire les monumens et copier les inscriptions antiques qui peuvent se trouver dans les lieux les plus célèbres de l'ancienne Asie. Il est parti muni pour cet objet d'instructions très-amples, que j'ai été chargé de rédiger par les ordres de M. le baron de Damas.

Malheureusement les événemens politiques de l'Orient, et la guerre des Russes contre les Persans, ont apporté des obstacles à l'exécution de cette entreprise. M. Schulz n'a pu encore pénétrer sur le territoire persan, Après plusieurs tentatives infructueuses, il a été forcé de revenir à Constantinople, où il est arrivé au mois de novembre dernier. Il y a passé l'hiver, et il se propose actuellement de retourner en Asie.

Malgré ce contre-temps fâcheux, le voyage de M. Schulz n'a pas été sans résultat; je dois même dire qu'il a déjà, sous certains rapports, dépassé les espérances que l'on pouvoit en avoir,

M. Schulz a acquis à Constantinople, et durant son séjour dans l'Asie mineure et dans l'Arménie, l'usage facile et habituel des langues de l'Orient, ce qui a singulièrement favorisé ses recherches. Il a eu accès dans presque toutes les bibliothèques de Constantinople; et les notices qu'il m'a adressées, ainsi que les envois qu'il m'annonce, sont de la plus haute importance pour l'étude de la littérature orientale: on a appris par lui qu'il existe à Constantinople deux exemplaires de l'Histoire universelle d'Ibn-Khaldoun, dont on ne connoît en Europe que les Prolégomènes philosophiques. Cet historien, ce philosophe, ce publiciste, dont les ouvrages se distinguent par un esprit de critique, de discussion, rare chez les Orientaux, jouit parmi eux d'une haute estime et la mérite à tous égards. Lorsque les troubles qui agitent l'Orient seront apaisés, les indications de M. Schulz me fourniront, je l'espère, les moyens d'obtenir une copie complète de cet ouvrage (1). Quoique la guerre de Perse ait empêché jusqu'à présent M. Schulz de s'acquitter de la partie la plus importante de la mission honorable qui lui

(1) On peut voir dans le nouveau Journal asiatique, tom. I, pag. 68-84 et pag. 125-142, des fragmens considérables de la correspondance de M. Schulz, On y remarquera les détails qu'il donne sur les bibliothèques de Constantinople et sur les manuscrits d'Ibn-Khaldoun.

a été confiée, on verra par la lettre que je viens de recevoir de lui, et que je joins à cette notice, qu'il n'est pas resté oisif dans l'Arménie turque, où il a été forcé de s'arrêter, et qu'il a su y mettre son temps à profit.

Pour que l'on se fasse une plus juste idée des découvertes annoncées dans la lettre de M. Schulz, et des renseignemens que je placerai à la suite, je dois donner ici quelques notions préliminaires propres à en faire mieux apprécier le degré d'importance.

Parmi les diverses localités qu'il étoit prescrit à M. Schulz de visiter, pour y rechercher les restes des monumens antiques, étoit la ville de Van, située dans la partie centrale et la moins fréquentée de l'Arménie turque. Voici la partie des instructions données à M, Schulz qui est relative aux recherches à faire dans cette ville et dans ses environs. Après avoir achevé l'exploration de toutes les rives du lac d'Ourmi, » M. Schulz devra s'informer des moyens d'entreprendre une excursion » dans l'Arménie turque, jusqu'à la ville de Van, située à l'extrémité » d'un lac qui en porte le nom.

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» La ville de Van est ancienne: on fait remonter son origine à une » époque très-reculée; les Arméniens lui donnent le nom de Schamiramakert, c'est-à-dire, la ville de Sémiramis, et ils décrivent de grands et magnifiques monumens existant encore; et ce qu'ils en » disent présente de grands rapports avec les détails que l'on trouve » dans les auteurs grecs, sur les édifices élevés dans la Médie et » l'Assyrie par les ordres de Sémiramis. Les livres des Persans nous » apprennent que Tamerlan tenta, à la fin du XIV. siècle, de détruire » les antiques monumens de Van; mais la solidité et l'étendue de ces » édifices lassèrent les efforts de ses soldats. Les relations modernes » écrites.en langue arménienne font mention de statues et de monumens » antiques trouvés fréquemment dans l'intérieur de la ville de Van; ces » mêmes relations désignent particulièrement une vaste colline qui ≫ couvre toute la ville du côté du nord, comme le lieu qui contient le » plus de restes de l'antiquité. Elles parlent de colonnes, de statues et de » cavernes spacieuses taillées dans le roc, qui portent à leur entrée de » grandes inscriptions en caractères inconnus à tous les habitans du pays. » Il est très-vraisemblable que ces inscriptions sont en caractères cunéi» formes, et qu'elles sont celles mêmes qui, selon les auteurs anciens, » avoient été destinées à décorer les monumens élevés par Sémiramis. » Le nom et les souvenirs de cette reine d'Assyrie sont communs dans » ce pays parmi les Arméniens et les Curdes; plusieurs localités, et » un ruisseau qui se jette dans le lac, portent encore son nom. »

Ce fragment des instructions données à M. Schulz est le résumé des

renseignemens que les auteurs arméniens fournissent sur les antiques monumens de la ville de Van et du pays qui l'environne. Je vais faire connoître plus en détail quelques-uns de ces renseignemens.

L'historien de l'Arménie, Moïse de Khoren, qui écrivoit au v. siècle, et qui avoit vu les monumens élevés à Van par les ordres de Sémiramis, raconte fort longuement la fondation de cette ville (1), d'après les écrits de Maribas Catina, auteur beaucoup plus ancien, dont il rapporte souvent les propres expressions. Ce dernier historien, qui étoit Syrien de naissance, avoit composé son ouvrage cent quarante ans avant notre ère. J'abrégerai ici le récit de Moïse de Khoren ; je n'en conserverai que les circonstances qui se rattachent directement à l'objet qui m'occupe.

Moïse de Khoren raconte ainsi la fondation de Van. Il rapporte que Sémiramis, après avoir achevé la conquête de l'Arménie, se trouvoit avec son armée sur les bords du lac de Van: charmée de l'aspect enchanteur, de la douce température, de la riche verdure, de l'abondance et de la bonté des eaux du pays qui s'étend sur la côte orientale de ce lac, elle résolut d'y fonder une résidence royalé, et d'en faire son séjour d'été; elle choisit un bel emplacement sur la côte sud-est, doucement incliné vers le nord et bien arrosé; elle fit venir de l'Assyrie quarante-deux mille ouvriers, qui furent dirigés dans leurs travaux par six cents architectes, artistes habiles à tailler le bois et la pierre et à travailler le fer et l'airain. On commença par élever une immense esplanade, formée avec d'énormes quartiers de roche unis par un ciment de chaux et de sable: cette construction étoit si solide, qu'elle étoit encore intacte du temps de l'historien arménién. On n'auroit pu, ajoute-t-il, en détacher une seule pierre, tant le ciment étoit tenace; les pierres étoient si bien polies et si lisses, qu'elles n'avoient rien perdu de leur éclat.

Cette esplanade, sous laquelle on avoit ménagé de vastes cavernes, qui, au temps de Moïse de Khoren, servoient de refuge aux brigands du pays, se prolongeoit l'espace de plusieurs stades, jusqu'au lieu où étoit l'emplacement de la ville qu'on devoit fonder. Cette cité fut achevée dans l'espace de quelques années, environnée de fortes murailles, et ornée de portes d'airain; on y construisit plusieurs palais bâtis en pierres de diverses couleurs, couverts de belles terrasses; on y joignit des places publiques, des bains en quantité suffisanté ; des canaux distribuoient dans les différens quartiers et dans les jardins les eaux du voisinage. Beaucoup de bourgs furent élevés à droite et à

(1) Historia armena, lib. 1, cap. xv, p. 43-47, ed. Whiston.

gauche dans la campagne; on y fit de belles plantations en arbres fruitiers et en vignes, et l'on y attira une multitude d'habitans. L'historien arménien dit qu'il lui est impossible de décrire toutes les merveilles de cette ville. Il revient ensuite à la vaste esplanade dont il a déjà parlé: il dit qu'après l'avoir environnée des plus fortes défenses, Sémiramis y fit construire les demeures royales'; 'elle en rendit l'entrée et la sortie d'un difficile accès; on n'y pénétroit qu'à travers d'épouvantables cavernes. Moïse de Khoren ne sait comment ont pu être faites toutes ces constructions; mais c'est, ajoute-t-il, le plus beau et le plus grand monument des rois. La matière, continue-t-il, qui forme la face méridionale du monument, est si dure, qu'il est impossible de l'entamer avec le fer. Là se trouvent des temples, de vastes appartemens, des lieux propres à déposer des trésors, d'immenses souterrains on y voit une multitude d'inscriptions qui sont à elles seules un objet d'admiration; il semble que, pour les tracer, on ait connu le secret de rendre les pierres aussi molles que la cire. Sémiramis fit aussi élever des colonnes en son honneur; elle en fit placer dans beaucoup d'endroits de l'Arménie.

Cette description, qui paroît au premier abord fort romanesque, s'accorde avec les renseignemens que les écrivains modernes de l'Arménie donnent sur les monumens antiques qui existent à Van, et avec ceux qui ont été recueillis par M. Schulz.

Je joins ici la traduction du passage de la Géographie moderne de L'Arménie faite par le P. Luc Indjidjian, relatif aux antiquités de Van, ou de la ville de Sémiramis (1). Cette géographie, composée en arménien, a été imprimée à Venise en 1806.

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<< Au nord de la ville, dit-il, en ligne droite, est une très-haute > montagne de pierre; on ne pourroit en atteindre le sommet avec » une balle de fusil: c'est là que fut taillé et fondé le château imprenable de. Van, ouvrage de Sémiramis. Cette montagne est d'une pierre dure » d'un genre particulier; elle s'étend de l'ouest à l'est l'espace d'une >> heure de chemin : le pied de la montagne, du côté du midi, est » contigu aux murailles de la ville; c'est là qu'est le faubourg. Cette >> muraille et le château sont à une demi-heure de distance du lac. Le » côté extérieur de cette montagne, c'est-à-dire, celui qui est au nord » du côté de la plaine, est une hauteur très-escarpée, remplie d'énormes » rochers; les murailles ont été souvent détruites et reconstruites.

» On trouve dans l'intérieur de ce rocher, en cinq ou six endroits,

(1) Géographie universelle: Asie, tom. I.; grande Arménie, Arménie turque, pachalik de Van, pag. 138, 139 (en arménien ).

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» d'immenses cavernes creusées dans le roc par les anciens; les portes en » sont tournées du côté de la ville ou du midi. On voit d'autres cavernes » de l'autre côté de la montagne, c'est-à-dire, au nord; elles sont toutes » abandonnées maintenant : ce sont les excavations, les cavernes, les » souterrains dont parle Moïse de Khoren.

» Du côté du midi, on voit une ouverture taillée avec la plus grande » peine dans le marbre le plus dur, qui conduit à une très-belle » pièce dont le plafond est en forme de voûte; sur toute la longueur » de l'ouverture se trouvent des inscriptions dont les lettres sont » inconnues aux habitans; cette porte conduit jusqu'au centre ou au » cœur de la montagne. Il est fort difficile aux habitans d'y parvenir >> avec des échelles, soit qu'ils viennent par en haut de la citadelle, ou » par en bas de la ville. On trouve également, du côté du nord, vers le » bas de la montagne, trois ouvertures qui conduisent aussi à des » pièces dont les plafonds sont en forme de voûte: on voit également » sur ces portes des inscriptions en caractères inconnus aux habitans; » ce sont probablement les inscriptions en lettres anciennes tracées » par l'ordre de la reine Sémiramis, et dont parle Moïse de Khoren. Sur les côtés nord et sud de cette montagne de pierre, on a sculpté, en » divers endroits, de petites croix et des figures d'hommes. Il n'y a pas long-temps qu'en creusant dans l'intérieur de la ville, on a trouvé une » statue en pierre représentant un homme à cheval.

» Cette montagne et la forteresse n'ont pas d'eau; mais en temps de » paix, il existe un chemin facile par lequel on monte du pied de fa » montagne à l'occident près la porte Iskelé Kapousi; c'est par-là que » l'on porte l'eau nécessaire aux habitans du château: on y trouve une » source d'eau excellente qui s'écoule dans le lac; on voit auprès de »ce ruisseau de très-grands blocs de marbre qui sont abandonnés, » et une tour ruinée dans le voisinage; mais en plaine on trouve une autre source de bonne eau. »

Les monumens et les magnificences de la ville qui fut fondée en Arménie par Sémiramis selon le récit de Moïse de Khoren, rappellent les détails du même genre que Diodore de Sicile donne sur les édifices superbes élevés par cette princesse dans la Médie, ainsi que sur ses parcs délicieux ornés de montagnes sculptées ou taillées (1). La partie de l'Arménie qui comprend la ville de Van a été souvent confondue avec la Médie, dont elle est d'ailleurs voisine et dont elle a même porté le nom à quelques époques; et il seroit possible que

(1) Diod. Sic. lib. 11, pag. 126 et seq. ed. Wess.

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