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quelques-uns des monumens mentionnés par Diodore fussent ceux mêmes qui ont été décrits par Moïse de Khoren. Strabon parle aussi des grands travaux exécutés par Sémiramis, des vastes collines factices qu'elle avoit fait élever en plusieurs endroits de l'Asie (1), et notamment des villes qu'elle avoit fondées en Arménie et dans l'Asie mineure (2). Au reste, la renommée de Sémiramis est restée populaire en Arménie; la ville de Van n'a jamais cessé de s'appeler la ville de Sémiramis (3). Le nom et l'histoire de cette princesse ne sont pas non plus restés inconnus aux écrivains arabes: Masoudy en fait mention dans son Moroudj-eddheheb (4) ; il y parle de son mari Ninus (5), et des conquêtes qu'elle fit dans la partie de l'Arménie où se trouve la ville de Van, et il nomme plusieurs des cantons montueux qui environnent cette ville. Les détails qu'il donne paroissent avoir été empruntés à des auteurs grecs ou syriens qui nous sont inconnus; car la conquête de l'Arménie par Sémiramis est un fait qui ne se trouve pas dans les auteurs anciens que nous possédons. Nous en devons la connoissance aux écrivains arméniens seuls.

La célébrité de Sémiramis s'est perpétuée jusqu'à nos jours dans les mêmes régions, non-seulement parmi la population arménienne, mais encore chez les Curdes (6): les uns et les autres donnent le nom de Schamiramandchour ou Schamiramai-arhou, c'est-à-dire, l'eau ou le torrent de Sémiramis, à un cours d'eau fort considérable qui se jette dans le lac de Van, à une petite distance au sud-ouest de la ville du même

(1) Ils étoient appelés les ouvrages de Semiramis, καλεῖται Σεμιράμιδος ἔργα, dit Diodore, lib. 11, pag. 128. (2) Strab. lib. XII, pag. 529 et 537; XVI, pag. 737.(3) Le P. Luc Indjidjian a recueilli dans sa Géographie ancienne de l'Arménie, pag. 178-186, tous les textes originaux relatifs à cette ville Cette géographie, écrite en arménien, a été imprimée à Venise en 1822, 1 vol. in-4. Il en sera rendu compte dans un des prochains cahiers. — (4) Man. d'Outrey, de la Bibl. du Roi, tom. I.", fol. 96 recto et verso. (5) L'auteur arabe décrit brièvement les ruines de la ville de Ninive, dont il n'existoit plus de son temps, en l'an 332 de l'hégire (943-944 de J. C.), que les murailles et quel

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-Le fon . اصنام من حجارة مكتوبة على وجوهها ques statues décorées d'inscriptions بسوس ) نينوس list ( بن بالوس dateur de cette ville étoit Ninus, fils de las

سمیرم gna guarante ans; ce qui est تملك نينوا بعده أمراة اسمها

qui régna cinquante-deux ans. Le trône fut occupé après lui par sa femme Sa

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d'accord avec ce qu'on trouve dans la Chronique d'Eusèbe et dans les autres historiens anciens. — (6) Ակն . ջուր անուանի, զոր ՚ի սոյն շամիրամայ անուն · 4rk կոչին Հայք նաեւ քուրդք առ հասարակ ։ « Source et eau célèbres que les Armé»niens et même tous les Curdes désignent par le nom même de Sémiramis. » Indjidjian, Géogr. moderne de l'Arménie, en arménien, tom. II, page 160.

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nom. Je vois dans les notes de M. Schulz, qui a copié une inscription en caractères cunéiformes sur les bords de ce ruisseau, qu'il est appelé Schamiran-sou, ou l'eau de Sémiramis, par les musulmans du pays.

Les espérances que les récits des écrivains orientaux m'avoient fait concevoir n'ont pas été trompées, et les copies de quarante-deux inscriptions cunéiformes, relevées à Van et dans ses environs, et adressées par M. Schulz à son excellence le ministre des affaires étrangères, sont la meilleure preuve de l'exactitude des récits dont je viens de faire l'analyse.

Je vais transcrire ici en son entier la lettre dans laquelle M. Schulz rend compte lui-même de ses découvertes.

Constantinople, le 11 mars 1828.

<<< Je crains beaucoup que plusieurs lettres que j'ai eu l'honneur de » vous écrire ne se soient perdues, et en particulier celles que je vous ai » envoyées d'ici au commencement et à la fin du mois de mai 1827, »et avec lesquelles je vous adressois des notices sur les historiens » arabes Ibn-Asaker et Ibn- Khaldoun; une autre du 23 juin, où je » vous annonçois mon arrivée à Erzeroum, et enfin celle que j'ai expédiée le 16 juillet par un Tartare allant de Bitlis à Constantinople, » et que vous aurez trouvée par trop longue pour une lettre écrite au » milieu des camps et des troubles du Curdistan. A mon retour à Constantinople au mois de novembre, j'y ai trouvé tout le monde » dans une telle consternation et tellement occupé des préparatifs du » départ, que je n'ai jamais pu savoir si l'on y a eu le soin d'expédier » mes lettres pour Paris, et si l'on en avoit reçu pour moi.

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» Par ma lettre d'Erzeroum, que j'ai quitté le 29 juin 1827, j'ai » eu l'honneur de vous annoncer mon départ pour le Curdistan : dans » l'état où se trouvoit alors la Perse, j'aurois cru manquer à mon » devoir si je m'étois rendu à Tauris pour y être condamné à une » inactivité complète, ou tout au moins pour y être spectateur oisif » de la marche et des opérations des armées. Conformément à mes >> instructions, j'ai regardé comme but principal de mon voyage dans >> le Curdistan, l'exploration des rives du lac de Van, et la découverte » des monumens antiques qui, d'après les indications données par les » auteurs anciens, devoient s'y trouver. Ma lettre de Bitlis vous aura » appris qu'au milieu du mois de juillet, je me trouvois déjà entouré » de toute part de guerres et de batailles curdes, qui ne me laissèrent » d'autre choix que de chercher le chemin de Van à travers les » hordes des Haideranlus, des Djellos, des Mahmoudis, des Sipéghis,

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» en guerroyant moi-même dans toute la force du terme. J'ai bien fait de ne pas avoir essayé de voyager dans le Curdistan habillé en derviche, » comme quelques amis mal instruits m'avoient conseillé de le faire : >> j'aurois bien souvent eu occasion de trouver funeste ce conseil. Après » avoir visité Khunuz, Ghumghum, l'admirable montagne de Bin gheul, » Mouch et Bitlis, je me suis dirigé par la plaine de Souvar sur le lac, » dont j'ai longé les rives, en passant par Toukh, Tadwân, Akhlath » et Aldjéwas. J'ai fait le trajet, du lac dans une des détestables » mahoues d'Aldjéwas, et je suis arrivé à Van le 24 juillet, reçu de la » manière la plus amicale par le pacha, pour lequel j'avois de très-fortes » lettres de recommandation du séraskier pacha d'Erzeroum. Vous apprendrez probablement avec plaisir que l'espoir que nous avions » conçu de trouver des monumens de Sémiramis sur les bords du » lac de Van, n'a point été trompé. Le grand nombre d'inscriptions » en caractères cunéiformes que j'ai découvertes à Van et dans ses » environs, et dont j'envoie aujourd'hui une copie à son excellence le » ministre des affaires étrangères, vous prouvera quel rôle le château » de Van et ses alentours ont dû jouer dans l'histoire de l'ancienne » monarchie assyrienne. Le système d'écriture cunéiforme est, sur tous » ces monumens, tout-à-fait différent de celui que nous présentent les inscriptions trilingues persanes, et de celui des briques de Babylone. » Parmi les quarante-deux inscriptions que j'envoie à Paris, vous n'en >> trouverez qu'une seule qui appartienne aux systèmes connus en Europe. » Elle est moderne, s'il est permis d'appeler ainsi une inscription en » langue zende, assyrienne et mède, taillée dans le rocher du château » de Van par ordre de Khschéarscha, fils de Daréiousch (Xerxès, fils de Darius). Je me suis donné beaucoup de peine pour relever chaque >> caractère avec la plus grande exactitude. Si, dans l'analyse que vous >> en ferez, vous rencontrez, notamment dans les phrases parallèles, >> des différences dans certains caractères, ne croyez pas que ce soient des » erreurs du copiste: ces différences m'ont aussi frappé; elles sont sou» vent fort intéressantes pour nous aider à fixer la valeur d'un caractère, » comme vous remarquerez cela, par exemple, dans les trois tables du » côté nord du château, que j'ai placées sous les n.° 13, 14 et 15, et >> qui toutes donnent la même inscription, seulement avec ces différences » d'orthographe. J'ai attendu jusqu'ici, de jour en jour, et avec la plus » vive impatience, l'arrivée d'un bâtiment sarde de Trébisonde, ayant » à bord une partie de mes papiers, dont j'aurai besoin pour achever » un mémoire que je prépare pour vous, et dans lequel je donne tous » les détails concernant les localités où j'ai relevé les inscriptions. Pour

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» ne pas vous faire attendre ces notices, qui pourroient peut-être vous » être de quelque utilité dans vos recherches, j'enverrai par le prochain >> courrier ce mémoire, tel que je l'ai écrit à l'aide des notes qui se trouvent » entre mes mains dans ce moment. Vous recevrez déjà aujourd'hui les » inscriptions, parce que la pensée que, dans quelque crise extraordi»naire, elles pourroient se perdre, me seroit bien pénible, d'autant >> plus que leur perte, j'ose le dire, seroit irréparable. Il a fallu bien » des circonstances heureuses pour avoir pu les relever toutes, et probablement il se passera bien du temps avant que l'on rencontre » dans le Curdistan un Isaak-pacha, dont la confiance et l'amitié > entière m'ont permis de pénétrer dans des endroits que, dans d'autres >> circonstances, il m'auroit été impossible d'aborder, et qui, comme » le château de Van, ont été auparavant inaccessibles pour tout étranger » sans exception. En retournant à Erzeroum, j'ai suivi les bords du » lac par Awanz, Berghiri et Ardjisch, où le fameux rocher aux serpens » (Ilantach) m'a offert deux inscriptions dans le genre de celles de >> Van: de là je me suis rendu par Norschin et Taschkent à Melezgherd » et à Daher, pour relever près de ce village curde une magnifique

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inscription de trente-sept lignes, aussi bien conservée que si elle » étoit écrite d'hier. Aussitôt après mon arrivée à Erzeroum, au mois » d'octobre, j'ai demandé à Ghalib-pacha mes papiers pour continuer » de suite ma route pour Tauris. Il crut devoir me les refuser, en me » représentant l'impossibilité où je serois de passer la frontière dans un » moment où les Russes venoient de prendre Erivan, et où les Curdes >> avoient coupé toutes les communications de la Turquie avec la » Perse. Ne voulant pas non plus prolonger sans nécessité mon séjour » à Erzeroum, où la peste faisoit tous les jours les plus terribles » ravages, je pris la résolution de me rendre de suite dans la Perse méri» dionale, en passant par Constantinople, Alep et Bagdad, seule route » ouverte à cette époque, celles de Diarbékir et de Mossoul étant depuis long-temps impraticables même pour les Tartares du gouvernement. » Allant par terre avec un Tartare, je n'ai mis que quinze jours pour aller » d'Erzeroum à Constantinople, quoique la peste, qui dévastoit tout le » pays d'Erzeroum jusqu'à Tokat, m'ait forcé de passer par la route dé>> tournée de Trébisonde, et de là par des chemins détestables le long » de la superbe côte de la Mer Noire, par Kérasonte, Uniéh, Tchar» chambé et Samsoun, d'où j'ai repris enfin la grande route de poste » par Marzy wan,, Osmandjik, Tosia, Boli et Ismid. Je suis arrivé à Constantinople au moment le plus défavorable, au moment même » de la consternation générale qui y avoit été produite par la nouvelle

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» de la bataille de Navarin. Au premier instant, je comptois partir avec » l'ambassadeur de France; je suis resté en attendant de jour en jour un » malheureux bâtiment sarde, auquel j'avois remis mes effets à Tré» bisonde pour pouvoir aller plus vîte moi-même. Il n'y a que cinq jours » que j'ai reçu la nouvelle qu'il va enfin arriver de Sinope, où, jeté par » une tempête, il avoit éprouvé des difficultés de la part du mousselim, » qui l'avoit retenu sous le prétexte qu'il étoit anglais; on a été obligé » de lui expédier d'ici un nouveau firman. Ayant ainsi, au milieu des » scènes de malheur provoquées par le départ des ambassadeurs, passé » le plus triste hiver à Péra, je crois enfin être au terme des contrariétés >> que j'ai éprouvées la première année de mon voyage en Asie. La fin » de la guerre de Perse me permettra de me rendre directement d'ici » à Tauris : j'attends pour cela que le temps se remette un peu; car les » chemins de l'Asie sont en général détestables dans cette saison. De » la part des Turcs, je n'éprouverai probablement aucune difficulté » pour obtenir les papiers nécessaires, et je compte pouvoir vous annon» cer, dans les premiers jours du mois d'avril, mon départ pour Tauris. » Je me propose de visiter pendant l'été prochain les bords du lac d'Our» miah, et de me rendre par le Curdistan persan, notamment par » Hamadan et Kirmanschah, dans la Perse méridionale, et à Iezd, lieu » principal de ma destination.

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La lettre de M. Schulz annonce, comme on le voit, un mémoire plus détaillé, sur les inscriptions et les monumens antiques de Van. Ce mémoire ne m'est pas encore parvenu: dès qu'il sera entre mes mains, je m'empresserai de le communiquer à l'académie, et de lui faire connoître toutes les circonstances de ces belles et grandes découvertes.

Les inscriptions relevées par M. Schulz à Van et dans ses environs, sont presque toutes sculptées sur les flancs des rochers qui forment la vaste esplanade sur laquelle se trouvoient les édifices somptueux et les demeures royales de Sémiramis, remplacés par la forte citadelle de Van. Plusieurs de ces inscriptions viennent des cavernes mentionnées par Moïse de Khoren. Ce sont ces mêmes inscriptions qui étoient, il y a quatorze siècles, l'objet de son admiration. Plusieurs d'entre elles sont d'une fort grande dimension et placées à une très-grande hauteur. M. Schulz en a copié une qui contient quatre-vingt-dix-huit lignes et plus de quinze mille caractères; quelques-unes en contiennent sept, huit, dix et douze mille. On doit juger, par ce rapide exposé, du zèle et de la patience qui étoient nécessaires pour surmonter tant de difficultés et achever un tel travail; il falloit, pour y parvenir, tout le dévouement de M. Schulz.

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