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Qui, paisible tyran de la Grèce abattue,
Partage à notre vue

La plus belle moitié du RÈGNE des Césars.

Je puis assurer que le mot RÈGNE, dans cette acception, n'est pas un latinisme de notre célèbre lyrique; la langue des troubadours et celle des trouvères l'avoient employé pour désigner un royaume.

Voici deux exemples de l'un et de l'autre idiome; je pourrois en fournir un très-grand nombre.

Qu'el lo met' al REGNE celestial. (Jean ESTÉVE: aissi.)

(Qu'il le mette au royaume céleste).

Conquistar lo REGNE de Paradis. (Liv. de Sydrac.)

(Conquérir le royaume de Paradis).

On lit dans le roman de Rou:

Qui ne m'a pas conte tenu

De mon REGNE qu'il a eu....

El rei rendi son REGNE,

N'en volt aveir jornée.

Voilà donc le mot règne de REGNum latin anciennement employé

dans les deux idiomes.

M. Nodier est tombé dans une erreur évidente lorsque au mot letne il a dit:

« LETTRE. s. f. Il est aussi masculin au plurief dans ce solécisme de >> chancellerie : lettres royaux, »

« Auguste ne put pas donner le droit de cité à un mot fort élégant. >> Chilpéric ne put pas faire recevoir quatre lettres fort utiles à notre » abécédaire; mais les vieux barbarismes se perpétuent tant qu'on veut.»

Le mot LETTRE a toujours été féminin au pluriel comme au singulier. Mais ROYAL, comme tous les adjectifs venant des adjectifs latins en ALIS, étoit invariable, c'est-à-dire, des deux genres dans les idiomes des troubadours et des trouvères, ainsi qu'il l'étoit dans la langue latine. Je crois avoir suffisamment expliqué cet accident grammatical, soit dans ma Grammaire comparée des langues de l'Europe latine, pag. 100 et 101, soit dans les articles insérés dans ce journal. Quelques nouveaux exemples de l'ancien idiome français convaincront sans doute M. Nodier. De majesté Royal ou IMPERIal. (MONSTRELET, t. I, fol. 5o.) « Et la voie Royal qui d'icelle ville va à Paris. » ( MONSTRELET, tom. I, fol. 134.)

« De laquelle ordonnance furent faites lettres ROYaux et signéespar notaires.» (MONSTRELET, tom. I, pag. 156.)

Le roman du Renard avoit dit, tom. III, pag. 227.

Et puis lut les lettres ROIax.

dans

J'avois fait plusieurs autres observations semblables sur l'Examen des dictionnaires; mais il aura suffi d'indiquer à M. Nodier qu'il y a, son ouvrage, quelques articles à revoir et à corriger, et j'aime mieux en revenir aux éloges que mérite en général, et sous plusieurs rapports, cet utile et intéressant travail sur la langue française.

M. Nodier peut aisément l'augmenter et l'améliorer, et je l'invite à rentrer dans la carrière.

En lisant l'Examen critique des dictionnaires avant de connoître la préface, j'ai été un peu scandalisé du style, épigrammatique, du ton leste que l'auteur semble avoir affecté en quelques articles: ce n'est pas qu'on exige d'un lexicographe, d'un grammairien, une gravité pédante qui craigne de se dérider et de se permettre un bon mot; mais sunt certi denique fines.

כל

Dans la préface j'ai ensuite remarqué ce passage:

<< Une objection de plus de valeur contre cette publication, c'est la » forme à demi facétieuse, à demi hostile, de ces dissertations de quelques » lignes, où je n'ai pas toujours eu le loisir d'être pofi. Cette méthode » d'analyse, ou goguenarde, ou acerbe, me paroît fort contraire aux » bienséances de la critique, et nul écrivain, dans toute sa carrière » littéraire, ne s'est montré plus éloigné que moi de ce genre d'in» convenance qui répugne à mon caractère, et qui s'accommode très» mal d'ailleurs à l'allure sérieuse de mon esprit; mais j'ai déjà dit que » ces notes n'avoient été d'abord écrites que pour mes propres études, > et je n'ai pas voulu, en les mettant au jour, me faire fallacieusement ≫meilleur que je suis, »

Cette déclaration ne m'a point désarmé: j'estime assez M. Nodier pour croire qu'il s'est fait illusion. Il n'étoit nullement obligé de se faire juger par ses lecteurs sur des traits malins et des sarcasmes plaisans, échappés dans le premier jet de la composition; il lui a été permis de les penser, mais il y a quelque inconvenance à les publier, quand c'est sans utilité, sans intérêt pour la science.

Ce qu'il dit pour sa justification ou pour son excuse, prouveroit que, comme Boileau, M. Nodier

Fit sans être malin ses plus grandes malices.

Je le crois assurément, parce que je connois la bonté et l'amabilité de son caractère; mais, cette fois, je crains que son cœur n'ait été la dupe de son esprit.

RAYNOUARD.

MEMOIRES de l'Académie royale des sciences de l'Institut de France, années 1816 à 1824; tomes I, II, III, IV, V, VI, VII, in-4. Paris, Firmin Didot, rue Jacob, n.o 24.

SECOND ARTICLE.

DANS l'article précédent, nous avons examiné les mémoires compris dans la partie physique des deux premiers volumes du nouveau recueil de l'Académie royale des sciences. Dans celui-ci, nous nous proposons d'examiner les mémoires compris dans les tomes suivans. Mémoire sur la combinaison de l'oxigène avec l'eau, et sur les propriétés extraordinaires que possède l'eau oxigénée, par M. THÉNARD.

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Ce travail n'occupe pas moins de 104 pages; mais les faits qu'il renferme justifient, par leur nouveauté et leur importance, les détails avec lesquels ils sont exposés. C'est au reste ce que nous espérons démontrer à nos lecteurs dans le compte que nous allons en rendre.

La découverte de l'eau oxigénée a fait une sensation d'autant plus vive dans le monde savant, qu'elle étoit moins attendue ; en effet, en remontant de l'époque où elle fut connue, jusqu'à l'année 1781, où le célèbre Cavendish prouva que l'eau est un composé d'oxigène et d'hydrogène, et non un corps simple, comme on le croyoit alors, on ne trouve aucune expérience qui conduise à penser que ces mêmes élémens sont susceptibles de s'unir en une autre proportion que celle où ils constituent l'eau; d'un autre côté, lorsqu'on voit les nombreuses ⚫opérations au moyen desquelles M. Thénard a obtenu l'eau oxigénée, les précautions qu'elles exigent pour être exécutées avec succès, on conçoit bien que cette découverte n'a point été le résultat du hasard, qu'elle a dû au contraire être le fruit de recherches extrêmement laborieuses.

Pour se procurer l'eau oxigénée, on neutralise une certaine quantité d'acide hydrochlorique par du deutoxide de barium. Il en résulte de l'hydrochlorate de protoxide de barium et de l'oxigène, qui, en s'unissant avec une portion de l'eau au milieu de laquelle les corps réagissent, donne naissance à de l'eau oxigénée. On précipite le protoxide de barium par l'acide sulfurique, et l'on neutrálise de nouveau la liqueur par du deutoxide de barium. En répétant plusieurs fois ces opérations, on finit par obtenir un liquide composé d'eau, d'eau oxigénée et d'acide hydrochlorique, dans lequel on verse du sulfate d'argent, afin de substituer à l'acide hydrochlorique l'acide sulfurique, dont on se débarrasse ensuite

au moyen de la baryte: on a alors un liquide formé d'eau et d'eau oxigénée; en l'exposant avec une capsule d'acide sulfurique sous un récipient où l'on fait le vide, l'eau, plus volatile que l'eau oxigénée, s'évapore, et celle-ci reste à l'état de pureté.

M. Thénard, ayant analysé l'eau oxigénée avec le plus grand soin, a trouvé qu'elle contient sensiblement deux fois plus d'oxigène que l'eau; de sorte que, celle-ci étant représentée par un volume d'oxigène et deux volumes d'hydrogène, l'autre l'est par deux volumes d'oxigène et deux volumes d'hydrogène.

L'eau oxigénée est limpide comme l'eau: mais elle en diffère par sa densité, qui est environ une fois et demie plus grande; par sa propriété de conserver sa liquidité à 30 degrés au-dessous de zéro; par un goût astringent, qui a quelque chose de métallique; par son action sur l'épiderme, qu'elle blanchit, et par son action sur la peau, qu'elle irrite à la manière d'un sinapisme.

L'eau peut être exposée à la chaleur la plus élevée de nos fourneaux sans se décomposer; il n'en est pas de même de l'eau oxigénée : à 20 degrés, elle commence à perdre de l'oxigène; et si l'on en exposait brusquement quelques grammes à une température de 100 degrés dans un vase étroit, la décomposition seroit assez rapide pour produire une explosion."

De la facilité avec laquelle l'oxigène se sépare de l'eau oxigénée, on conclut que celle-ci pourra, dans beaucoup de cas, agir sur les corps en leur cédant de l'oxigène. C'est ce qui arrive avec l'arsenic, le molybdène, le sélénium, le zinc, &c., avec les protoxides de barium, de manganèse, de fer, d'étain, de cobalt, avec l'acide arsenieux, ainsi qu'il étoit facile de le prévoir d'après la tendance qu'ont ces substances à absorber l'oxigène. Mais on ignoroit, avant le travail de M. Thénard, que la strontiane, la chaux, le deutoxide de cuivre, sont, comme les précédens, susceptibles de passer à un degré supérieur d'oxigénation.

On pouvoit encore prévoir, d'après les faits connus, qu'il y auroit des corps qui rendroient l'eau oxigénée plus stable en se combinant avec elle, tandis que d'autres n'exerceroient sur elle aucune action sensible. C'est aussi ce que M. Thénard a observé. Tous les acides en général qui ont des affinités énergiques, et qui d'ailleurs ne sont pas susceptibles d'absorber de l'oxigène, donnent à l'eau oxigénée plus de stabilité. Par exemple, de l'eau oxigénée dissoute dans l'eau qui commence par l'action d'une certaine température à dégager des bulles d'oxigène, cesse d'en donner dès qu'on y ajoute un peu d'acide phosphorique, d'acide hydrophtorique, d'acide sulfurique, d'acide hydro

chlorique, d'acide arsénique, d'acide oxalique, &c. Il faut neutraliser l'acide pour que le dégagement recommence, ou bien élever la température. Les acides carbonique et borique, à cause de leur foible acidité, n'ont point d'action; ils se comportent en cela comme la silice, l'alumine, l'oxide de chrome, le deutoxide d'étain, &c.

Si l'histoire de l'eau oxigénée se bornoit à des faits analogues à ceux dont nous venons de parler, la découverte de ce composé n'auroit rien présenté qui ne rentrât naturellement dans ce qu'on connoissoit antérieurement; mais il en est autrement: l'eau oxigénée qui touche Fargent, le platine, l'or, le plomb, &c. suffisamment divisés, le protoxide de plomb, les péroxides de manganèse, de cobalt, de fer, &c., se décompose plus ou moins rapidement, sans que le corps qui détermine ce résultat éprouve de changement dans son poids, ni dans aucune de ses propriétés physiques ou chimiques. Pour sentir toute l'importance de ce fait, il n'est pas inutile de revenir sur la manière dont on explique les actions chimiques, en tant qu'on les fait dépendre d'une force appelée affinité, qui sollicite les molécules des différens corps à s'unir ensemble pour constituer des composés chimiques.

Lorsque nous examinons une matière composée, par exemple un corps binaire solide, nous ne pouvons apercevoir aucune partie qui soit différente du reste de la masse il nous paroît non-seulement homogène, mais encore les propriétés que nous pouvons lui reconnoître au moyen de nos sens diffèrent plus ou moins de celles des élémens qui le constituent. Ce que nous disons de ses propriétés physiques est applicable à ses propriétés chimiques; c'est-à-dire que nous ne pouvons admettre qu'une de ses parties séparées mécaniquement des autres se comporte dans ses actions chimiques autrement que celles-ci, ni que le composé se comporte absolument comme le feroient ses élémens si ceux-ci agissoient isolément. C'est donc cette homogénéité de toutes les parties dans lesquelles on peut réduire mécaniquement un composé solide, qui distingue ce composé d'un simple mélange de différens corps; car, en supposant que ces corps fussent suffisamment divisés pourêtre mélangés uniformément à la vue, il est aisé de concevoir des opérations absolument mécaniques au moyen desquelles on les sépareroit les uns des autres: telle seroit l'agitation du mélange dans un liquide, si les corps différaient suffisamment en densité pour qu'il y en eût qui restassent en suspension plus de temps que les autres; telle seroit encore l'action d'un barreau aimanté que l'on promeneroit dans un mélange formé d'un corps magnétique et de corps non magnétiques; le premier, en s'attachant à l'aimant, se trouveroit ainsi séparé des autres.

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