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» Richard, avoit été négligé. Charle le Chauve avoit donné à Boson le » comté d'Autun, &c. » A ne considérer que la construction de la phrase, ce seroit Charles le Chauve qui auroit donné sa sœur et obtenu des faveurs, tandis qu'on veut dire que Boson a été récompensé libéralement de sa complaisance.

Ce que nous avons dit des chroniques du x. siècle et des deux suivans, annonce assez qu'on ne peut en espérer de résultats bien positifs et bien uniformes relativement aux deux Rodolphe ou à l'unique Raoul. Toutefois M. Guillon, en rapprochant ces récits avec beaucoup de sagacité, et en les disposant dans l'ordre chronologique, en tire un des argumens les plus plausibles qu'on puisse alléguer en faveur de son opinion. C'est que, durant douze ans, les deux princes → ne paroissent qu'alternativement sur la scène historique ; qu'on ne les y voit jamais tous deux à-la-fois ; qu'ils s'y succèdent tour-à-tour, à-peuprès comme Castor et Pollux dans le ciel; ce qui doit sembler une forte présomption d'identité, sur-tout lorsqu'on observe qu'ils meurent à la même époque ou peu s'en faut. Cependant nous avons vu qu'ils ont assisté ensemble à une conférence, si le texte de la chronique dite » de Flodoard n'a pas été interpolé; et nous pourrions ajouter qu'à ne consulter que la grande table chronologique du tome VIII de la Collection des historiens de France, on trouveroit plus d'une fois ces deux princes figurant, l'un comme l'autre, dans une même année, dans une même saison. Mais il convient de dire que les dates recueillies dans cette table sont telles que les présentent les différentes chroniques, qu'un même fait s'y reproduit quelquefois sous deux ou trois années diverses, qu'elles n'offrent ainsi que les élémens d'une chronologie définitive: toujours s'ensuit-il qu'on ne sauroit dater d'une manière assez précise et assez sûre les actions de Rodolphe II et de Raoul, pour reconnoître qu'elles ne coïncident jamais aux mêmes mois et aux mêmes jours. A l'égard de leur mort, les chroniques paroissent indiquer le 15 janvier 936 (ou plutôt 937) pour celle de Raoul, le 27 ou 28.décembre 936 pour celle de Rodolphe II: afin de rapprocher un peu plus ces dates, et de ne laisser entre elles qu'une distance d'environ quinze jours, M. Guillon veut que Raoul meure le 13 ou le 12 janvier, au lieu du 15..

L'auteur cherche ensuite dans les chartes de nouvelles preuves du sentiment qu'il soutient, et en examine vingt-une que les bénédictins ont attribuées à Rodolphe, roi de France, sans en réserver une seule au roi de la Bourgogne transjurane. Il les juge mal copiées, révoque en doute l'authenticité de quelques-unes, et se plaint de ce qu'on a, dans

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le Recueil des historiens de France, supprimé les monogrammes qui auroient servi à montrer l'identité des personnages. Il la trouve au reste assez établie par les titres que prend le prince qui signe ces diplomes; par exemple: Rex Francorum, Aquitanorum et Burgundionum invictus, pius, inclitus et semper Augustus. Celui qui n'auroit été que roi de France se seroit-il qualifié rex Burgundionum! Le titre même d'Augustus n'appartenoit alors, selon M. Guillon, qu'à ceux qui regnoient sur une partie de l'Italie. Ce point pourroit être contesté, et il n'est pas démontré non plus que ceux de ces diplomes qui sont datés seulement par années de règne, et non par années de l'ère chrétienne, doivent se rapporter à l'espace de temps compris entre 911 et 923, quafid Rodolphe II étant déjà roi bourguignon, il n'y avoit point encore de Rodolphe ou Raoul sur le trône de France; mais on doit avouer qu'il ne seroit pas impossible que plusieurs de ces chartes fussent en effet de ce temps-là. Celles qui font ou confirment des donations aux monastères de Tournus, de Dijon, d'Auxerre, émaneroient d'un roi de Bourgogne, plus naturellement peut-être que d'un simple successeur d'Eudes et de Robert. Trois de ces pièces sont signées à Châlons-sur-Saone, trois à Autun, d'autres à Lyon, à Anse, &c., tous lieux compris alors, à ce qu'il semble, dans la Bourgogne transjurane. Lorsqu'on voit l'abbaye de Cluni comblée de bienfaits par les prédécesseurs et les successeurs de Rodolphe II, comment supposer que lui seul n'ait pris aucun soin d'elle! Et c'est pourtant ce qu'il faudroit dire, si deux diplomes qu'elle a obtenus tandis qu'il régnoit, n'étoient pas de lui. Ces observations et d'autres du même genre sont dignes d'attention sans doute; mais elles ne prouvent pas péremptoirement que les deux Rodolphe soient une seule et même personne; car il se pourroit qu'on eût seulement attribué mal-à-propos à l'un d'eux des chartes émanées de l'autre. Dans une de ces donations au monastère de Cluni, le Rodolphe qui la souscrit fait mention de sa femme Emma; et fes adversaires de M. Guillon en concluent que ce n'est pas l'époux de Berthe. Il répond que c'est l'époux de Berthe et d'Emma, double mariage tout-à-fait nécessaire dans son hypothèse, mais qui n'est pourtant pas sans difficulté, puisque ce seroit pure bigamie, sans divorce et sans succession, Berthe, épousée en 922, n'étant morte qu'après 936, et ayant jusqu'à cette année même donné des enfans à Rodolphe II.

On a trouvé un médaillon où l'effigie de cette princesse est entourée de l'inscription: Bertha regina Franc. Rodolphi R. V. (regis axon), Mezerai en a inséré une gravure dans son histoire, avec des

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explications qui tendent à prouver qu'au lieu de Bertha on doit lire Emma; mais cet article est l'un de ceux dont Richelieu exigea la suppression, et qui ne subsistent qu'en des exemplaires clandestinement tirés. M. Guillon a joint à sa dissertation une copie de cette estampe, et une réfutation du commentaire de Mezerai. Il a fait graver aussi deux pièces de monnoie qui se conservent à la Bibliothèque du Roi: «Toutes les deux portent en légende RODULFUS et au revers » LUCUDUNUS, avec cette différence que ce dernier mot entoure » dans l'une la forme d'un temple antique, et dans l'autre la lettre S. » Nous ne voyons pas trop quel jour ces deux pièces peuvent jeter sur la question; mais M. Guillon pense que l'emblème du temple étoit, comme le titre d'Augustus, réservé aux rois d'Italie, et que par conséquent il s'agit d'un Rodolphe qui étoit plus que roi de France.

Il est persuadé que des intérêts politiques ont introduit et maintenu dans l'histoire cette distinction de deux Rodolphe, dont il croit avoir dévoilé la fausseté. Comment avoit-elle tant d'importance! Pourquoi, depuis la fin du x.° siècle jusqu'au XV., a-t-on eu besoin de la faire prévaloir? Quelle raison d'état a conseillé de la reproduire en 1589, et de la perpétuer soigneusement jusqu'à nos jours! C'est ce que nous ne trouvons point assez expliqué dans la dissertation, et ce qu'il nous est impossible de deviner.

Raoul, comme roi de France, avoit affermi son autorité par des victoires et par une administration sage; il jouissoit d'une renommée honorable les chroniqueurs font son éloge; l'un d'eux assure que XII ans il governa le roiaume noblement et vertueusement. Si cette gloire et cette puissance se sont accrues du pouvoir qu'il exerçoit et des succès qu'il obtenoit comme roi de Bourgogne, il devoit être, à sa mort, un monarque très-imposant; et puisqu'il laissoit trois fils, on peut s'étonner que l'aîné, Conrad, ne lui ait succédé que sur l'un des deux trônes, d'autant plus que ce jeune prince, protégé par Othon le Grand, s'annonçoit comme un digne élève de cet empereur. Déjà l'on a bien assez de peine à comprendre comment Hugues le Blanc faisoit revenir et couronnoit Louis d'Outremer: « Cela n'est pas »croyable, dit Duhaillan; Hugues se fût plutôt mis en peine d'avoir » pour soi le royaume.» Cependant, si, conformément à l'opinion commune, Raoul son beau-frère n'avoit régné qu'en France et ne laissoit point de fils; si Hugues persistoit à ne point vouloir régner encore lui-même, et s'il se proposoit d'écarter les autres prétendans, on conçoit comment il pouvoit lui convenir de rappeler le jeune et foible fils de Charles le Simple, afin de « se donner le temps, comme

» dit le président Hénault, de préparer la révolution qu'il méditoit. » Cent ans plus tard, Rodolphe III, petit-fils de Rodolphe II, cède le royaume de Bourgogne à son neveu l'empereur Conrad le Salique, qui le transmet à son fils Henri III, et celui-ci à Henri IV. Le trône de France est occupé en ce temps par le troisième et le quatrième des rois capétiens, Henri I." et Philippe I." C'est alors que Glaber et Hermannus Contractus écrivent et distinguent Rodolphe II de Raoul. Si c'étoit un mensonge, à qui devoit-il profiter! et comment ceux qui auroient eu intérêt à le contredire n'auroient-ils pas su remonter à trois ou quatre générations! Deux chroniqueurs avoient-ils donc le pouvoir de régler, par quelques lignes, les destinées présentes et futures des empires!

Il arrive, quatre cents ans après, que des compilateurs identifient, à tort ou à droit, les deux Rodolphe du x. siècle. En quoi cette rectification ou cette erreur pouvoit-elle servir ou compromettre les droits ou les prétentions, soit de Charles VIII; de Louis XII, de François I.", soit de Maximilien et de Charles-Quint? Y a-t-il dans les démêlés de ces princes la moindre trace d'une telle controverse historique!

En 1589, Nicolas Vignier revient et entraîne la plupart de ses successeurs au système de Glaber, d'Hermann et de plusieurs autres historiens du moyen âge. Il faut, à notre avis, une extrême perspicacité pour reconnoître là l'esprit de la ligue, ou la politique des cabinets. A la vérité, il nous semble étrange que Richelieu empêche Mezerai de publier un portrait de Berthe, et de disserter pour substituer à ce nom celui d'Emma ou Emine. Nous ne dirons pas que cette interdiction étoit un pur caprice; mais il nous seroit encore plus difficile de la fonder sur un motif grave.

Vers le commencement du XVIII. siècle, Mabillon fut prié d'envoyer à Leibnitz une copie du manuscrit de la chronique saxonne, conservé à la bibliothèque de Saint-Germain-des-Prés. On expédia cette copie, mais sous la condition expresse que Leibnitz ne la feroit point imprimer, ce dont il s'abstint en effet; mais après lui elle passa entre les mains d'Eckard, qui la publia dans le Corpus historiarum medii ævi. Dom Martenne se plaignit amèrement de cette infidélité, ajoutant que, s'il eût mis lui-même cette chronique en lumière, il y eût joint des notes. M. Guillon, après avoir rapporté ces faits, dit « qu'il est » aisé de comprendre que ces notes auroient eu pour objet principal » de réfuter la chronique sur l'identité des deux Rodolphe, et que le mystère dans lequel on auroit voulu que cette chronique restât

>> ensevelie; n'avoit pour motif que la crainte de nuire à l'opinion » moderne des deux Rodolphe. » Nous aurions une manière plus simple d'expliquer les précautions et les réclamations des bénédictins. Possesseurs de ce manuscrit, ils avoient à tous égards le droit d'en être les premiers éditeurs; ils se l'étoient fort légitimement réservé; et lorsqu'ils s'en voyoient frustrés par la mauvaise foi d'Eckard, leurs plaintes auroient pu être plus vives encore. Depuis, ils en ont inséré des extraits dans la Collection des historiens de France, en y joignant des observations fort judicieuses.

Quoique nous ne partagions point l'opinion de M. Guillon sur les motifs ou les intérêts qui ont porté à distinguer Rodolphe II et Raoul, et quoiqu'il nous reste des doutes sur le fond même de la question, nous n'en reconnoissons pas moins qu'elle est savamment et habilement traitée dans la dissertation dont nous venons de rendre compte. L'auteur a recueilli, rapproché tous les documens qui la peuvent éclairer, et il a su donner à l'hypothèse qui confond ces deux personnages toute la vraisemblance dont elle est susceptible. It reste dans les annales des rois carlovingiens, depuis la mort de Charles le Chauve en 877 jusqu'à l'avénement de Hugues Capet en 987, beaucoup de points obscurs: il est à desirer qu'ils puissent être tous éclaircis par des recherches aussi profondes et aussi curieuses que celles de M. Guillon.

Quant à la seconde question qu'il a posée en commençant son mémoire, « d'où vient que le cinquième de nos rois du nom de Charles » n'est appelé que Charles IV! » il l'examine si rapidement (pag. 115, 116 et 117), que nous ne saisissons pas même la liaison qu'il veut établir entre elle et la première. On sait que la dynastie carlovingiennę fournit quatre rois du nom de Charles, distingués par les surnoms le Grand, le Chauve, le Gros et le Simple; et que cependant le nom de Charles IV est appliqué au prince qui, en 1322, monta sur le trône après ses frères Louis X et Philippe V. « Il importoit, dit » M. Guillon,.aux descendans de Hugues le Blanc de ne pas reconnoître pour roi légitime ce Charles IV (ou le Simple) qu'il avoit » repoussé du trône.» Cependant ce n'est point du tout ce Charles qui est écarté ou négligé par les chroniqueurs écrivant sous les Capétiens: c'est plutôt de Charles le Gros qu'ils ne tiennent pas compte, le considérant à-la-fois comme empereur et comme usurpateur de la couronne de France, qui appartenoit à son neveu Charles le Simple, fils de Louis le Bègue et d'Ansgarde. Lorsque les historiens commencent d'appliquer des noms de nombre aux monarques homonymes, ils font

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