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Chambre s'y montrait heureuse et fière d'avoir secondé par son loyal concours une politique conforme à ses convictions et aux intérêts du pays.

Le projet ne semblait pas devoir y trouver une opposition dangereuse à la sécurité du ministère; mais il y souleva pourtant des questions assez graves pour nous y arrêter.

M. le marquis de Dreux-Brézé condamna tout d'abord le système suivi à l'égard de l'Espagne par tous les ministères qui s'étaient succédé, comme se rattachant plus ou moins au traité de la quadruple alliance: il s'efforça d'établir que le traité de 1854 était contraire à la vraie politique de la France, qu'il tendait toujours à soutenir les idées et les principes révolutionnaires, et qu'il ne s'agissait en dernier ressort que de savoir le degré de développement qu'on leur accorderait. — Il n'avait eu d'autre effet jusqu'ici que de donner aux Anglais un nouveau Gibraltar dans le golfe de Gascogne et de les mettre en possession d'une forteresse dont les canons pouvaient être braqués sur nos vaisseaux.

« Mais ce ne sont pas les canons anglais envoyés à Saint-Sébastien et au Passage qui inquiétent le ministère, dit l'honorable pair; il se contente de voir la malheureuse légion étrangère en rase campagne, se battant pour les idées révolutionnaires qu'il s'efforce de contenir chez nous.

« Qui ne comprend cependant combien il est dangereux pour la paix intérieure de la Francé de maintenir une sorte de fraternité de nation avec un peuple qui donne l'exemple de tous les démons, un peuple où les soldats dictent des lois à la pointe de leurs baïonnettes, où ils refusent d'obéir à leurs chefs, où les Cortés accomplissent le régicide dans leurs cœurs, en le plaçant dans leurs lois.

« Non, Messieurs, la France ne peut sans danger rester l'alliée d'un gouvernement qui, loin de hâter les progrés de la civilisation, tend à renouveler tous les excès qui la firent rétrograder parmi nous à une époque de douloureuse mémoire. >>

Signalant alors l'alliance avec l'Angleterre comme née de la révolution de juillet, alliance où l'intérêt de la France lui paraît avoir été sacrifié à l'intérêt révolutionnaire, M. de Dreux-Brézé n'en voit résulter des avantages que pour l'Angleterre, soit dans l'hypothèse du triomphe de la cause d'Isabelle II, soit dans celle du triomphe de la légitimité et du

droit. Là, comme en Portugal, l'Angleterre doit recueillir tous les fruits d'une politique désastreuse pour la France.

Après cette accusation contre le système suivi par le ministre dans les affaires de la Péninsule, M. de Dreux-Brézé déplorait celui qu'il suivait à l'intérieur, et la destruction des monumens qui devaient être consacrés sur la place de l'ancien Opéra et sur celle de la Concorde à la mémoire du duc de Berri et de Louis XVI, et il gémissait de voir élever sur la place de la Bastille une colonne triomphale où devaient être gravés «< ces mots, hélas! trop clairs, disait-il, pour les po<< pulations souffrantes qui habitent cette partie de la grande «< cité, » 14 juillet 1789 — 29 juillet 1850, et il conjurait les ministres d'abandonner une politique « qui semble jeter un <«< imprudent défi aux idées de révolte et d'anarchie, de sortir << enfin des ambiguités et des contradictions dans lesquelles se « déconcerte et s'enivre l'opinion publique. >>

Abordant ensuite les affaires d'Afrique, l'honorable pair s'affligeait de leur triste situation et du mauvais succès de l'expédition de Constantine, entreprise trop tardivement et avec des moyens sans proportion avec le but qu'on se proposait, ct il demandait pourquoi on avait attendu six mois pour compléter la conquête de la régence, et comment on avait laissé aux indigènes le temps de se fortifier dans une position devenue aussi redoutable...

Enfin, après avoir rappelé que la Restauration avait su braver la malveillance de l'Angleterre contre l'occupation et la colonisation d'Alger par la France, M. de Dreux-Brézé voulait qu'on la forçât à s'expliquer sur cette question et sur l'établissement des forces anglaises à Saint-Sébastien et au Passage, et que le ministre lui-même donnât des explications sur les causes qui avaient amené un changement de cabinet: il lui demandait si ce changement apporterait une modification dans la politique extérieure, ou s'il se maintiendrait dans la ligne équivoque adoptée jusqu'à présent; s'il y avait eu coopération ou non dans la tentative contre-révolutionnaire

du Portugal, et si le Gouvernement avait obtenu du cabinet de Saint-James l'assurance que Saint-Sébastien et le Passage seraient évacués après la pacification de la Péninsule.

M. le président du Conseil (le comte Molé), prenant alors la parole, sans s'attacher à suivre l'orateur dans ses digressions, lui répondit d'abord « que la politique de la France <«< n'avait pas changé, que les ministres actuels étaient les << continuateurs de la politique des cabinets du 11 octobre et «< du 22 février, jusqu'aux événemens et aux circonstances « qui avaient amené la fin de leur existence. »>

Entrant alors dans l'examen du traité de la quadruple alliance, le ministre démontrait que les deux principales puissances, la France et l'Angleterre, avaient concouru à son exécution, chacune dans la mesure et avec les moyens convenus, l'une en fermant sa frontière et empêchant de tout son pouvoir qu'on n'envoyât aucun secours au prétendant, l'autre au moyen de ses forces navales.

La différence des deux coopérations, dit M. le comte Molé, ne s'explique-t-elle pas par la nature même des deux pays? La France a considéré qu'il n'était pas de sa prudence de s'engager d'avance à une coopération plus active, parce qu'elle n'était pas certaine de pouvoir s'arrêter dans cette carrière, et devait craindre les conséquences incalculables où elle pourrait être entraînée. L'Angleterre, au contraire, en promettant le concours de ses vaisseaux, sait bien qu'elle les promènera à son gré, qu'elle les rappellera quand bon lui semblera, enfin qu'elle restreindra ou étendra leur action selon sa prudence et sa volonté.

« Toutefois, la France pouvait coopérer davantage après avoir de nouveau consulté ses alliés. Cette éventualité prévue par l'art. 4, on a cherché à l'accomplir; une fois la France, une fois l'Angleterre a pris l'initiative à ce sujet. La France, sous le ministère du 11 octobre, a consulté l'Angleterre pour savoir si le moment était venu de coopérer davantage. L'Angleterre a répondu négativement.

a Plus tard, sous le cabinet du 22 février, à la fin de mars 1856, l'Angleterre propose à la France, non pas l'intervention, mais l'occupation par la France de plusieurs points importans, en un mot, une large coopération. Jei se trouve la réponse à une des questions qui m'ont été faites. Parmi les points qu'elle nous propose d'occuper se trouve le Passage. Le cabinet du 22 février délibére, et il répond catégoriquement que, dans l'état actuel de l'Espagne, il ne peut que se refuser à toute coopération armée dans la Pénínsule. Quant à l'intervention, il déclare qu'elle entraînerait pour la France des conséquences incalculables, dont il ne saurait accepter l'immense responsabilité. Réponse d'autant plus absolue, que l'Angleterre avait laissé au cabinet français le soin de déterminer les limites de la coopération, de l'étendre on de la restreindre autant qu'il le voudrait. Notre cabinet ajoute que, si à d'autres époques une coopération de cette nature avait pu être utile, dans

l'état actuel de l'Espagne, elle ne ferait que compromettre la France dans sa dignité ou dans ses intérêts, comme dans sa prudence. Avais-je donc tort de dire que nous sommes jusque-là les continuateurs du 11 octobre et du 22

février?

<< Plus tard, l'opinion du dernier cabinet est modifiée. Il envoie un nouvel agent à Madrid, lui donne une mission verbale pour offrir une coopération nouvelle qu'il regarde lui-même comme en dehors des traités. C'est ici que commence avec lui notre dissidence. A ce moment, il proposait une coopération qui, dans mon opinion, faisait accepter à la France la responsabilité de la politique intérieure de l'Espagne. Je ne crois pas trop dire en affirmant que dans le cabinet même il y eut partage. Vous comprenez maintenant pourquoi il s'est retiré, et pourquoi nous l'avons remplacé. Nous sommes arrivés, parce que notre politique est d'aider le gouvernement de la reine Christine de tout le poids de notre influence et conformément aux traités, mais sans accepter la responsabilité de la politique intérieure de l'Espagne. Avant tout, Messieurs, nous sommes Français, et nous ne voulons pas engager notre pays dans une question de laquelle pourraient sortir pour lui de si grands sacrifices et de tels embarras.

« Si nous avions commencé, il faudrait finir; car il nous importe avant tout que la France ne fasse rien qui ne soit digne d'elle. Nous ne voulions donc pas l'obliger à entretenir une armée considérable en Espagne lorsque déjà il nous faut en entretenir une autre en Afrique; nous ne voulions pas demander au pays des sacrifices sans terme pour un but incertain. Nous nous souvenions de 1809 et de 1823. Voilà toute notre politique.

<< L'honorable préopinant a parlé de l'alliance anglaise, et à ce sujet il m'a personnellement interpellé. Je suis heureux d'avoir l'occasion de le déclarer à cette tribune: mon opinion personnelle est que l'alliance anglaise doit être la base de notre politique (Marque d'adhésion), et qu'aujourd'hui la paix de l'Europe serait compromise si cette alliance tendait à se rompre. >>

Réformant alors les accusations dirigées contre la politique anglaise, dans la question espagnole et sur l'occupation de Saint-Sébastien, M. le président du Conseil assurait que le cabinet anglais ne pouvait avoir la pensée d'une occupation permanente, et qu'elle cesserait avec les circonstances qui l'avaient amenée.

Quant aux critiques faites sur les événemens de Belem, il répondait qu'en Portugal, comme en Espagne, on avait voulu s'abstenir d'influer dans la politique du pays..., et il remettait à répondre sur les affaires d'Afrique alors qu'on en viendrait à la discussion du paragraphe qui y était relatif.

M. le comte Boissy-d'Anglas, inscrit pour parler contre le projet d'adresse, traitant largement du système d'alliance, n'hésitait pas à regarder celle de l'Angleterre comme la plus funeste, et celle de la Russie comme la plus avantageuse pour les intérêts commerciaux et pour la sécurité de la

France. Il rappelait, à ce sujet, que, sans l'intervention de l'empereur Alexandre, le retour de la paix était acheté, en 1814 et 1815, par l'abandon de plusieurs provinces, et que depuis, son auguste successeur avait offert au dernier gouvernement la ceinture du Rhin, tandis que l'Angleterre, incessamment appliquée à humilier, à affaiblir la France, avait élevé et voudrait toujours garder contre elle les forteresses de la Belgique aussi repoussait-il avec conviction entière le système qui avait prévalu à des époques désastreuses, d'unir la France à l'Angleterre et à l'Autriche, système reproduit maintenant, qui nous condamnait à la nullité extérieure la plus absolue, nous mettait dans l'impossibilité de réparer nos pertes, et contre lequel il était du devoir et de l'honneur. même de la Chambre des pairs de se prononcer.

La discussion qui se perdait en généralité fut ramenée, par M. le duc de Noailles, après une digression fort étendue sur les événemens passés en Espagne, depuis la mort de Ferdinand VII. L'honorable orateur suivant les phases diverses et les désordres de la révolution qui s'en était suivie, n'hésitait pas à regarder le testament de Ferdinand VII, la destruction de la loi salique en Espagne, comme un événement funeste aux intérêts de la France. Il comprenait comment le ministère avait été amené à y donner son assentiment et comment il avait été entraîné de cet assentiment à la conclusion de la quadruple alliance; de là, peut-être, à la coopération. Mais quoique l'alliance anglaise eût pu être dans les commencemens du Gouvernement actuel une nécessité pour lui, cette politique (dans l'opinion de M. de Noailles) avait engagé la France dans un système où ses intérêts pouvaient être gravement compromis.

D'ailleurs, les événemens survenus depuis quelque temps en Espagne, la proclamation de la constitution de 1812, la situation même de la reine à Madrid, avaient changé la face des choses, et avaient détruit virtuellement le traité de la quadruple alliance.....- La gravité de ces circonstances, le dé

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