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« qu'ils tiennent de cette constitution même, et qui, pour << avilir l'autorité publique, provoquent les plus mauvaises << passions contre le chef de l'Etat, et en flétrissant le silence << et l'inertie de ceux qui, ayant été avertis du crime de Meu<< nier par ses vociférations régicides, auraient pu, en le pré<< venant, rendre un grand service à l'État. >>

Ce rapport fait, et le procureur-général (M. Franck-Carré) entendu, la Cour des pairs ordonna, conformément à ses conclusions, la mise en accusation de Meunier (Pierre-François), âgé de 23 ans, commis marchand; de Lavaux (Charles-Alexandre), âgé de 27 ans, sellier-harnacheur, et de Lacaze (Henri), âgé de 22 ans, commis marchand; du premier, comme auteur; des deux autres, comme complices de l'attentat contre la vie du roi. Dauche et Rédarès, contre lesquels les charges n'avaient pas paru suffisantes, furent mis hors de cause; mais le second fut retenu, sur les réquisitions du ministère public, pour délit de propos séditieux.

21-24 avril. Les débats de cette cause, où siégèrent 176 pairs, et qui se prolongèrent pendant quatre jours, excitèrent vivement la curiosité, mais n'ajoutèrent que peu de chose aux faits que l'instruction avait révélés.

Meunier s'y montra tel qu'il avait déjà paru, avouant ses antécédens, son caractère entêté jusqu'à la folie, ses goûts de paresse et de débauche, ses opinions perverties par des journaux, la haine qu'ils lui avaient inspirée contre le Gouvernement, ses idées régicides, cette scène nocturne où Lavaux, Lacaze et lui avaient tiré au sort à qui tuerait le roi; les leçons. qu'il avait été prendre dans un tir au pistolet avec Lavaux, et les autres circonstances rapportées dans l'enquête, avouant qu'il était républicain, mais niant toujours qu'il eût fait partie d'aucune association politique.

Lavaux, se renfermant dans un système absolu de dénégation relativement aux circonstances du tirage, expliquait celle du tir au pistolet comme une partie de plaisir qui n'avait aucun autre but. Quant à ses relations avec l'accusé, c'étaient

celles d'un bon parent; elles n'avaient eu d'autre objet que de tirer Meunier de la misère où l'entraînait son goût invincible pour la paresse et la débauche. Il n'avait voulu que lui procurer du travail et une existence honnête; il ne s'entretenait jamais avec lui de politique, et il ne pouvait s'expliquer le motif qui poussait Meunier à inventer tant de faussetés contre un bon parent.

Quant à Lacaze, qui n'était impliqué dans la cause que pour sa présence à la scène du tirage en novembre 1833, il se bornait aussi à des dénégations positives, et se défendait surtout de sa participation à l'attentat par son absence lors de son exécution et long-temps auparavant.

De toutes les dépositions faites dans cette cause, aucune n'avait plus de gravité et ne produisit plus de sensation que celle de la dame Barré, tante par alliance de l'accusé Meunier et de Lavaux, parce qu'il avait épousé la demoiselle Héloïse, íssue d'un premier mariage de M. Barré.

Assignée par M. le président de la Cour en vertu de son pouvoir discrétionnaire, elle déclara se rappeler qu'à la fin de novembre 1835, à l'époque où elle relevait de couches, Héloïse, sa belle-fille, aujourd'hui femme de l'accusé Lavaux, lui avait dit que ces messieurs (Meunier, Lavaux et Lacaze) ne faisaient rien dans le magasin; qu'ils passaient le temps à des niaiseries, et que même un soir, dans leur folie, ils avaient tiré au sort à qui tuerait le roi : « Ce qui me parut tellement <«< imprudent, disait la dame Barré, que je n'y attachai dans le << moment aucune importance, et que je n'en parlai à per

<< sonne. >>>

A cette déposition contre Lavaux, son défenseur (Me LedruRollin) ayant demandé et obtenu que la jeune femme de son client fût entendue en vertu du même pouvoir discrétionnaire, elle comparut à la même audience où elle déclara

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qu'elle n'avait pu parler à madame Barré (sa belle-mère ) « d'un fait qui n'avait jamais existé, et dont elle (Héloise <«< Barré) n'avait jamais eu connaissance. »

Le défenseur de Meunier (Me Delangle, nommé d'office), sans entrer dans la justification d'un fait matériellement prouvé, avoué par le prévenu lui-même, résumant sa déclaration et plusieurs dépositions faites, y trouvait la preuve que Meunier était un homme atteint de folie qui se livrait à toutes sortes d'extravagances et de stupidités, qui servait de risée à ses camarades, qui savait à peine discerner le bien du mal; qu'il n'avait jamais fait partie d'une association politique; qu'il était incapable d'avoir conçu et exécuté un pareil attentát, sans y avoir été poussé, et à qui la justice clémente de la Cour épargnerait sans doute la plus rigoureuse des condamnations. Me Ledru-Rollin, que Lavaux avait choisi pour défenseur, avait une tâche plus difficile à remplir.

Selon lui, la position de Lavaux ne permettait pas de penser qu'il fût coupable. Sans antécédens, on dirait presque sans opinion politique, doué d'un caractère docile et bon, il venait de traiter (avec Barré) d'un commerce lucratif; il était à la veille de conclure un mariage désiré depuis long-temps; il ne pouvait être devenu tout à coup le provocateur d'un régicide, dont le succès même pouvait compromettre son présent, son avenir. En examinant les charges accumulées sur la tête de Lavaux, Me Ledru était porté à croire à la vérité de la déclaration faite par Meunier, au moment de son arrestation, sur l'existence d'une société de quarante individus qui s'étaient engagés à tuer le roi, société dans laquelle il avait le no 9. Il était prouvé à ses yeux que Meunier faisait partie de la Société des Familles.

a A Dieu ne plaise, disait-il, que je veuille rejeter sur aucune société la pensée de l'attentat! Je veux seulement établir que Meunier, dans le prin cipe, a dit la vérité en parlant des sociétés secrètes. Ce n'est pas chez Lavaux, qui ne faisait pas partie de la Société des Familles, qu'a eu lieu un tirage au sort; c'est ailleurs qu'un numéro fatal lui est échu..... Quel intérêt avait Meunier à ne pas déclarer ses véritables complices?..... Cet intérêt avait déjà été révélé. C'était la crainte d'être frappé lui-même par ses cosociétaires, et c'est pour éviter le sort fatal qui l'attendait, quand il hési tait à commettre le crime juré, qu'il avait songé à s'éloigner de Paris. »

Ici Me Ledru, se demandant pourquoi Meunier, pour dé

tourner l'attention de ses véritables complices, avait eu la pensée d'accuser Lavaux, son parent, plutôt qu'un autre; et révélant comme une tâche de sa défense un secret dont son client avait la conviction profonde, n'hésitait pas à croire que Meunier n'avait été que l'instrument de la haine' qui avait éclaté entre la famille Barré et Lavaux, depuis la cession du commerce du premier, à l'occasion du mariage de Lavaux avec sa fille Héloïse; et ii assurait que Barré et sa femme avaient dit qu'ils poursuivraient Lavaux jusqu'à l'échafaud....

Après ces révélations, reprenant une à une les autres accusations portées contre Lavaux, son défenseur essayait d'en détruire ou d'en atténuer la gravité, et il terminait par invoquer la clémence de la Cour pour tous les accusés, comme le meilleur moyen d'étouffer les dissensions politiques.

Il ne restait plus à entendre que la défense de Lacaze; Me Chaix-d Est-Ange, qui en avait été chargé d'office, sans trop s'arrêter à discuter l'accusation sur le fait du tirage auquel il avait assisté, d'après la déclaration de Meunier, s'attachait surtout à démontrer que cette circonstance, seule accusation sérieuse contre Lacaze, fût-elle bien prouvée, séparée de l'exécution de l'attentat par l'espace d'une année, n'offrait pas le caractère d'un complot, c'est-à-dire d'une résolution concertée, arrêtée; qu'elle ne pouvait être regardée que comme une plaisanterie, odieuse à la vérité, mais dont l'absence et la conduite ultérieure de Lacaze ôtait la criminalité que l'accusation lui donnait.

Enfin, après quatre audiences employées à l'interrogatoire des accusés, à l'audition des témoins, aux plaidoiries du ministère public et des défenseurs, et aux réquisitions du procureur-général, qui concluait à la condamnation des trois accusés, la Cour rendit, à l'ouverture de la cinquième audience (le 25 avril), son arrêt, qui déclarait Charles-Alexandre Lavaux et Henri Lacaze acquittés de l'accusation portée contre cux, et condamnait Pierre-François Meunier à la peine du parricide, aux termes de l'art. 86 du Code pénal.

Meunier, ramené dans sa prison, s'empressa d'écrire au roi dans des termes qui annonçaient le plus sincère repentir : il demandait grâce.

Mais avant même que le pourvoi fût parvenu jusqu'à S. M., déjà le Conseil des ministres délibérait sur cette grave question; et le roi s'étant prononcé pour une commutation de peine, en considération du repentir plusieurs fois exprimé par l'accusé pendant le cours de son procès, l'ordonnance de grâce venait d'être signée lorsque la supplique de Meunier fut apportéeau Conseil.

En ce moment entrait dans la cour du château une femme âgée, marchant avec peine, et qui paraissait en proie à une affreuse émotion. Elle demandait avec instance à remettre une pétition à la reine. C'était la mère de Meunier... Admise en présence de S. M., la suppliante était à ses genoux baignant de larmes ses mains augustes, et demandant grâce avec des convulsions et des sanglots, lorsque le roi entrant chez la reine et relevant lui-même la malheureuse mère, lui annonça que son fils vivrait. Le 23 avril, la Cour des pairs entérina cette commutation de peine, à laquelle était substituée celle de la déportation; et, quelques semaines après, Meunier, transporté sur un bâtiment de l'Etat, allait subir sa peine aux EtatsUnis, où ses remords ont presque fait oublier son crime, mais n'ont point affaibli le souvenir de la bienfaisance royale qui l'a suivi et soutenu, dit-on, jusque dans son exil.

Quelques jours après le jugement rendu sur cet attentat, se présentait à la Chambre des députés la question des fonds secrets, question toujours intéressante, où le vote de la Chambre réclamé par les ministres est la pierre de touche de la confiance qu'ils inspirent, dont la discussion arrivant à une époque plus avancée de la session, donne une idée plus juste que celle de l'adresse, de l'esprit de la Chambre et de la situation des partis. C'est à ce titre qu'il faut nous y arrêter.

Le ministre de l'intérieur (c'était encore celui du 6 septembre), M. de Gasparin, en demandant le 15 mars un crédit

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