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c'est l'intérieur et la guerre. On donne à cet acte, à ces enlèvemens, une raison politique. Hélas! je ne veux pas, je le répéte, que mes paroles dégénèrent en accusation, mais qu'il y ait une simple déploration du fait, de la nécessité du fait, si c'en a été une, mais avec l'allégation des principes, avec l'expression de cette confiance que deux abus ne feront pas une règle, qu'à l'avenir on ne se croira pas autorisé à faire une troisième fois ce qu'on a déjà fait deux fois abusivement; en un mot, il faut qu'on se tienne pour bien averti. C'est ainsi que, s'il avait été question d'un bill d'indemnité, il aurait fallu placer le principe à côté; mais dans l'intérêt de la règle même, nous avons mieux aimé que ce bill d'indemnité ne fût pas écrit.

« J'espère que les amis de la loi et de la justice me sauront gré d'avoir interposé ma voix, quoique bien fatiguée, pour protester au nom des principes dont je suis l'inébranlable défenseur. »

Le ministère ne pouvait pas rester muet à cette protestation de l'un des chefs de la magistrature; aussi M. Martin du Nord, ancien procureur-général, aujourd'hui ministre des travaux publics, s'empressa-t-il de prendre la parole pour y répondre.

Ici, le ministre commençait par citer plusieurs circonstances où l'on était sorti du droit commun, circonstances graves où il s'agissait de l'intérêt de l'Etat, et il rappelait le jugement du ministère en 1830, la loi d'avril 1832 qui bannissait du territoire les membres des deux familles qui avaient régné sur la France et l'affaire de la duchesse de Berri, qu'on avait soustraite à la poursuite d'une Cour royale, circonstance où la Chambre avait reconnu que le Gouvernement avait cédé à une nécessité qu'il avait dû subir, et qu'il n'avait démérité ni de cette Chambre, ni du pays en prenant cette grave détermination.

« Au mois de novembre 1836, dit le ministre, le Gouvernement s'est trouvé dans des circonstances analogues. Un jeune homme portant un nom illustre est entré sur le territoire ; il a été saisi les armes à la main; il avait entraîné quelques hommes qui avaient cédé à je ne sais quelles funestes suggestions; il a été arrêté et conduit en prison. Certes, régulièrement il aurait dû y rester et paraître sur les bancs de la Cour d'assises. Le Gouvernement n'a pas crú devoir le permettre. Ici, sans doute, la sûreté de l'Etat n'était point en question; assurément le jugement de Louis Napoléon Bonaparte n'eût pu compromettre un instant le repos de la France; le Gouvernement est assis sur des bases assez solides pour résister à une pareille épreuve.

Mais n'y a-t-il de nécessité que celles qui puisent leur source dans la sûreté et le repos du pays? N'y a-t-il pas dans les sympathies, dans les souvenirs populaires, quelque chose qu'il faut écouter quelquefois et savoir respecter ?

«Eh bien! ce sont ces motifs qui nous ont déterminés : nous avons pensé

qu'un Gouvernement fort pouvait être généreux; que, si quelquefois il était permis à un cabinet de se mettre au-dessus des lois, le moment était venu. »

Quant à ce qu'on avait dit que la détermination du Gouvernement était un encouragement à tous ceux, à quelque famille qu'ils appartiennent, qui voudraient imiter Louis Napoléon, le ministre n'admettait pas qu'en pareille matière, il y eût des précédens... Tout dépendait des circonstances et des faits, de l'état de l'opinion publique et des besoins du pays, faits que le Gouvernement aurait toujours à examiner et la Chambre à juger....

« Voilà la vérité, dit le ministre en terminant. Nous avons di'. les motifs de notre conduite, nous avons parlé avec une entière franchise, une sincérité compléte; nous sommes persuadés que si vous aviez été à notre place, vous n'auriez pas hésité à agir comme nous l'avons fait. »

Après ces observations, auxquelles M. Dupin répliqua dans l'intérêt du grand principe de l'égalité devant la loi, la discussion de l'adresse n'offre que peu de chose à relever.

Les paragraphes sur les grâces particulières accordées à des condamnés politiques, ni l'annonce des lois qui devaient être présentées dans l'intérêt de la famille royale, ne donnèrent lieu à aucune observation. Un seul amendement proposé par M. Barre, ayant pour objet d'appeler la sollicitude du Gouvernement sur la détresse de l'agriculture, fut ajouté à l'avant-dernier paragraphe, et l'ensemble de l'adresse, mis à l'épreuve du scrutin, fut adopté à une majorité de 85 voix (242 contre 157), majorité forte, mais dont l'opposition ellemême se consola, en se voyant si nombreuse.

En résultat, cette discussion mémorable où les partis avaient fait l'essai de leur force, leur avait donné à tous des leçons, et ne les laissait pas sans inquiétudes. On y avait vu la majorité du 11 octobre se reformer; et le président du 22. février, qui s'était flatté de fortifier le tiers-parti et d'entraîner l'opposition dans son système, se voyant, malgré le prestige de son talent et le pouvoir de son éloquence, forcé de se jeter lui-même dans une voie contraire à celle qu'il avait suivie, de subir l'alliance de cette opposition qu'il voulait dominer,

n'était pas sans embarras de sa position. Il sentait qu'au lieu de la gouverner, il allait être emporté par elle. De son côté, le ministère du 6 septembre ne pouvait pas trop se faire illusion, ni compter sur la constance d'une majorité qu'il devait à des craintes plus qu'à des convictions, majorité dont la dernière session avait ébranlé la foi politique, et dont celle-ci reproduira les vacillations.

Au moment même où le ministère du 6 septembre obtenait ce succès équivoque, il recevait de Strasbourg la nouvelle de l'acquittement de tous les accusés prévenus de complicité ou de participation dans la folle entreprise du prince Louis Napoléon.

Jamais cause n'avait été portée devant une Cour d'assises avec tant d'appareil, et n'avait excité tant d'intérêt. Les fonctions du ministère public y étaient exercées par le procureurgénéral et l'avocat-général de la Cour royale de Colmar.

Au premier rang des sept accusés présens était le colonel Vaudrey, commandant le 4e régiment d'artillerie en garnison à Strasbourg, qui avait eu une entrevue avec le prince aux eaux de Bade, et le commandant Parquin, chef d'un escadron de la garde municipale de Paris, marié depuis quelques années à une lectrice de la reine Hortense (mademoiselle Cochelet).

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Aucun des accusés ne désavouait sa participation à la tentative du prince. Les dépositions et les débats, qui se prolongèrent pendant douze jours, n'offrirent que des faits déjà connus ou des détails d'intérêt privé qui appartiennent plus spécialement à notre Chronique. (Voy. art. du..... janvier.)

Ce qu'il y faut remarquer dans l'intérêt de l'histoire, c'est que le complot n'avait été que légèrement conçu et vaguement concerté.

Le prince qui, à défaut de faits, s'était recommandé de quelques écrits militaires, avait tenté la fidélité des généraux Exelmans et Voirol par des lettres auxquelles ils n'avaient

pas répondu.... Le colonel Vaudrey lui-même n'était qu'imparfaitement informé des plans du prince. La nuit même qui précéda le mouvement, Louis Napoléon s'occupait encore à rédiger les proclamations qui devaient l'annoncer : il voulait soulever les mécontentemens qu'il supposait exister dans l'armée, réveiller les souvenirs de l'empereur et le désir de rappeler sa dynastie au trône, en caressant les passions politiques. Il comptait sur les jeunes ambitions, sur les vieux ressentimens et sur cet entraînement populaire qui avait suivi l'aigle impériale de Cannes à Paris. Il croyait aussi, dans son aveuglement et son ignorance du pays, n'avoir qu'à se présenter aux soldats, à soumettre son élection au peuple, à ouvrir des registres pour s'y faire déférer la couronne impériale, misérable parodie d'un événement unique dans l'histoire, à laquelle manquaient le vœu de la nation et la présence du héros qui l'avait accompli.

Et cependant cette présomption insensée n'en avait pas moins surpris la fidélité d'un régiment et suspendu un moment l'autorité du Gouvernement dans une grande et forte ville.

Aussi les défenseurs des accusés ne pouvant nier l'évidence des faits, plaidèrent-ils moins sur le fond que sur les accessoires de la cause.

M. Parquin, célèbre avocat, venu de Paris pour défendre son frère, ayant été chargé de répliquer au ministère public, dans l'intérêt de tous, désavouait hautement le reproche qui avait été fait à leurs défenseurs de vouloir à tout prix les trouver innocens.

« Non, disait-il, telle n'a pas été notre prétention: leur faute, nous la blâmons aussi sévérement que qui que ce puisse être ; mais la question n'est pas là. Si une haute pensée n'avait voulu que le principal coupable ne relevât après sa capture, que de la générosité royale; si le prince Louis avait été assis sur ces bancs parmi les autres accusés, notre rôle se fût réduit à peu de chose. Les faits sont patens, et nous n'aurions eu à dire que quelques paroles sur la circonstance atténuante de l'entrainement: mais ce qui nous autorise à demander comme un droit l'acquittement de tous les accusés, c'est l'enlèvement du prince Louis.... »

L'honorable défenseur citait à l'appui de son plaidoyer une lettre du prince, écrite de Lorient (15 novembre) au moment de son débarquement, dans laquelle il témoignait le regret de ne pouvoir paraître à la barre des tribunaux pour expliquer les démarches à la suite desquelles il avait entraîné ses amis à leur perte.....

Ainsi M. Parquin, en rappelant les bontés du roi à l'égard du jeune Louis Napoléon, espérait que le jury ne resterait pas en arrière de cette générosité.....

Le jury répondit à cet appel par un verdict de non culpabilité sur toutes les questions et pour tous les autres accusés présens, et ils furent mis en liberté... Un banquet splendide et des sérénades donnés le même jour aux acquittés, à leurs défenseurs, au chef du jury lui-même, véritable ovation décernée à la révolte, où parurent des jurés qui avaient siégé dans la cause, et un duel qui eut lieu quelques jours après, entre le chef d'escadron Parquin et le licutenant-colonel Taillandier dont la fermeté avait puissamment contribué à étouffer le mouvement, et dont le témoignage n'avait pas été moins courageux dans la cause, complétèrent le scandale de cet acquittement.

Le ministère, bien qu'il dût s'y attendre, d'après les efforts de la presse de l'opposition pour amener ce dénoûment, en parut atterré.

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Le verdict qui venait d'absoudre des coupables etait la condamnation la plus éclatante du parti qu'il avait pris dans une conjoncture difficile; c'était un ferment d'insubordination jeté dans l'armée, une prime donnée à la révolte. Le cabinet du 6 septembre sentait la gravité de ses conséquences et des dangers qui pouvaient en résulter.

Un moment on eut l'idée, dit-on, de traduire les militaires qui venaient d'être acquittés de l'accusation de complot, devant un conseil de guerre, pour violation de la discipline militaire et voies de fait envers le général Voirol. Mais le cabinet sentit ce qu'il y aurait d'odieux à poursuivre des ac

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