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saine critique, pour pouvoir s'assurer de la certitude des faits historiques, et il a fallu une grande connoissance de l'homme et de la société pour pouvoir présenter ces faits de la manière la plus instructive pour les particuliers et pour les peuples.

Ce que nous n'avons pas vu nous-mêmes, nous ne pouvons le connoître que par le témoignage des autres. Dans mille circonstances de la vie et sur une foule d'objets, nous sommes obligés de nous reposer sur la foi d'autrui, des choses dont la connoissance nous est nécessaire ou utile; car nous n'occupons qu'un point dans la durée comme dans l'espace, et les choses qui se passent au-delà de ce point, soit par rapport au temps, soit par rapport au lieu, seroient pour nous comme si elles n'étoient pas, ou comme si elles n'avoient jamais été, s'il n'y avoit aucun moyen d'en faire arriver la connoissance jusqu'à nous.

Quel est le degré de foi plus ou moins grand que l'on doit ajouter aux témoignages? Telle est l'importante question dont la philosophie s'est occupée pour découvrir les divers degrés de probabilité ou de certitude qui peuvent accompagner les faits historiques.

Pendant long-tenips, tout l'art critique avoit été réduit à restituer des passages, à vérifier les variantes d'un texte; les savans n'étoient occupés qu'à faire des recherches dans les temps antiques, à bâtir des systèmes de chronologie, et à discuter des dates. Nous manquerions de reconnoissance, si nous ne rendions justice aux pénibles travaux des Scaliger, des Petau, des Sirmond, des Usher, des Marsham, des Bochart; mais on peut dire que ces travaux, qui avoient leur

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utilité, ne remplissoient pas le but principal. On pesoit trop pen la certitude historique dans ses rapports avec les circonstances morales qui peuvent nous inspirer ou nous faire perdre la foi qui doit être accordée ou refusée aux faits dont l'histoire conserve le dépôt. Mais le siècle de l'érudition n'étoit point encore celui de la philosophie: Bayle qui, le premier, voulut porter la lumière dans la science des faits historiques, n'y porta qu'un scepticisme outré. Il nia la possibilité de toute certitude historique, sous prétexte que Siméon Métaphraste avoit fait un traité de l'art de composer de saints romans. La raison réprouve ce scepticisme, et Bolingbroke, qui n'est pas suspect de crédulité, a condamné Bayle.

Le véritable esprit philosophique est aussi éloigné des illusions d'une croyance sans mesure que des doutes désespérans d'une incrédulité sans bornes.

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En général, des témoignages au-dessus de tout reproche et de toute objection, sont, en matière de faits transitoires ou passagers, les seuls garans que nous puissions avoir de leur certitude; et il faut convenir, d'après notre propre expérience, que nous éprouvons, dans les choses qui nous sont transmises par de semblables témoignages, la conviction attachée aux choses mêmes que nous avons vues,

L'essentiel est donc de fixer les règles d'après lesquelles les témoignages doivent être pesés.

Nous ne parlerons pas du témoignage verbal, c'està-dire des simples traditions. Comment s'assurer ces traditions, dont personne n'a le dépôt, sont fidèles, et que la chaîne n'en a point été interrompue?

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Le judicieux abbé Fleury observe que la mémoire des faits ne peut se conserver long-temps sans l'écriture; que c'est beaucoup si elle s'étend à un siècle; que les faits qui passent de bouche en bouche par des témoins intermédiaires s'altèrent facilement, et que l'on ne peut trouver aucune sûreté dans les récits qui nous sont ainsi transmis. De là, on a écarté avec sagesse les traditions populaires, on a débrouillé le chaos de l'histoire, et on l'a débarrassé de toutes les fables sur l'origine des sociétés et de toutes les fictions des miers siècles. On a posé pour règle que l'on doit tenir pour suspect tout ce qui précède les temps où chaque nation a reçu l'usage des lettres. On va peutêtre trop loin, quand on prétend que, lorsqu'il y a des interruptions ou de grands vides dans une histoire, on doit encore tenir pour suspect tout ce qui les précède; mais il est incontestable que rien n'est plus incertain que cette partie de l'histoire ancienne, dont les faits ne sont rapportés que par des auteurs qui n'ont écrit que plusieurs siècles après; ce qui exclut la certitude de presque toute l'histoire ancienne de l'Egypte ou de l'Orient, antérieure à la conquête des Grecs, et dont à peine il s'est conservé quelques vestiges: tout ce qui précède les Olympiades chez les Grecs et à peu près la seconde guerre punique chez les Romains: en un mot, les origines de toutes les nations, excepté celles du peuple juif dont on ne perd point la trace, et qui reposent sur les plus anciens et les plus authentiques monumens qui puissent conserver le souvenir des actions des hommes. Dans des. temps plus rapprochés de nous, nous tombons dans

la même incertitude, quand les mémoires des contemporains manquent. J'en prends à témoin la plus grande partie de l'histoire du moyen âge, non qu'elle soit précisément dépourvue d'auteurs contemporains, mais leurs mémoires sont défectueux et les lacunes si 'grandes qu'il n'est pas possible de les remplir. Rien n'est plus sage que ce que dit Fontenelle (1) sur l'hiştoire ancienne : « Si d'un grand palais ruiné on trou<< voit les débris confusément dispersés dans l'étendue «< d'un vaste terrain, et qu'on fût sûr qu'il n'en man<< quât aucun, ce seroit un prodigieux travail de les « rassembler tous, ou du moins, sans les rassembler, « de se faire, en les considérant, une idée juste de << toute la structure de ce palais; mais s'il manquoit des << débris, le travail d'imaginer cette structure seroit « plus grand, et d'autant plus grand qu'il manqueroit «< plus de débris, et il seroit fort possible que l'on fit, << de cet édifice, différens plans qui n'auroient rien de << commun entre eux. Tel est l'état où se trouve parmi << nous l'histoire des temps les plus anciens. Une infi« nité d'auteurs ont péri; ceux qui nous restent ne sont << que rarement entiers. De petits fragmens, et en grand << nombre, qui peuvent être utiles, sont épars çà et là << dans des lieux fort écartés des routes ordinaires, où << l'on ne s'avise pas de les aller déterrer; mais ce qu'il y «a de pis, et ce qui n'arriveroit pas à des débris ma«tériels, ceux de l'histoire ancienne se contredisent << souvent, et il faut trouver le secret de les concilier, << ou se résoudre à faire un choix qu'on peut toujours

(1) Eloge de M. BIANCHINI.

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« soupçonner d'être un peu arbitraire. Tout ce que « des savans du premier ordre et les plus originaux << ont donné sur cette matière, ce sont différentes com«binaisons de ces matériaux d'antiquité; et il y a en«core lieu à des combinaisons nouvelles, soit que « tous les matériaux n'aient pas été employés, soit « qu'on en puisse faire un usage plus heureux, ou «seulement un autre assemblage. »

Quand il s'agit de la certitude des faits historiques, il faut donc s'arrêter à des écrits, et à des écrits faits par des hommes, qui aient vécu dans le temps où se sont passés les faits qu'ils racontent; il faut du moins que ces hommes aient vécu dans un temps voisin; et encorel, dans ce cas, la certitude n'est jamais complête. Lorsque l'auteur est contemporain, lorsqu'il a 'été 'ou' qu'il prétend avoir été témoin, dès-lors si Pouvrage n'est ni supposé, ni altéré, nous tenons le fait directement de la bouche ou de la plume d'un témoin ïmmédiat. Il ne s'agit plus que d'examiner quelle espèce de confiance on doit à ce témoin.

Le degré de foi et de confiance doit se mesurer et sur la nature du fait que le témoin raconte, et sur le caractère ou l'autorité du témoin lui-même.hos

Pour apprécier les faits en eux-mêmes, il faut les confronter avec la nature, avec la raison, avec le bon sens, avec la commune expérience. Il y a mille distinctions à faire 'et mille nuances à saisir entre l'abJe surde et le merveilleux, Pextraordinaire et le vraisemblable. Tout ce qui offerise évidemment le bon sens et la raison est une absurdité: les témoignages humains, en quelque nombre qu'ils soient, et quel que soit leur

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