men, de raison et de liberté, c'est-à-dire le véritable esprit philosophique, est donc le caractère dominant de la religion chrétienne. Cette religion ne prescrit d'autres bornes à nos raisonnemens, que celles de notre raison elle-même (1); elle pose les vrais principes d'une saine dialectique; elle veut que dans les matières religieuses, nous usions de la prudence dont nous usons dans les matières profanes, c'est-à-dire que nous allions du connu à l'inconnu (2), et que nous n'ayons point la prétention insensée de vouloir tout expliquer et tout connoître (3). Elle nous avertit de chercher la vérité dans le recueillement et le silence (4); de la chercher avec un esprit juste et avec un cœur droit (5). Dans les sciences purement spéculatives, il suffit de se prémunir contre les préjugés; dans les choses pratiques, il faut encore se prémunir contre les passions. Les passions sont les préjugés du cœur, comme les préjugés sont les passions de l'esprit (6). (1) Non plus sapere quam oportet sapere; sed sapere ad sobrietatem. Rom., XII, 3, (2) Invisibilia enim ipsius (Dei), per ea quæ facta sunt, intellecta conspiciantur, ita ut sint inexcusabiles. Rom., Į, 20. (3) In pluribus operibus ejus non fueris curiosus. Eccl., III, 22. (4) Attende lectioni.... hæc meditare. 1 Tim., IV, 13 et 15. (5) Beati mundo corde quoniam ipsi Deum videbunt. Matth,, 8. Justi liberabuntur scientià. Proverb., XIV, 19.Exortum est lumen rectis. Ps. III, v. 4. 4, (6) Si quis voluerit voluntatem ejus ( Dei) facere, cognoscet de doctrinâ. JoAN., VII, 17. la Telles sont les routes qui nous sont tracées par religion: elles ne sauroient être suspectes à la philosophie; puisque les philosophes de tous les siècles les ont eux-mêmes indiquées, comme le seul moyen de nous diriger dans la recherche des vérités morales, c'est-à-dire de toutes celles qui sont proposées aux méditations et au perfectionnement des âmes vertueuses et sensibles. le On ne sera point étonné du degré de libérté que christianisme donne à la raison humaine, ni du courage avec lequel les premiers chrétiens ont appelé sur la doctrine qu'ils professoient, l'examen des magistrats et de tous les hommes instruits de l'antiquité, si l'on considère les caractères de majesté, d'évidence et de grandeur, que cette doctrine nous offre. Aimez Dieu par-dessus tout, et le prochain comme vous-mêmes; voilà le sommaire de la loi évangélique. Ces deux commandements sont la loi et les prophètes (1), c'est-à-dire ils nous sont présentés comme le principe de tout ce qui est bien, comme la véritable source des mœurs. Le Dieu qui doit être l'objet de notre culte, n'est point un Dieu de fantaisie ou une idole de notre choix. Ce n'est point le Dieu d'une nation ou d'une secte, mais le Dieu de l'univers (2). Les cieux et la (1) Diliges Dominum tuum ex toto corde tuo, et proximum tuum sicut teipsum: in his duobus mandatis universa lex pendet et prophetæ. MATTH., XXII, 37 et 40. (2) Dominus Deus noster Deus unus est. Deut., VI, 4. — Tu es Deus solus regum omnium terræ. IV Reg., c. 19, v. 15. terre annoncent sa puissance et publient sa gloire (1); il tient dans ses mains la destinée des empires (2). Tout est sorti du néant à sa volonté, il a dit: que la lumière se fasse, et la lumière s'est faite (3). Il est le saint des saints (4) et le très-haut (5). Il a tout ordonné par sa sagesse (6); il régit tout par sa providence (7); il remplit tout par son immensité (8); (1) Cœli enarrant gloriam Dei: et opera manuum ejus annuntiat firmamentum. Ps. XVIII. (2) Dominatur excelsus in regno hominum et cuicumque voluerit dabit illud. Deut., IV, 14. - Dominus judicabit fines terræ, et dabit imperium regi suo. 1 Reg., II, v. 10. - Exurge, Domine.... judicentur gentes in conspectu tuo. Constitue, Domine, legislatorem super eos. Ps. IX, 4-36. — Regnum à gente in gentem transfertur propter injustitias, et injurias, et contumelias, et diversos dolos. Sap., X, 8. — In manu Dei potestas terræ: et utilem rectorem suscitabit in tempus super illam, Eccl., X, 4. (3) Ipse dixit et facta sunt; mandavit et creata sunt. Psalmus CXLVIII. (4) Non est sanctus ut est Dominus. 1 Reg., II, 2. gnificus in sanctitate. Exod., XV, 11. (5) Altissimus super terram omnem. Ps. XCVI, 9. vata est magnificentia tua super cœlos. Ps. VIII, 1. Ma Ele (6) Quàm magnificata sunt opera tua, Domine! omnia in sapientiâ fecisti. Ps. CIII, 24, (7) Aperiente te manum tuam, omnia implebuntur bonitate; avertente autem te faciem, turbabuntur. Ps. CIII, 29. (8) Si ascendero in cœlum tu illic es ; si descendero in infernum ades. Ps. CXXXVIII, 8. II. 14. pesera tout dans sa justice (1). Il est infiniment miséricordieux (2): il a pour attributs toutes les perfections (5). Une longue et terrible expérience prouve que les peuples sont extrêmement portés à l'idolâtrie; pour ous prémunir contre des superstitions absurdes, Dieu est défini lui-même: Je n'ai point de nom particulier, a-t-il dit, tout ce qui tombe sous vos sens, la nature entière est mon ouvrage (4). J'ai précédé la Lumière et les temps (5). Je suis seul (6). Je vis dans l'éternité (7). Aucun homme, dans la vie présente (1) Qui judicas terram. Ps. XCIII, 2. (2) Quàm bonus Israel Deus his qui recto sunt corde!.... Suavis Dominus universis et miserationes ejus omnia opera ejus: Ps. LXXII et CXLIV. — Misericors Dominus et justus. Ps. CXIV, 5. (3) Magnus Dominus et laudabilis nimis, et magnitudinis ejus non est finis.... Sapientiæ ejus non est numerus. Ps. CXLIV et CXLVI. (4) Non vidistis aliquam similitudinem in die quâ locutus est vobis Dominus in Horeb, de medio ignis: ne fortè decepti faciatis vobis sculptam similitudinem aut imaginem..... omnium.... quæ creavit Dominus tuus, in ministerium cunctis gentibus quæ sub cœlo sunt. Deut., IV, 15-19. — Ego sum Dominus, faciens omnia, extendens coelos solus, stabiliens terram, et nullus mecum. Isaï., XLIV, 24. (5) Ego Dominus et non est alter; formans lucem et creans tenebras. Isaï., XLV, 6. މ (6) Videte quòd ego sum solus. Deut. XXXII, 39. · Sonitus, primus et novissimus ego sum. Isaï., XLI, 4. Ego 7) Vivo ego in æternum. Deut. XXXII, 40.. Hæc dicit excelsus et sublimis habitans æternitatem. Isaï., LVII, 15. ne m'a vu ni ne me verra face à face (1). JE SUIS CELUI QUI SUIS (2). La philosophie humaine s'est-elle jamais élevée à des idées plus grandes et plus vraies? Les notions spirituelles, les notions sublimes que la religion nous donne de la divinité, semblent nous faire sortir de l'humiliation dans laquelle nous plonge notre penchant pour les objets sensibles; elles communiquent une nouvelle activité à toutes les puissances de notre âme; elles nous découvrent un nouvel ordre de choses; elles font luire un nouveau jour; elles reculent les bornes de notre raison, au-delà de tout ce qui peut lui être révélé par nos sensations. Nos foibles pensées viennent s'engloutir dans l'être infini. Le sentiment de nos relations avec lui, nous rend supérieurs à nous-mêmes.. C'est la religion chrétienne qui nous a ramenés à des idées spirituelles sur la nature de Dieu : ce bienfait ne pourroit être méconnu sans injustice. Or, il faudroit être bien peu philosophe, pour ne pas sentir le prix d'une religion qui nous a débarrassés de toutes les inepties des peuples grossiers, de toutes les incertitudes de la philosophie, et qui nous a fait éprouver la satisfaction de nous trouver assez intelligens pour reconnoître une intelligence suprême (3). (1) Non enim videbit me homo et vivet. Exod., XXXIII, 20. (2) Si dixerint mihi : quod est nomen ejus? Quid dicam eis? Dixit Deus ad Moysen: EGO SUM QUI SUM; sic dices filiis Israel, QUI EST misit me ad vos. Exod., III, 13, 14. (3) Nolite multiplicare loqui sublimia, gloriantes: recedant |