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gieux, qui ont si souvent dégradé l'esprit humain et désolé le monde. Enfin, le tableau de nos erreurs nous avertit de nons méfier de nous-mêmes, et de n'être ni précipités dans nos recherches, ni présomptueux dans nos découvertes, ni entêtés dans nos juge

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Ainsi l'histoire, par les soins de la philosophie qui nous a appris à la lire et à la rédiger, offre partout de grands encouragemens et de grandes leçons pour les sciences et pour les arts, de grandes autorités pour politique, et de grands exemples pour la morale. Quelles lumières ne retirerions-nous pas de cet immense dépôt de faits et de maximes, si, par un malheur qui semble attaché à nos imperfections et à notre foiblesse, nous n'éprouvions, dans mille occasions diverses, que les fautes et les instructions des pères sont perdues pour les enfans!

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CHAPITRE XXII.

Pourquoi les philosophes modernes ne se sont-ils occupés que très-tard de la morale, et quelle a été leur marche dans cette importante science?

Le but de l'histoire est de peindre les hommes tels qu'ils sont; la morale se propose de les rendre tels qu'ils doivent être. Les anciens s'étoient attachés plus particulièrement à l'étude de la morale. La raison en est que leur religion n'avoit que des rites, et qu'elle ne se mêloit en aucune manière de l'enseignement public; chez eux, la morale étoit confiée aux législateurs et aux philosophes. Les prêtres conservoient le dépôt des pratiques et des anciennes traditions, mais c'étoient les philosophes et les législateurs qui prêchoient la vertu et la règle des mœurs. Le célèbre Panotius recommandoit la sagesse et les devoirs, tandis que l'augure Scoevola ordonnoit les sacrifices et les cérémonies du culte.

Aussi, quel développement n'avoit-elle pas reçu par les soins de tant de grands hommes qui la cultivèrent avec tant d'éclat! Elle fut quelquefois altérée par les subtilités des sophistes: mais ne semble-t-il pas que ce sont les Pythagore, les Socrate, les Platon

qui l'ont fait descendre du ciel pour régir et pour gouverner la terre? C'est de la hauteur que la sagesse humaine peut atteindre, que les stoïciens ont publié les maximes les plus capables de rendre l'homme meilleur et de l'élever au-dessus de lui-même. Ils n'ont outré que les choses dans lesquelles l'excès, loin de défigurer la vertu, ne fait que la rendre supérieure aux forces de la nature. C'est à leur école que se sont formes tant de citoyens utiles, et les princes les plus dignes de gouverner les hommes, tels que les MarcAurèle et les Antonin. Leur doctrine a été longtemps comme le feu sacré qui épuroit toutes les actions humaines.

Depuis l'établissement du christianisme, il existoit un sacerdoce chargé d'annoncer toute vérité, de recommander tout ce qui est bon, tout ce qui est saint, tout ce qui est juste, tout ce qui est aimable, de donner des conseils aux parfaits, et des préceptes à tous (1). La religion chrétienne étant devenue dominante dans tous les Etats qui l'embrassèrent, l'enseignement de la morale fut le partage exclusif de ses

:

(1) Ut filii lucis ambulate fructus enim lucis est in omni bonitate et justitiâ, et veritate, probantes quid sit beneplacitum Deo. S. PAUL, Eph.; cap. V,

v. 9

et 10.

Ut dignè ambuletis vocatione quâ vocati estis, cum omni humilitate et mansuetudine, cum patientiâ, supportantes invicem in caritate. Ibid., cap. IV, v. 1 et 2.

De cætero, fratres, quæcumque sunt vera, quæcumque pudica, quæcumque justa, quæcumque sancta, quæcumque amabilia, quæcumque bonæ famæ, si qua virtus, si qua laus disciplinæ, hæc cogitate. Id. Philipp., cap. IV, v. 8.

ministres. Comme ils avoient reçu la mission de prêcher la vertu et de distribuer les choses saintes, on les chargea même de l'éducation de la jeunesse et de toute l'instruction publique.

Dans les premiers siècles de l'église, les règles des mœurs prêchées et développées par les Lactance, les Chrysostôme, les Augustin, les Jérôme, les Grégoire de Nazianze, les Ambroise, les Justin, les Athanase, les Cyprien et les Cyrille, conservèrent ce caractère d'évidence, de grandeur et de dignité que le génie et la piété de ces grands hommes imprimoient à tout ce qui sortoit de leur bonche ou de leur plume; mais, dans la suite, ce fut un inconvénient de n'avoir d'autres professeurs de morale, que des scolastiques, amis des abstractions, ou des hommes qui ne considéroient jamais que le point théologique, et qui étoient étrangers, par état et par devoir, aux affaires de la société. On ne vit paroître que des livres ascétiques, des ouvrages de controverse, des discussions oiseuses et métaphysiques sur la béatitude formelle ou intuitive, des recueils de décisions versatiles sur les divers cas de conscience, ou des dissertations sur ce qu'on appeloit les objets dogmatiques de la morale. Je distinguerai pourtant les admirables Essais de Nicole et les excellens Traités des Bossuet et des Fénélon (1).

Un plus grand inconvénient encore fut de subordonner entièrement les vérités sociales à l'enseigne

(1) Je ne parle pas des prédicateurs, parce que le geni e d'instruction dont ils sont chargés, n'appartient pas proprement à la morale enseignée comme science.

ment des écclésiastiques, et de fournir à ceux-ci le prétexte et surtout l'occasion d'envahir toute juridiction. La morale embrasse tout. Tout ce qui est contre la morale, disoit-on, est un péché : les péchés sont de la juridiction de l'église, donc elle demeure juge et arbitre suprême de tout ce qui intéresse les moeurs privées et publiques. Avec ce principe d'attraction, les ministres du culte cherchèrent à usurper, plus ou moins directement, tout le pouvoir temporel des Etats.

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Un autre inconvénient non moins grave, fut de faire trop dépendre l'évidence du droit naturel, des preuves de la vérité de la religion positive. Il arrivoit de là, les que du monde confondoient la morale avec les dogmes et avec les pratiques religieuses, qu'ils la reléguoient dans les séminaires et dans les cloîtres, et que tous ceux qui étoient ou qui devenoient insensibles aux motifs supérieurs de la révélation, ne se croyoient plus liés par la morale même.

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Les grandes querelles que l'on voyoit s'élever entre le sacerdoce et l'empire éclairèrent peu à peu les magistrats de tous les gouvernemens. Ils revendiquerent le droit inaliénable de veiller eux-mêmes sur cette partie de la morale, qui a toujours appartenu aux sociétés humaines, qui a été naturelle avant que d'être révélée, qui a existé avant l'institution du sacerdoce, et dont le dépôt ou la conservation importe essentiellement à la sûreté et au bonheur des empires. On comprit encore qu'il étoit utile que les hommes eussent une morale fondée sur la nature et la raison, indépendamment de telle ou de telle autre religion positive.

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