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que l'on ne tera jamais, que les abus que Vous nous reprochez, disons-le encore, que ces cruautés prétendues religieuses qui ont ensanglanté la terre, étaient nées des marimes de l'Evangile. (VOLTAIRE.) Vous ne nous parlez que des dragonnades, des massacres des Cévennes.... Ils sont l'abus de la religion chrétienne, et non de son institution, cette religion aussi douce que vraie, aussi indulgente qu'éclairée, aussi bienfaisante que démontrée.

L'abus au contraire est dans la chose même, quand il naît des faux principes que l'on avoue et que l'on se plaît à répandre. Ce serait insulter à ma raison et à mon malheur, de vouloir me persuader qu'un tigre qui aurait dévoré tous mes parents, ne les aurait mangés que par abus, et non par une cruauté attachée à sa nature. Il faudrait de même me démontrer que toutes ces fureurs dont on fait tant de bruit, et qui en effet font frémir l'homme vraiment religeux, étaient de l'esprit d'un Evangile de paix et de charité, et nées de ces saintes et douces maximes, comme il est démontré qu'un vautour a toujours été carnassier, et que ce n'est pas par des abus passagers qu'il dechire la timide colombe.

Persistera-t-on à tout confondre, et à vouloir ignorer que les passions ont trop souvent arboré les enseignes de la religion; mais elles la trahissent, en affectant de la servir. On est véritablement, selon l'Evangile, le loup couvert de la peau de brebis; mais lorsque le loup devient berger, sa voix doit bientôt trahir le déguisement.

L'abbé MERAULT.

ACADEMICIENS CONVERTIS (LES). La révolution a fait ce que les missionnaires et les théologiens n'auraient jamais pu faire elle a converti des académiciens, des philosophes, espèce d'hommes très-rebelles aux sermons, et abandonnés de tous les prédicateurs. Ceux dans qui l'orgueil et l'ambition n'avaient pas encore étouffé le germe de la raison et de la vertu, ont été consternés de l'horrible résultat de leurs principes. Errant eux-mêmes sur les montagnes qu ils avaient entassées pour escalader le ciel, ils ont rendu un hommage tardif mais sincère à la religion qu'ils avaient outragée.

Parmi ces illustres pénitents, on compte les Raynal, les La Harpe, et particulièrement l'estimable écrivain Marmontel, qui, enivré comme tant d'autres des vapeurs philosophiques, est revenu à lui-même, à l'aspect des premières explosions du volcan révolutionnaire; et, par dix ans de sagesse, a réparé quelques écarts où son cœur avait eu moins de part que son esprit.

Jeté, dès sa première jeunesse, sur la scène du monde, dans ce tourbillon de passons et de folies, sans guide, sans expérience, avec le désir et les besoins de faire

(1) Excellent critique, écrivain piquant, zélé défenseur des saines doctrines, Le naturel, la viva

valoir ses talents, est-il étonnant qu'il se soit égaré? Les philosophes étaient alors à l'affût de tous les jeunes gens qui arrivaient de leurs provinces avec quelques dispositions; il fallait ou s'engager sous leurs bannières, ou se résoudre à vivre dans l'oubli: eux seuls avaient les clefs du temple de la renommée. Jean-Jacques lui-même, avec son génie fier et indépendant, ne put d'abord se produire que sous leurs auspices. Ces hommes, qui ne prêchaient que tolérance et liberté, poussaient eux-mêmes la tyrannie et le fanatisme au point d'écraser le téméraire auteur qui se présentait au public sans avoir leurs livrées.

Marmontel fut un des principaux ouvriers de cette tour de Babel, de ce vaste et monstrueux monument destiné à perpétuer l'audace extravagante des novateurs qui l'ont érigé, et la soltise du siècle assez généreux pour en faire les frais compilation funeste qui a tué la science, en propageant les erreurs, en multipliant les demi-savants, mille fois pires que les ignorants, et dont la révolution surtout nous a fait connaître le danger. Il n'y a point aujourd'hui de sot qui ne s'imagine être dispensé du travail et de l'étude, et ne se croie un docteur, parce qu'il a l'encyclopédie dans sa bibliothèque. Marmontel pourrait être regardé comme un des coopérateurs les plus innocents de cette œuvre nuisible, puisqu'il n'a fourni que des articles de littérature; mais, dans l'ordre moral, tout est intimement lié: le goût tient au bon sens, le bon sens aux mœurs et à la vertu; pervertir le goût d'une nation, c'est corrompre et dénaturer son caractère.

Ce qui fait plus d'honneur à Marmontel que tous ses ouvrages, c'est la franchise de sa conversion. Il avait toujours été un des philosophes les plus honnêtes et les plus dé

cents. Cette aride et désolante doctrine n'avait point flétri son âme... Bon père, bon époux, bon ami, sur la fin de sa vie il joignit à ces qualités celle de Chrétien; il revint à la religion de ses pères, et ne se montra jamais plus philosophe que lorsqu'il abjura la philosophie. GEOFFROY (1).

ACCORD DE LA FOI ET DE LA RAISON.

Nos dogmes sacrés, même ceux que la raison ne peut comprendre, sont rendus croyables par la raison. Le premier caractère de notre foi est d'être raisonnable: non pas, sans doute, parce qu'une raison éclairée nous en montre les principes. La raison ne borne pas là les services qu'elle reni à la religion. Souveraine absolue dans l'étendue de son domaine, elle conserve sa dignité sous l'empire de la révélation; elle l'aide à repousser les erreurs qui attaquent la foi; elle la seconde dans la réforme des abus qui la défigurent; elle contribue à éclairer la piété, à épurer le zèle, à éloigner de l'une la superstition, à écarter de l'autre le fanatisme; et son utile influence se fait sentir jusque dans sa soumission.

cité, l'abandon, dit Feletz, étaient le caractère dominant de son style.

Admirable concert de ces deux autorités que Dieu nous a données pour nous diriger! Tantôt la révélation soumet ses preuves à l'examen de la raison, tantôt la raison assujettit ses idées aux décrets de la révélation: souvent elles marchent ensemble, se secourent, s'entr'aident, se prêtent une force mutuelle; et toujours leur précieuse réunion a pour objet notre instruction et notre bonheur.

don! Dieu nous a donné le domaine : es honimes ont parcouru dans tous les sens sa superficie, mais jamais ils ne pénètrèrent jusqu'au centre.

En tout genre nous ne connaissons que des surfaces. L'obscurité de nos connaissances est une des infirmités de notre nature; notre raison est bornée comme nos forces, et nous n'avons pas plus de droit à tout connaître qu'à tout pouvoir.

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Le card. DE La Luzerne.

Quoiqu'on dise que la foi a pour objet des choses obscures, néanmoins ce pourquoi nous les croyons n'est pas obscur, mais il est plus clair qu'aucune lumière naturelle. Il faut ici distinguer entre la matière ou chose à laquelle nous donnons notre créance, et la raison formelle qui meut notre volonté à la donner; car c'est dans cette seule raison formelle que nous voulons qu'il y ait de la clarté et de l'évidence. DESCARTES.

ACTION DU CHRISTIANISME

SUR LE GÉNIE de l'homme.

Quel malheureux intérêt a donc pu, dans ces derniers temps, les faire regarder comme deux puissances rivales qui se disputent l'empire des esprits? Ces barrières éternelles que la raison avait toujours considérées avec respect, l'incrédulité entreprend enfin de les briser. Fière des nouvelles découvertes dont l'esprit humain a agrandi sa domination, elle ose tenter des conquêtes jusque sur le domaine que Dieu s'est réservé; tout ce qu'elle ne pourra usurper, elle prétend le détruire; et son projet est d'anéantir toutes les vérités qu'il lui sera impossible de réduire sous le joug de sa raison. Tel est le système moderne : tous les dogmes religieux que la raison ne comprend point, elle doit les rejeter; et dès qu'ils paraissent lui être supérieurs, ils lui sont contraires. Que les Les invasions des Barbares replongèrent incrédules contemplent donc ce qui se passe l'Europe dans l'ignorance; et l'anarchie qui tous les jours sous leurs yeux! Combien de suivit l'introduction du régime féodal ne vérités, certaines, incontestables, auxquelles contribua pas peu à retarder les progrès des la philosophie s'élève par la force du raison- lumières. Les cloîtres devinrent le seul renement, surpassent l'intelligence du vul- fuge des connaissances humaines. Mais du gaire! Et cette même philosophie pourrait moment que des jours plus sereins commens'étonner que les vérités de la religion fus- cèrent à luire, on vit les lettres et les sciensent au-dessus de tous les esprits humains, ces, longtemps concentrées dans ces solitudes, comme s'il était en son pouvoir de calculer prendre tout à coup un rapide essor. Il apparjusqu'à quel degré les pensées de Dieu doi- tenait à la religion, qui en avait conservé le vent être au-dessus des pensées des hom- précieux dépôt, de leur donner une vie noumes! Oui, c'est en vain qu'on oppose à la velle, d'en favoriser la marche, et de proclarté des preuves de notre foi l'incompré- duire par son heureuse influence tant d'imhensibilité de ses objets la raison elle-mortels ouvrages dont l'antiquité n'offre pas même nous apprend qu'il est conforme à ses principes de se soumettre à des vérités qu'elle ne peut comprendre.

:

Le sentiment le plus intime que la raison humaine ait d'elle-même est celui de sa faiblesse : elle n'en pénètre pas la cause, qu'une lumière supérieure peut seule lui découvrir; mais elle en sent l'effet. A chaque pas, elle se heurte contre un mystère. C'est l'aveugle, à qui il manque un sens pour connaître la manière dont les choses existent.

Lorsque nous entreprenons d'approfondir la nature, de sonder ses principes, de nous enfoncer dans l'examen des causes, nous nous trouvons arrêtés par une impénétrable obscurité; nos idées s'égarent, se perdent, se dissipent dans l'immense région des systèmes. Nous ignorons l'essence de la matière et ses grandes propriétés : nous ne comprenons ni la nature de l'âme, ni son union avec le corps. Chaque siècle, en ajoutant à nos connaissances, nous apporte de nouvelles obscurités. Il en est de ce vaste champ des connaissances humaines, dont notre raison est si orgueilleuse, comme de la terre (1) Jean-Baptiste Rousseau.

de modèles. Quel noble et imposant caractère, en effet, elle sait imprimer au talent! Le lyrique français plane dans les cieux (1), lorsqu'il suit le vol du Psalmiste; Athalie est le fruit de la lecture des livres saints, et le Discours sur l'histoire universelle, le plus beau monument peut-être dont se puisse enorgueillir notre littérature, a été tout entier inspiré par cette même religion dont il décrit l'origine, la suite, les combats et le triomphe, Sans doute, à quelque époque et en quelque pays qu'ils fussent nés, Pascal, Racine et Bossuet n'auraient point été des hommes ordinaires; mais on peut douter cependant qu'ils eussent atteint ces hauteurs, dernières limites tracées, pour ainsi dire, à l'esprit humain, si leur génie n'eût été nourri et fortifié par la méditation habituelle des vérités les plus sublimes. Voltaire et J.-J. Rousseau même sont toujours admirables, lorsque, dominés par un ascendant irrésistible, ils rendent hommage à ce culte qu'ils n'ont que trop souvent outragé. Le premier n'est jamais plus pathétique et plus touchant que quand il célèbre les ver

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ADVERSAIRES (LES) DE LA RELIGION

SE RÉFUTENT EUX-MÊMES.

J'ai recherché avec soin et lu avec grande attention tous les auteurs qui ont attaqué notre foi avec le plus d'acharnement. J'ai fait en sorte, dans mon travail sur la religion, qu'aucune objection, qu'aucune considération de quelque poids ne pût m'échapper. J'ai lu tous les écrivains qui sont censés n'avoir pas toujours suivi les routes communes;... il est résulté pour moi, de toutes ces lectures, une conviction profonde; rien ne m'a rassuré et confirmé davantage dans mes premiers sentiments, que de voir que ces hommes, en réputation d'être si redoutables, non-seulement n'avaient pu m'ébranier, mais n'avaient servi qu'à me faire voir plus à fond la vérité, et à m'inspirer la confiance que je l'avais trouvée.

Le poëte l'a dit quelquefois deux poisons ensemble deviennent un remède. Car en voyant d'un côté les hautes pensées de ces écrivains, et de l'autre les erreurs pitoyables dans lesquelles ils sont tombés, j'ai souvent admiré, en moi-même, la providence de Dieu, qui les oppose tellement l'un à l'autre, qu'ils fournissent toujours des armes contre eux-mêmes.

ADVERSITÉ (DE L').

LEIBNITZ.

Il manque beaucoup à tout homme, quel que grand qu'il soit d'ailleurs, qui n'a jamais senti l'adversité. On ne connaît ni les autres hommes ni soi-même, quand on n'a jamais été dans l'occasion du malheur, où l'on fait la véritable épreuve de soi et d'autrui. La prospérité est un torrent qui vous porte; en cet état, tous les hommes vous encensent, et vous vous enivrez de cet encens, Mais l'adversité est un torrent qui vous entraîne, et contre lequel il faut se roidir sans relâche. Les grands princes ont plus de besoin que tout le reste des hommes des leçons de l'adversité: c'est d'ordinaire ce qui leur manque le plus. Ils ont besoin de contradiction pour apprendre à se modérer, comme les gens d'une médiocre condition ont besoin d'appui. Sans la contradiction les princes « ne sont point dans les travaux des hommes, » et ils oublient l'humanité. Il faut qu'ils sentent que tout peut leur échapper, que leur grandeur est fragile, et que les hommes qui sont à leurs pieds leur manqueraient, si cette grandeur venait à leur manquer. Il faut qu'ils s'accoutument à ne vouloir jamais hasarder de trouver le bout

de leur pouvoir, et qu'ils sachent se mettre par bonté en la place de tous les autres hommes, pour voir jusqu'où il faut les ménager. Il est bien plus important au vrai bien des princes et de leurs peuples que les princes acquièrent une telle expérience, que de les voir toujours victorieux.

L'adversité donne aux princes un lustre qui manque à la prospérité la plus éclatante. Elle découvre en eux des ressources que le monde n'aurait jamais vues, si tout fût venu au-devant d'eux au gré de leurs désirs. La plus grande de toutes les victoires est celle d'une sagesse et d'un courage qui est victorieux du malheur même. FENELON. ALEXANDRE LE GRAND A JÉRUSALEM.

Lors du siége de Tyr par Alexandre le Grand, qui dura sept mois, Alexandre envoya des commissaires sommer les habitants des pays voisins de se soumettre, et de fournir aux besoins de son armée. Les Juifs s'en excusèrent sur ce qu'ils avaient prêté le serment de fidélité à Darius, et persistèrent à répondre que, tandis qu'il vivrait, ils ne pouvaient pas reconnaître d'autre maître. Alexandre, irrité d'un tel refus, après la prise de Tyr fit marcher son armée sur Jérusalem, bien déterminé à tirer une vengeance mémorable du refus qui lui avait été fait. Dans un danger aussi pressant, le grand prêtre Jaddus, qui gouvernait sous les Perses, eut recours à la protection de Dieu, ordonna des prières publiques pour obtenir son secours, et lui offrit des sacrifices.

Dieu lui apparut en songe la nuit suivante, et lui dit de faire répandre des fleurs dans la ville, de faire ouvrir toutes les portes, et d'aller, revêtu de ses habits pontificaux, avec tous les sacrificateurs, aussi revêtus des leurs, et tous les autres vêtus de blanc, au-devant d'Alexandre, sans rien appréhender de ce prince, parce qu'il les protégerait. Cette auguste procession partit dès le lendemain; elle s'arrêta à une certaine distance de la ville, dans un endroit élevé. Ayant appris que l'armée était proche, elle marcha au-devant du roi. Alexandre fut frappé à la vue du souverain sacrificateur, qui portait sur la tiare et sur le front une lame d'or, sur laquelle le nom de Dieu était écrit. Dès qu'il l'aperçut, plein d'un profond respect, il s'avança vers lui, s'inclina en terre, adora ce Nom auguste, et salua le grand prêtre avec une vénération religieuse. Les Juifs, s'étant assemblés autour d'Alexandre, élevèrent leurs voix pour lui souhaiter toutes sortes de prospérités. La surprise de tous les habitants fut inexprimable; à peine en croyaient-ils le témoignage de leurs propres yeux.

Parménion, premier général d'Alexandre, qui ne pouvait revenir de son étonnement, demanda au roi d'où venait donc que lui, qui était adoré de tout le monde, adorait le grand sacrificateur des Juifs?

« Ce n'est pas, lui répondit Alexandre, le grand sacrificateur que j'adore, mais le Dieu de qui il est le ministre: car, lorsque j'étais

encore à Die, en Macédoine, et que, l'esprit plein du grand dessein de la guerre contre la Perse, je délibérais par quel moyen je pourrais conquérir l'Asie, ce même homme, et avec les mêmes habits, m'apparut en songe, et m'exhorta à ne rien craindre, me dit de passer hardiment le détroit de l'Hellespont, et m'assura que son Dieu marchait à la tête de mon armée, et me ferait vaincre l'armée des Perses. >>

Alexandre ajouta qu'il n'avait pas plutôt aperçu ce prêtre, qu'il l'avait reconnu à son habit aussi bien qu'à sa taille, à son air et à son visage, pour la personne qui lui était apparue à Die; qu'il ne pouvait douter qué ce ne fût par les ordres et sous la conduite de Dieu, qu'il avait entrepris cette guerre ; qu'il se tenait assuré désormais de vaincre Darius et de détruire l'empire des Perses, et que c'était pour cela qu'il adorait ce Dieu en la personne de son prêtre.

Alexandre, après avoir ainsi répondu à Parménion, embrassa le grand sacrificateur et les autres prêtres, marcha ensuite au milieu d'eux, arriva en eet état à Jérusalem, monta autemple, et offrit des sacrifices à Dieu, en la manière que le grand sacrificateur lui dit qu'il fallait le faire.

Le grand prêtre lui fit voir ensuite les endroits de la prophétie de Daniel qui le regardaient. On conçoit aisément quelle joie et quelle admiration causèrent à Alexandre des prophéties si claires et si détaillées. Avant que de sortir de Jérusalem, il fit assembler les Juifs, et leur ordonna de lui déclarer quelle grâce ils souhaitaiont de lui. Ils lui répondirent qu'ils le priaient de leur permettre de vivre selon les lois de leurs pères, et de les exempter, en la septième année, du tribut ordinaire, parce que cette année-là, selon leurs lois, il ne leur était pas permis de semer leurs terres, ni de faire, par conséquent, des récoltes. Alexandre leur accorda leur requête; et, sur ce que le grand prêtre le pria d'agréer aussi que les Juifs, qui étaient dans Babylone et dans la Médie, pussent vivre selon leurs lois, il le promit avec beaucoup de bonté. ROLLIN.

ALIMENTS DE L'HOMME.

L'homme sait user en maître de sa puissance sur les animaux ; il a choisi ceux dont la chair flatte son goût, il en a fait des esclaves domestiques, il les a multipliés plus que la nature ne l'aurait fait, il en a formé des troupeaux nombreux, et, par les soins qu'il prend de les faire naître, il semble avoir acquis le droit de se les immoler: mais il étend ce droit bien au delà de ses besoins; car, indépendamment de ces espèces qu'il s'est assujetties, et dont il dispose à son gré, il fait aussi la guerre aux animaux sauvages, aux oiseaux, aux poissons; il ne se borne pas même à ceux du climat qu'il habite, il va chercher au loin, etjusqu'au milieu des mers, de nouveaux mets, et la nature entière semble suffire à peine à son intempérance et à l'inconstante variété de ses appétits; l'homme consomme, engloutit lui seul plus de chair que

tous les animaux ensemble n'en dévorent; il est donc le plus grand destructeur, et c'est plus par abus que par nécessité au lieu de jouir modérément des biens qui lui sont offerts, au lieu de les dispenser avec équité, au lieu de réparer à mesure qu'il détruit, de renouveler lorsqu'il anéantit, l'homme riche met toute sa gloire à consommer, toute sa grandeur à perdre en un jour à sa table plus de biens qu'il n'en faudrait pour faire subsister plusieurs familles; il abuse également et des animaux et des hommes, dont le reste demeure affamé, languit dans la misère, et ne travaille que pour satisfaire à l'appétit immodéré et à la vanité encore plus insatiable de cet homme, qui, détruisant les autres par la disette, se détruit lui-même par les excès. BUFFON.

ALLUVIONS.

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Les eaux tombent sur les crêtes et les sommets des montagnes, ou les vapeurs qui s'y condensent, ou les neiges qui s'y liquéfient, descendent par une infinité de filets le long de leurs pentes; elles en enlèvent quelques parcelles, et y marquent leur passage par des sillons légers. Bientôt ces filets se réunissent dans les creux plus marqués dont la surface des montagnes est labourée; ils s'écoulent par les vallées profondes qui en entament le pied, et vont former ainsi les rivières et les fleuves, qui reportent à la mer les eaux que la mer avait données à l'atmosphère. A la fonte des neiges, ou lorsqu'il survient un orage, le volume de ces eaux des montagnes, subitement augmenté, se précipite avec une vitesse proportionnée aux pentes: elles vont heurter avec violence le pied de ces croupes de débris qui couvrent les flanes de toutes les hautes vallées; elles entraînent avec elles les fragments déjà arrondis qui les composent; elles les émoussent, les polissent encore par le frottement; mais à mesure qu'elles arrivent à des vallées plus unies, où leur chute diminue, ou dans des bassins plus larges, où il leur est permis de s'épandre, elles jettent sur la plage les plus grosses de ces pierres, qu'elles roulaient; les débris plus petits sont déposés plus bas, et il n'arrive guère au grand canal de la rivière que les parcelles les plus menues, ou le limon le plus imperceptible. Souvent même le cours de ces eaux, avant de former le grand fleuve inférieur, est obligé de traverser un lac vaste et profond, où leur limon se dépose, et d'où elles ressortent limpides. Mais les fleuves inférieurs, et tous les ruisseaux qui naissent des montagnes plus basses, ou des collines, produisent aussi, dans les terrains qu'ils parcourent, des effets plus ou moins analogues à ceux des torrents des hautes montagnes. Lorsqu'ils sont gonflés par de grandes pluies, ils attaquent le pied des collines terreuses ou sableuses qu'ils rencontrent dans leur cours, et en portent les débris sur les terrains bas qu'ils inondent, et que chaque inondation élève d'une quantité quelconque; enfin, lorsque les

fleuves arrivent aux grands lacs oa à la mer, et que cette rapidité, qui entraîne les parcelles du limon, vient à cesser tout à fait, ces parcelles se déposent aux côtés de l'embouchure elles finissent par y former des terrains qui prolongent la côte; et, si cette côte est telle que la mer y jette de son côté du sable, et contribue à cet accroissement, il se crée ainsi des provinces, des royaumes entiers, ordinairement les plus fertiles, et bientôt les plus riches du monde, si les gouvernements laissent l'industrie s'y exercer en paix (1). Cuvier.

ALPES (LES).

Dans ces cantons, moitié sauvages, moitié cultivés, le peintre de la nature la surprendra pour ainsi dire dans son atelier, entourée des restes du chaos, au milieu d'une création ébauchée et de formes majestueuses qui annoncent une main toutepuissante. Il ne trouvera pas ailleurs ces grands effets des ombres et de la lumière, ces dessins hardis et sublimes, auxquels l'imagination seule ne saurait atteindre. Ici, des rochers inaccessibles d'une hauteur effrayante, entrecoupés d'écueils bizarres ou de grottes obscures, paraissent toucher la voûte des cieux; leurs cimes, en surplombant au-dessus d'un profond abîme, menacent de le couvrir de leurs ruines; couronnées de touffes épaisses d'arbres courbés par la vétusté, elles jettent au loin leurs ombres prolongées, et répandent une fraîcheur inaltérable. Là, des torrents s'élancent du sein des nues, se dispersent dans l'air, ou forment dans leur chute des cascades variées; le soleil les fait briller des feux du diamant ou des couleurs de l'arc-en-ciel; leurs ondes, rassemblées dans des gouffres qu'elles ont creusés, s'en échappent avec une nouvelle force, et blanchissent de leur écume les marbres épars qui s'opposent à leur cours. Ces beautés terribles sont contrastées par la vue riante des montagnes et des coteaux tapissés de diverses nuances de verdure; la surface tranquille d'un bean lac répète leur image et réfléchit, par un beau jour, l'azur du ciel le plus pur; au milieu d'un sombre désert, un vallon occupé par une nombreuse colonie présente le tableau d'une retraite paisible et de l'union si rare parmi les hommes. BERGASSE.

AMBITION (L').

L'ambition montre à celui qu'elle aveugle, pour terme de ses poursuites, un état florissant où il n'aura plus rien à désirer, parce que ses vœux seront accomplis, où il goûtera le plaisir le plus doux pour lui, et dont il est le plus sensiblement touché, savoir de dominer, d'ordonner, d'être l'arbitre des affaires et le dispensateur des gråces; de briller dans un ministère, dans une dignité éclatante; d'y recevoir l'encens du public et ses soumissions; de s'y faire craindre, honorer, respecter.

(1) La Hollande en offre un exemple.

aux

Tout cela rassemblé dans un point de vue. lui trace l'idée la plus agréable, et peint à son imagination l'objet le plus conforme vœux de son cœur. Mais dans le fond ce n'est qu'une idée, et voici ce qu'il y a de plus réel: c'est que, pour at teindre jusque-là, il y a une route à tenir pleine d'épines et de difficultés; c'est que, pour parvenir à cet état où l'ambition so figure lant d'agréments, il faut prendre mille mesures toutes également gênantes, et toutes contraires à ses inclinations; qu'il faut se miner de réflexions et d'étude; rouler pensées sur pensées, desseins sur desseins; compter toutes ses paroles, composer toutes ses démarches; avoir une attention perpétuelle et sans relâche, soit sur soi-même, soit sur les autres; c'est que, pour contenter une seule passion, qui est de s'élever à cet état, il faut s'exposer à devenir la proie de toutes ses passions; car y en a-t-il une en nous que l'ambition ne suscite contre

nous?

Et n'est-ce pas elle qui, selon les différentes conjonctures et les divers sentiments dont elle est émue, tantôt nous aigrit des dépits les plus amers, tantôt nous envenime des plus mortelles inimitiés, tantôt nous enflamme des plus profondes colères, tantôt nous accable des plus cruelles jalousies, qui font souffrir à une âme comme une espèce d'enfer, et qui la déchirent par inille bourreaux intérieurs et domestiques? C'est que, pour se pousser à cet état, et pour se faire jour au travers de tous les obstacles qui nous en ferment les avenues, il faut entrer en guerre avec des compétiteurs qui y prétendent aussi bien que nous, qui nous éclairent dans nos intrigues, qui nous dérangent dans nos projets, qui nous arrêtent dans nos voies; qu'il faut opposer crédit à crédit, patron à patron, et pour cela s'assujettir aux plus ennuyeuses assiduités, essuyer mille rebuts, digérer mille dégoûts, se donner mille mouvements, n'être plus à soi et vivre dans le tumulte et la confusion. C'est que, dans l'attente de cet état, où l'on n'arrive pas tout d'un coup, il faut supporter des retardements capables non-seulement d'exercer, mais d'épuiser toute la patience; que, durant de longues années, il faut languir dans l'incertitude du succès, toujours flottant entre l'espérance et la crainte, et souvent, après des délais presque infinis, avoir encore l'affreux déboire de voir toutes ses prétentions échouer, et ne remporter, pour récompense de tant de pas malheureusement perdus, que la rage dans le cœur et la honte devani les hommes.

Je dis plus c'est que cet état, si l'on est entin assez heureux pour s'y ingérer, bien loin de mettre des bornes à l'ambition et d'en éteindre le feu, ne sert au contraire qu'à la piquer davantage et qu'à l'enflammer; que d'un degré on tend bientôt à un autre, tellement qu'il n'y a rien où l'on ne se porte, ni rien où l'on se fixe; rien que

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