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M. Tholuck commence ce chapitre, et qui ont pour objet l'idée que fes nations de l'orient se font des prophètes, médiateurs entre Dieu et l'homme, ni aux éloges emphatiques par lesquels les musulmans relèvent l'excellence de Mahomet, et en font une créature toute privilégiée. Je ne veux considérer ici que l'opinion qu'ont les sofis, et des prophètes, fondateurs de diverses religions, et des religions elles-mêmes: et à cet égard il ne faut pas s'arrêter aux pompeuses descriptions qu'ils font, toutes les fois que l'occasion s'en présente, de Mahomet et d'Ali; car tout cela pourroit bien n'être qu'un hommage rendu aux opinions du vulgaire, et recéler un système fort différent de celui qu'admettent les musulmans orthodoxes. Et en effet, des hommes qui professent ouver tement que toute religion est égale pour l'homme spirituel qui connoît Dieu; que Dieu (comme le dit l'auteur du Dabistan, p. 488) est le principe et la source de toutes les sectes religieuses, et que toutes les religions cesseront d'exister un jour, parce que dès à présent même elles n'existent point en réalité ; que quiconque tient encore à une religion ou à un culte, n'est pas délivré de la dualité, c'est-à-dire, n'est pas arrivé à l'union avec Dieu; que quiconque dit que les musulmans sont audessus des chrétiens ne connoit pas l'être véritable (Dab. p. 493): de tels hommes ne semblent pas devoir faire un grand cas de Mahomet et des autres prophètes.

Il paroît que les sofis considèrent les prophètes sous un double point de vue: l'un extérieur, comme chargés d'établir sur la terre des religions accommodées aux temps et aux circonstances, mais qui ne sont tout ali plus que des emblèmes de la vérité; l'autre intérieur, comme des hommes spirituels, instruits d'une doctrine plus sublime, et dont la mission a pour but de préparer les hommes à leur réunion avec Dieu. Ce système est celui des Druzes ; et je pense que, sauf quelques modifications, il est aussi le vrai système des softs. Un long passage du Mesnévi, rapporté par M. Tholuck, justifie cette idée, et fait bien entrevoir que les prophètes et Mahomet lui-même ne sont qu'un secours donné aux hommes pour les disposer à s'élever jusqu'à Dieu, et dont on ne doit plus tenir compte, quand une fois on est entré dans la voie de la spiritualité. Mais, d'un autre côté, les sofis ne craignent point de dire que les prophètes sont comme des particules de Dieu; qu'ils sont Dieu même; que, fussent-ils au nombre de cent mille multipliés par plusieurs milles (1), ils ne sont qu'un; que leurs paroles sont les paroles

(1) Je dis multipliés par plusieurs milles; car c'est là ce que signifie ulljaja, expression dont M. Tholuck n'a pas connu le sens,

de Dieu; que qui les voit, voit Dieu; et tout cela se conçoit facilement, eu égard au second point de vue que j'ai indiqué. Il est bon d'observer que, sous le nom de prophètes, les sofis comprennent les fondateurs de toutes les religions; car l'idolâtrie même trouve grâce, en théorie du moins, devant eux. La latitude que je donne au nom de prophète est autorisée par ce texte du Dabistan (p. 480): «Les sofis disent qu'un >> prophète est un personnage envoyé aux hommes pour les conduire à » un certain degré de perfectionnement ¿, qui a été destiné pour eux » dans la science divine, conformément aux dispositions des archetypes

כן

כל

soit que ce degré de perfectionne باقتضای استعدادات اعیان ثابته «

ככ

>>ment soit la foi, ou autre chose. »

En terminant ce chapitre, M. Tholuck parle du respect des sofis pour leurs supérieurs ou maîtres spirituels: on peut consulter à cet égard le Pend-nameh.

Le chapitre VIII contient l'exposé du style mystique des sofis et des symboles les plus usités dans leurs poésies. J'ai déjà dit ailleurs ce que je pense du sens mystique dans lequel doivent être entendues les poésies de Hafedh et des sofis en général, et je n'ai pas besoin de répéter ici qu'on se méprendroit grossièrement, si, s'arrêtant au sens littéral, on les considéroit comme des chansons bachiques ou érotiques. Quelle que soit la licence des expressions et l'obscénité des figures, je pense, avec M. Tholuck, que leurs auteurs y ont effectivement déposé l'enthousiasme d'une dévotion exaltée, et les élans d'un spiritualisme favorisé par une imagination ardente et peu mesurée. Le Gulschen-raz fournit l'explication d'un grand nombre des symboles les plus usités, et M. de Hammer en a aussi expliqué plusieurs dans l'ouvrage intitulé, Geschichte der schoenen Redekunste Persiens. M. Tholuck a cité des vers du Gulschen-raz par lesquels l'auteur commence l'explication du sens mystique qu'ont dans ce langage les mots idole, ceinture (la ceinture nommée ainsi est le signe distinctif des juifs et des chrétiens), et s chrétien. Je rapporterai seulement quelques-uns de ces vers, d'abord pour corriger le texte donné par M. Tholuck, où il y a une faute, ainsi qu'il l'a lui-même soupçonné, et ensuite pour donner une idée de la manière dont l'auteur persan justifie l'emploi de ces symboles.

« L'idole ici signifie la personne qui devient le théâtre de l'amour et » de l'union (c'est-à-dire, dans laquelle se manifestent les transports » de l'amour divin et de l'union avec Dieu); la ceinture est le symbole » de l'engagement qu'on prend de s'attacher à son service. Puisque » l'infidélité et la religion n'ont d'existence que dans l'être unique, » Fidolâtrie même est la confession du dogme de l'unité. Puisque

» toutes choses ne sont que comme les théâtres où se montre l'être » unique, l'idole aussi est une de ces choses. Fais bien réflexion à ceci,, » homme doué d'intelligence: l'idole, considérée sous le point de vue » de l'être unique (qui se manifeste en elle comme dans toutes les autres » choses), n'est point une chose vaine et mensongère. Puisque c'est » le Dieu très-haut qui est son créateur, tout ce qui vient d'un être qui » est bon, ne peut manquer d'être bon.... Ne parler que d'une seule » chose, ne voir qu'une seule chose, ne connoître qu'une seule chose, » voilà ce qui renferme le tronc et les branches de la vraie foi. Ce n'est » pas moi qui dis cela: écoute ces paroles de l'Alcoran: Il n'y a point » de différence entre les créatures de Dieu.»

بت اینجا مظهر عشقست و وحدت بود زنار بستن عهد خدمت
چوکفر و دین بود قائم بهستی شود توحید عین بـت پــرســتی
چواشیا هست هستی را مظاهر از آن جمله یکی بت باشد آخـــر
نکو اندیشه کن ای مرد عاقل که بت از روی هستی نیست باطل
بدان کاپزد تعالی خالق اوست زنیکو هر چه صادر کشت نیکوست
بدین ختم آمد اصل و فرع ایمان
بین و یکی دان بدین ختم آمد
یکی شوی ویکی بین ویکی دان

نمن میگویم این بشنو زقرآن تفاوت نیست اندر خلق رحمان

M. Tholuck, à la fin de ce chapitre, dit quelques mots des danses des dervischs. Il a omis de parler du langage de convention qu'ils se sont fait. J'ai fait connoître dans les Notices et Extraits des manuscrits, tome IX, la grammaire et le dictionnaire de cette langue, qu'ils nomment Balaibalan.

Nous arrivons au dernier chapitre, qui est consacré à l'exposition des divers degrés entre lesquels se partagent ceux qui aspirent à la perfection de la vie spirituelle. Ce que M. Tholuck dit à ce sujet est principalement tiré des mémoires de M. Graham, et de mes notes sur le Pend-namèh d'Attar. On peut encore tirer quelques lumières dé

dont M. Hammer a donné des نفحات الانس Fouvrage de Djani intitule

extraits dans l'ouvrage que j'ai cité, et du Dabistan; mais cette matière n'est pas suffisamment éclaircie, et je soupçonne que la division théorique et pratique de ce mysticisme en plusieurs degrés, peut avoir varié suivant les temps et les lieux. Je n'entrerai donc dans aucun détail à ce sujet.

Les sofis admettent, d'après l'auteur du Dabistan, une sorte de métempsychose, qu'ils divisent en deux espèces, l'une nommée-liï, pour les ames imparfaites, l'autre appelée, pour les ames parvenues

à la perfection (Dab. p. 494 ). Ceci pourroit donner la solution de la question que j'ai proposée sur le sort des ames qui sortent de ce monde sans avoir travaillé à s'unir à Dieu. Je me contente d'indiquer cela comme un sujet de recherches à ajouter à celles de M. Tholuck.

Un autre point de doctrine important omis aussi par notre auteur, et dont il n'est, je crois, fait aucune mention dans le Dabistan, c'est l'opinion où sont les sofis que Dieu a donné le gouvernement du monde à un certain nombre de saints personnages qui se sont élevés au plus haut degré de la vie contemplative. J'ai dit quelque chose de cela dans les notes sur la vie d'Attar, qui se trouve dans le Pend-namèh; et j'y ai cité, d'après la traduction de M. Hammer, un passage fort curieux dude Djami. Je n'avois pas alors le texte de cet ouvrage sous les yeux. L'ayant consulté depuis, j'ai reconnu que la traduction avoit besoin d'être réformée. Je saisis l'occasion qui se présente d'en donner ici une version plus exacte.

« Dieu a laissé une preuve subsistante de la mission de Mahomet; » et il s'est servi, pour la manifestation de cette preuve, des saints » mystiques‚Âl, afin qu'en cela se trouve une démonstration toujours

> existante de l'authenticité de l'Alcoran et de la véracité de Mahomet. » Il a fait de ces saints personnages les administrateurs du monde, depuis qu'ils se sont exclusivement consacrés à l'observation des paroles de » Mahomet qui nous ont été transmises par la tradition, et qu'ils ont → renoncé à suivre en quoi que ce soit leurs propres inclinations. C'est » par un effet de leurs vertus et des bénédictions que leur présence attire » sur le monde, que la pluie tombe du ciel, que les plantes sortent du » sein de la terre; c'est à leurs saintes prières qu'est due la victoire que » les musulmans obtiennent sur les infidèles. Ils sont au nombre de » quatre mille, tous cachés, ne se connoissant pas les uns les autres, » et ignorant eux-mêmes le rang qu'ils possèdent. En toute circonstance, » ils demeurent cachés pour les hommes et le sont à eux-mêmes. Il y a >> des traditions qui confirment la vérité de cela, et plusieurs saints per» sonnages l'ont attesté; moi-même j'ai été, grâce à Dieu, témoin de quelques aventures qui en font foi. Quant à ceux qui sont les dépo» sitaires du pouvoir souverain (de commander à toute la nature, et » qu'on peut considérer comme les officiers généraux de la cour du Tout-puissant, ils sont au nombre de trois cents: on les nomme akhyar ; il y en a quarante autres qu'on appelle abdal Jal, sept » autres qu'on désigne sous le nom d'abrar, puis encore quatre » qu'on appelle avtad s, trois qui portent le nom de nokaba,

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» et enfin un qui est appelé gauth, et kotb. Tous ces person»nages se connoissent réciproquement, et dans certains cas ils ont » besoin d'obtenir le consentement les uns des autres. Il y a aussi >> certaines traditions qui confirment la vérité de cela, et tous les » hommes spirituels sont d'accord sur la réalité de ces choses. L'auteur » du livre intitulé les Révélations de la Mecque, dans le >> XXXI. chapitre du CXCVIII. livre, dit qu'il y a sept personnages qui * portent le nom d'Abdal; il affirme que Dieu a partagé la terre en >> sept climats, et qu'il a choisi sept de ses serviteurs auxquels il a donné » le nom d'Abdal; il ajoute que Dieu conserve l'existence de chacun » des sept climats par le ministère de l'un de ces sept personnages.. . . . » Le scheïk Férid-eddin Attar a dit: Parmi les saints amis de Dieu, il » y a quelques personnages que les plus doctes et les principaux maîtres de » la vie spirituelle nomment OwEIS: ces gens-là n'ont besoin d'aucun » maître (ou directeur spirituels) extérieur et sensible, parce que le » prophète les élève lui-même dans l'appartement de sa faveur, sans aucun » intermédiaire, comme il a fait à l'égard d'OwEis &c. »

Cet Oweïs est un personnage célèbre du temps de Mahomet, qui, dans une condition très-basse et sans aucune instruction extérieure, étoit parvenu au plus haut degré de perfection et de spiritualité. On

-Hariri en fait mention dans sa trente اویس بن عامر القرني le nomme

neuvième séance.

Les sofis forment une secte si nombreuse et si répandue dans les contrées où domine le mahométisme, qu'on ne sauroit guère douter qu'ils ne se soient partagés sur plusieurs points de doctrine en diverses opinions, et que quelques-uns n'aient poussé plus loin que les autres les conséquences pratiques de leur dangereuse doctrine. Mais les renseignemens nous manquent pour connoître ces nuances d'opinions; et d'ailleurs rien n'est plus difficile que de se faire une idée juste de toutes les divisions et subdivisions d'un système de doctrine qui échappe le plus souvent à la raison et à l'intelligence, et dans lequel tous les mots prennent dés acceptions étrangères au langage ordinaire. C'est ce que reconnoît Hadji Khalfa dans l'article de son dictionnaire bibliographique, où il traite du ou système des sofis, et par lequel je terminerai cette analyse de l'ouvrage de M. Tholuck.

«Le Tasawauf est une science par laquelle on apprend à connoître, » autant que l'esprit humain en est capable, de quelle manière les » hommes qui aspirent à la perfection, s'élèvent successivement en » parcourant les divers échelons de leurs béatitudes, et par laquelle on

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