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Jorsque les motifs en seront connus. L'auteur ne vouloit présenter que des documens certains: ceux qui sont relatifs à la jonction du Danube au Rhin, aux grandes entreprises de la Russie, à celles des Etats-Unis d'Amérique, qu'il destine au premier volume, lui ont paru exiger un complément de détails et d'authenticité qu'il n'a pu encore obtenir et qu'il attend.

Nous avons rendu compte, il n'y a pas long-temps, d'un mémoire sur des canaux d'irrigation établis dans un des départemens de la France (1). Cet objet est intéressant, parce qu'il a pour but de procurer des récoltes abondantes à des pays où le sol est stérile. Les espèces de canaux dont il s'agit dans le livre de M. Huerne de Pommeuse, sont bien d'une autre importance, car ils sont un moyen de communication entre des contrées séparées les unes des autres par de plus ou moins grandes distances; ils facilitent les transports de marchandises et de denrées, en diminuent les frais et économisent des hommes et des chevaux. L'auteur, frappé de cette utilité, s'est livré à l'étude d'un système déjà projeté de navigation intérieure: il a formé le dessein de décrire les canaux existans, et d'indiquer ceux qu'il seroit avantageux de faire, sur-tout en France. C'est un travail considérable, pour lequel il faut du temps, de la sagacité, et une grande exactitude. M. Huerne, ayant le genre d'esprit, le zèle et la patience qui convenoient pour bien remplir cette tâche qu'il s'étoit donnée, l'a déjà bien avancée; il est à desirer qu'il puisse bientôt l'achever. Le rapport au Roi, relativement aux canaux navigables, par M. le directeur des ponts et chaussées, ne lui est point inconnu : rendant justice à ce rapport, M. Huerne le regarde comme un encouragement de plus pour le porter lui-même à publier ses recherches, plus étendues que celles qui ont été faites précédemment.

A la tête de l'ouvrage est une introduction de quarante-quatre pages: l'auteur y expose les principaux motifs qui l'ont déterminé à l'entreprendre; il les reproduit tels qu'il les a présentés en 1816 à la chambre des députés (2). « Les canaux navigables, et sur-tout les canaux à points de » partage, peuvent réunir la même utilité que les canaux d'irrigation, > aux avantages inestimables de la navigation. On ne peut se dissimuler > combien de connoissances, de risques et d'avances ils exigent de plus, > ne fût-ce que pour la construction de ces immenses réservoirs qu'il faut » établir dans les chaînes mêmes des montagnes, qui déterminent les » pentes et séparent les cours opposés des divers fleuves, afin de créer » des sources artificielles à des fleuves nouveaux dont l'homme puisse à

(1) Cahier de mars, p. 131-137. — (2) Moniteur du 29 mars 1816.

son gré maîtriser et diriger la marche, soit pour franchir avec hardiesse, » soit pour descendre avec mesure par des espèces de degrés formés » par autant d'écluses, ces mêmes chaînes de montagnes, et réunir ainsi » les fleuves et les mers, que la nature sembloit avoir à jamais séparés. »

M. Huerne appuie ces assertions de l'autorité et de l'opinion de Sully sur l'utilité des canaux navigables. I invoque ensuite l'exemple de l'Angleterre, qui, bien qu'environnée de la mer, jouissant du cabotage le plus facile et pourvue de rivières et de fleuves, avoit cru, jusqu'à 1755, pouvoir se passer de canaux navigables. Un homme de génie, le duc de Bridgewater, eut une autre pensée, et prouva par la construction d'un canal ce qu'on pouvoit retirer de cette branche de prospérité. Bientôt il eut de nombreux imitateurs : l'état et les particuliers en construisirent plus de cent. M. Huerne reproche à la France, elle qui avoit depuis long-temps commencé, de n'avoir encore que six grands canaux de navigation et vingt petits.

Les avantages que nous obtiendrions en multipliant les canaux, seroient, 1.° de soulager nos chemins, à l'entretien desquels il faut sacrifier des dépenses incalculables, parce qu'on manque de bons matériaux dans beaucoup d'endroits et qu'ils coûtent cher à fouiller, transporter et placer; 2.o de créer et de soutenir des exploitations métallurgiques; 3.° d'augmenter nos produits agricoles; 4.° de faciliter le transport et la distribution des bois.

L'ouvrage de M. Huerne est divisé en livres; mais nous avons dit qu'il ne commence qu'à la deuxième partie, la première devant occuper tout le volume qui n'est pas encore en état de paroître. Dans cette deuxième partie, l'auteur traite de tout ce qui a rapport aux canaux de l'Angleterre. Ce qu'il doit en dire est précédé d'un tableau comparatif des mesures de longueur, de surface et de capacité, des poids et monnoies d'Angleterre et de France.

M. Huerne a senti que le nombre des canaux navigables établis en Angleterre est trop considérable pour qu'il fît une description de chacun d'eux, et que d'ailleurs il en résulteroit nécessairement beaucoup de répétitions superflues, à cause des circonstances et des procédés, qui sont communs à divers canaux. Il s'est borné à faire connoître en détail ceux qui composent les lignes navigables les plus grandes et allant d'une mer à l'autre. A l'égard des moins considérables, il a cru devoir ne s'arrêter qu'à un seul, pour chaque branche d'utilité publique et particulière; mais il n'a négligé aucun des détails et des développemens qui pouvoient en donner une idée complète.

Le premier des grands canaux dont la description se trouve ici,

est celui du duc de Bridgewater; l'auteur fait l'éloge de ce lord et n'oublie point le mécanicien Brindley, qui a rempli ses intentions d'une manière si remarquable. Le duc, jeune encore, entreprit et fit construire à ses frais le premier canal navigable d'Angleterre, pour donner les débouchés les plus vastes et les moins dispendieux à des mines de charbon de terre qu'il possédoit à Worsley, et que l'étendue de leur gîte sembloit rendre inépuisables; il calculoit en outre les bénéfices qu'il retireroit des droits de transport sur son canal; enfin on peut imaginer qu'après son intérêt particulier, il faisoit entrer pour quelque chose dans son projet l'honneur de donner un bel exemple pour la prospérité de son pays. Quant à l'ingénieur mécanicien James Brindley, il étoit né dans le comté de Derby, de parens qui avoient dissipé une médiocre fortune: son éducation s'étoit trouvée négligée; mais la force de son génie seul l'éleva et en fit un des hommes les plus distingués par ses talens et ses succès dans des entreprises pour lesquelles il falloit une rare capacité.

Le duc présida à tout le travail de son canal; il surmonta toutes les difficultés; il réduisit sa dépense personnelle à quatre cents livres sterling par an, et consacra le surplus à ses grandes entreprises. Il habita sur un des bateaux pour les ateliers des ouvriers, afin de tout surveiller.

Le canal de Bridgewater a quarante milles de longueur: il se compose de trois branches, dont la réunion est à Longford; de ce point, l'une remonte à Worsley et l'autre à Manchester; la troisième descend à Runcorn, à l'embouchure de la Mersey. Au moyen d'un barrage, on fit une prise d'eau considérable dans la rivière de Medlock à Manchester: tout le vannage du barrage est en fonte, ainsi que les feuillures dans lesquelles les vannes se meuvent; l'eau est retenue dans un réservoir de trois cent soixante-six verges de circonférence, au centre duquel est un déchargeoir de forme circulaire. Ce n'est pas le seul réservoir; il y en a plusieurs autres. L'auteur n'oublie pas de parler d'un pont-aqueduc sur l'Irwell, sur la rivière de Bollin; d'une route latérale à cette rivière; des portes de sûreté pour prévenir les accidens graves qui résultent des ruptures des levées ou chaussées: il donne les dimensions du canal, tant de ce qui est sous terre, que de ce qui est à ciel ouvert. Plus de cent cinquante bateaux naviguent journellement dans les parties souterraines, et trois cent cinquante à découvert. Le nombre d'ateliers et de chantiers, celui des ports, des bassins de radoub, des magasins de tout genre que nécessite à Worsley une navigation si active, sont trèsconsidérables. On assure que le canal à découvert a coûté vingt-deux mille livres sterling, et les parties souterraines soixante-huit mille, Le

propriétaire des mines dépense annuellement soixante-huit mille livres, et en retire un produit de quatre-vingts à quatre-vingt-dix mille livres sterling; on estime que les fonds qu'il a employés lui rapportent net vingt pour cent,

Indépendamment de l'utilité dont est le canal de Bridgewater à la fortune du propriétaire, à la population qu'il entretient, le bien qu'il fait à tout le pays est encore plus remarquable: l'auteur choisit pour exemple la ville de Manchester, dont les nombreuses fabriques n'auroient pu se passer du combustible qu'il leur apporte; ce canal détermine pour elles d'autres communications navigables, qu'on a voulu faire participer aux avantages de la sienne. A cette occasion, l'auteur donne une idée de la prospérité de cette ville. En 1758, sa population étoit de vingt-sept mille ames; ce fut en 1768 qu'y fut établie la première machine à filer, due à Richard Arckwright; en 1772, on commença à faire des calicots, et, en 1781, des mousselines; à cette époque, la population s'élevoit déjà à cinquante milfe ames; en 1815 elle s'élevoit à cent dix mille. L'application d'un nouveau mécanisme de filature, une bonne distribution du travail, et l'établissement d'un grand nombre de machines à vapeur (on en compte plus de trois cents), sont les causes du grand succès des manufactures de Manchester. On voit quelle immense consommation il s'y fait de charbon de terre, dont le prix étoit élevé avant la facilité de transport que le duc de Bridgewater avoit jugée nécessaire. « Ce qui signale le plus la grandeur de l'entreprise, c'est d'avoir, dit » M. Huerne, déterminé celle des lignes navigables artificielles qui » traversent l'Angleterre, en partant de ce canal qui embouche dans » la mer d'Irlande, pour aller d'un côté à Hull, sur la mer du Nord, et » de l'autre de Liverpool à Londres. >>

De ce canal l'auteur passe à celui du Grand-Trunk ou de Trent et Mersey, proposé par le lord Gower, depuis marquis de Stafford, d'après les conseils et les plans de l'ingénieur Brindley et de M. Hucaton: il décrit ensuite ceux de Fazeley et de Old-Birmingham, de Coventry, d'Oxford; celui de grande jonction, qui, partant de Braunston sur le canal d'Oxford, se dirige vers Londres par une voie plus directe, en évitant des détours et les inconvéniens que présentoit la Tamise, sur-tout pour la remonte; enfin le canal dit du Régent.

Un tableau présente la ligne de navigation intérieure entre Londres et Liverpool, et un autre celle des canaux qui s'y rattachent.

Nous ne croyons pas devoir suivre la série des autres canaux, tant de ceux qui établissent les grandes lignes navigables d'Écosse, de la mer d'Irlande à la mer du Nord, que ceux qui ne sont pas compris dans ces

lignes et qui sont décrits ici comme exemples pour diverses branches d'utilité publique. Nous dirons seulement qu'à l'égard du canal dit Calédonian, l'auteur rappelle l'article de l'Encyclopédie britannique traduit par M. Dutens, et la description qu'en a donnée M. Charles Dupin dans ses Mémoires sur la marine et les ponts et chaussées de France et d'Angleterre. « Quoique deux ouvrages aussi distingués, dit M. Huerne de »Pommeuse, soient nécessairement très-répandus, il est essentiel, pour » suivre le plan que nous nous sommes proposé, de consacrer un article » à un canal aussi important. »

L'auteur termine ces diverses citations par une comparaison entre un canal et un chemin de fer, pour établir une grande communication pour laquelle on a l'option de l'un ou de l'autre : il existe en Angleterre soixante-quinze lieues de ces chemins, établis au jour ou à la surface du sol, et autant sous terre, ce qui forme un développement de cent cinquante lieues. Dans une société pour l'entreprise d'une communication entre Newcastle et Carlisle, c'est-à-dire, entre les mers de l'ouest et celles de l'est dans le nord de l'Angleterre, quelques membres mirent en question s'il y auroit plus d'avantage à faire un canal qu'un chemin de fer pour l'exploitation des mines de charbon de Newcastle. Calcul fait de la dépense du fer en lui-même, des accessoires et des frais d'établissement, il résulta que, pour la construction d'un che min de fer simple, la dépense est d'environ deux mille cinq cents livres sterling par mille anglais, et que la construction du canal est moins dispendieuse que celle d'un chemin en fer double, quoique présentant des avantages bien plus importans et coûtant moins d'entretien. M. Huerne de Pommeuse fait observer avec raison que les calculs peuvent varier, en raison de la différence des localités et des difficultés extraordinaires qu'on peut avoir à surmonter,

Ce qui a rapport à l'Angleterre est terminé par un tableau synoptique des canaux navigables de ce royaume et par le résumé des considérations principales que présente le système de navigation intérieure de ce pays.

Nous ferons connoître dans un deuxième article le système des canaux établis en France.

TESSIER.

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