expliquée, mieux présentée comme la source probable de celle d'Hésiode et d'Homère. Il n'est plus dit qu'Orphée épura les mystères d'Eleusis et leur donna plus de solennité; mais, au contraire, que si plusieurs auteurs lui attribuent l'institution des mystères, «< ce ne peut pas être » celle des mystères d'Éleusis... où l'on faisoit jouer un grand rôle à Dionysus ou Bacchus, au culte duquel Orphée fut toujours opposé et » qu'il ne fit point entrer dans son système religieux (1). » M. Clavier disoit, dans sa première édition, que Cécrops défendit, suivant Pausanias, de sacrifier aux dieux aucun animal, qu'il introduisit l'usage d'offrir seulement des gâteaux et des parfums, usage qui subsista longtemps dans l'Attique, où celui des sacrifices sanglans eut beaucoup de peine à s'établir: ces lignes sont remplacées par une discussion assez étendue sur ce texte de Pausanias et sur ceux de Platon et de Porphyre qui concernent le même sujet. L'auteur en conclut que les sacrifices sanglans n'étoient défendus que sur l'autel particulier de Jupiter Hypatus, ou le Très-haut; et que si, plus généralement, il étoit prescrit, dans l'ancienne Attique, de ne point sacrifier de bœufs, cette défense ne s'étendoit point aux autres animaux (2). M. Clavier avoit assez déclaré que l'histoire de Thésée lui sembloit fort fabuleuse : il fortifie cette opinion de quelques considérations nouvelles. L'existence même de ce personnage lui sembleroit douteuse, si Nestor ne parloit pas de lui, dans l'Iliade, comme d'un héros qu'il a jadis connu. Le nom de Thésée étoit presque ignoré à Athènes, avant que Cimon eût découvert ou feint de découvrir son tombeau dans l'île de Scyros. Si Thésée avoit eu quelque célébrité, Clisténès auroit donné son nom à une des tribus, et le poëte Eschyle l'auroit pris pour le héros de quelqu'une de ses tragédies. L'histoire de Bacchus, ou plutôt de son culte, occupoit à peine dix pages; elle en remplit maintenant près de trente, où elle est mieux éclairée par celle d'Osiris, et par des recherches sur les thesmophories. L'auteur explique avec plus de clarté la part qu'eut Mélampus à l'introduction ou à la réforme de ce culte dans la Grèce. On peut, au moyen de ces exemples, se former une idée du travail auquel s'est livré feu M. Clavier, tant pour corriger les erreurs qui lui étoient échappées, que pour répandre plus de lumières sur les points qu'il avoit cominencé d'éclaircir. Par ces additions, et par un grand nombre de nouvelles notes, le premier, volume, qui conduit l'histoire jusqu'à l'époque de la guerre de Troie, est augmenté d'environ un cinquième. Le tome second n'a guère été moins enrichi, quoique plusieurs. כל morceaux, par exemple ceux qui concernent les guerres messéniennes, כל exigea quelques années; enfin il fallut passer sur le territoire des » peuples les plus belliqueux de la Grèce, ce que les Héraclides n'au» roient jamais osé entreprendre, si une partie des forces de ces peuples » n'avoit pas été hors du pays avec les chefs les plus vaillans. Il est » donc très-probable que l'expédition des Grecs contre Troie, à la » quelle les Doriens ne prirent aucune part, fut ce qui fit concevoir >> aux Héraclides le projet de retourner dans le Péloponnèse. D'un » autre côté, il est constant qu'Hyllus fut tué par Échémus, et cela » suffit, ce me semble, pour prouver qu'Agamemnon et Ménélas étoient » absens. C'étoient à eux en effet qu'en vouloient les Héraclides, qui » n'avoient aucune prétention sur l'Arcadie, comme leur conduite le » prouva dans la suite. Or, est-il croyable que les Atrides, jeunes et » vaillans, comme nous les représente Homère, eussent souffert qu'un >> autre vidât une querelle qui leur étoit personnelle! Mais en les sup» posant absens, tout s'explique. Échémus étoit beau-frère d'Agamem» non et de Ménélas... ; il étoit d'ailleurs le seul prince de considé»ration qui fût resté dans le Péloponnèse; il étoit donc tout naturel » qu'il prît la défense de ses beaux-frères. . . ; il y a même toute appa»rence que ce fut lui qui rassembla les troupes qui se rendirent à » l'Isthme.... A la vérité, Pausanias, dans son huitième livre, semble » supposer qu'Echémus étoit mort avant la guerre de Troie...; mais >> il n'avoit sur cela aucune autorité positive..., puisque, dans son » premier livre, il avoit placé sous le règne d'Oreste le combat sin» gulier d'Échémus et d'Hyllus, &c.... (1). » M. Clavier avoit présenté ces mêmes résultats en 1809, mais il les avoit moins bien établis. La nouvelle édition de l'Histoire des premiers temps de la Grèce a un volume de plus que la précédente, savoir le troisième, qui se compose de trois additions, d'un mémoire sur les oracles, suivi de notes, d'une ample table des matières, et de onze tableaux généalogiques dont les trois derniers sont réunis sur la même feuille. כל La première addition est intitulée Origine des lettres. C'est une réfutation de l'opinion de M. Aug. Fréd. Wolf, qui, dans ses prolégomènes sur Homère, a soutenu qu'au temps de ce poëte, et à plus forte raison de la guerre de Troie, l'usage de l'écriture n'étoit pas encore introduit ou répandu chez les Grecs. M. Clavier avoit déjà publié dans le Magasin encyclopédique la plupart des observations qu'on lit ici contre ce système. L'ancienne tradition qui attribue à Cadmus l'introduction de l'alphabet, le commerce des Phéniciens trop étendu pour ne pas exiger des écritures, la perfection des poëmes d'Homère, les vers où ce poëte parle des tablettes dont Bellerophon fut porteur, tels sont les argumens qu'on oppose à M. Wolf, en même temps que l'on répond à celles qu'il tire, soit d'un passage de Josèphe, soit de la rareté des matières sur lesquelles on pouvoit écrire, soit enfin de la nouveauté des ouvrages composés en prose. Cette discussion n'est pas du tout étrangère à l'histoire des premiers temps de la Grèce; car M. Clavier établit, sinon la certitude, du moins la probabilité des faits qu'il rassemble sur l'hypothèse d'une suite d'inscriptions lapidaires ou même de registres, sur lesquels on consignoit, dès la plus haute antiquité, les (1) Tom. II, p. 4, 5, 6, 7. noms et la succession des rois, des magistrats, des prêtres ou prêtresses. Nous devons avouer que nous ne connoissons aucune preuve immédiate, ni même aucun indice suffisant, de l'existence de ces registres ou de ces inscriptions dans les siècles de la Grèce antérieurs à la guerre de Troie. La seconde addition est très-courte; elle a pour objet le nom Tpauxos, Græcus, Grec, qui nous sert à désigner la nation des Hellènes. Cette appellation n'est ni ancienne, ni exacte, selon M. Clavier : il regarde comme supposés les vers que Lydus cite en les attribuant à Hésiode, et où il est question d'un fils de Pandore appelé Tpauxós. II pense que si Alcman et Sophocle ont employé le mot gas, ce n'étoit pas comme nom de peuple, mais peut-être comme le pluriel de χαίξ οι γραῖα, vieille. Il ne trouve que την Πειραικήν, le canton nommé Péraïque, dans le passage de Thucydide où Étienne de Byzance a lu v Ipav. Un Eolien qui conduisit une colonie sur les côtes situées entre l'lonie et la Mysie, et qui ensuite s'avança jusqu'au Granique, s'appelle Tpàs dans Pausanias et dans Strabon: de là, suivant M. Clavier, le nom du Granique peut-être, et probablement celui de Grecs, appliqué depuis par les Romains à tous les Hellènes. « On sait, dit-il, que, sous les derniers rois de Lydie et sous les premiers rois de » Perse, il y eut des émigrations considérables parmi les peuples » Hellènes de l'Asie mineure. Il en partit plusieurs colonies qui se » portèrent en Italie. Les Éoliens sur-tout furent très-maltraités sous » le règne de Darius fils d'Hystaspes, à l'occasion de la révolte qu'ils » avoient partagée. Il suffit qu'une de ces colonies se soit trouvée en » relation avec les Romains, pour que ceux-ci aient donné le nom de » Graii ou Græci à tous les peuples qui parloient la même langue. » C'est ainsi que nous donnons le nom d'Allemands à tous les peuples » de la Germanie, quoiqu'ils ne le reconnoissent point eux-mêmes » pour un nom général, et à tous les Helvétiens le nom de Suisses, qui » n'est celui que d'un petit canton. » La troisième addition est destinée à confirmer ce qui a été dit, à la fin du tome I.", de l'époque de la prise de Troie. M. Clavier a rapproché cet événement de l'année 1100 avant J. C; et l'expédition des Argonautes, de l'année 1150. A notre avis, ces dates ne seroient point assez reculées, et nous préférerions 1180 et 1230, dates adoptées par Scaliger et par Pétau, d'après Ératosthènes, Diodore de Sicile, Denys d'Halicarnasse et Censorin. On a fait même remonter la ruine de Troie à l'an 1209, conformément aux marbres de Paros, ou bien encore à l'année 1 294, sur l'autorité d'Hérodote, qui, né en 484, compte huit cents ans entre lui et Pan, né de Pénélope et de Mercure, vers le' temps de la catastrophe des Troyens (1). Mais on a tout au contraire reproché à M. Clavier, dans le Quarterly Review de Londres, d'avoir donné à cette catastrophe une date trop ancienne, et, à cette occasion, l'on a reproduit le système de Newton, qui la place en 904, et de Mitford, qui, dans son Histoire de la Grèce, suit en partie la chronologie de Newton. M. Clavier s'est donc cru obligé d'exposer les motifs qu'il a eus de ne la point adopter, et qu'il emprunte des observations publiées dans le siècle dernier par le P. Souciet (2) et par Fréret. Quoique le savant mémoire de M. Clavier sur les oracles des anciens tienne étroitement à l'histoire des premiers temps de la Grèce, nous ne nous y arrêterons point, parce qu'il est généralement connu par l'édition particulière qui en a été publiée au mois de novembre 1817, au moment même de la mort de l'auteur. Ce mémoire avoit été lu en 1814 à l'une des classes de l'Institut, et les résultats en ont été mis sous les yeux du public dès 1815 (3). Nous avons indiqué la table des matières (4); elle remplit cent-vingtsix pages, et cette étendue étoit nécessaire pour faciliter l'usage d'une histoire qui ne contient qu'une série unique et continue de récits et de recherches sans division en chapitres ni en livres, ni par époques, ni par royaumes ou républiques. Il y règne pourtant beaucoup d'ordre, et ce parfait enchaînement qui résulte d'une connoissance profonde de toutes les parties et de tous les détails du sujet. L'ordre général de l'ouvrage est celui des temps; et cependant l'auteur est entraîné quelquefois à s'en écarter, par le besoin de répandre d'avance plus de lumières sur le tableau des institutions de la Grèce, ou de rassembler des notions qui doivent s'éclairer l'une par l'autre. On a déjà pu remarquer, dans notre extrait même, que M. Clavier parle d'Orphée avant d'arriver à Cécrops, et que l'article de Bacchus ne vient qu'après celui de Thésée. Nous n'oserions décider s'il n'y avoit pas moyen de suivre une marche plus constamment chronologique. Si l'on excepte la prise de Troie, et auparavant l'expédition des Argonautes, M. Clavier s'abstient d'exprimer les dates par des chiffres qui, selon lui, ne peuvent presque jamais avoir d'exactitude à l'égard de ces anciens temps. C'est seulement par les généalogies qu'il mesure (1) V. Herod. Eut. CXLV. (2) On a, par erreur, imprimé Somia au lieu de Souciet dans l'ouvrage de M. Clavier. (3) Voyez p. 55-65 de l'Exposé des travaux de la classe d'hist. et de litt. anc., par M. Daunou. Paris, F. Didot, 1815, in-4.° (4) Elle a été refaite et fort augmentée par les éditeurs. |