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DES SAVANS,

AOÛT 1822.

A PARIS,

DE L'IMPRIMERIE ROYALE.

1822.

LE prix de l'abonnement au Journal des Savans est de 36 francs par an, et de 40 fr. par la poste, hors de Paris. On s'abonne chez MM. Treutel at Würtz, à Paris, rue de Bourbon, n.o 17; à Strasbourg, rue des Serruriers, et à Londres, n.o 30 Soho-Square. Il faut affranchir les lettres et l'argent.

Tout ce qui peut concerner les annonces à insérer dans ce journal, lettres, avis, mémoires, livres nouveaux, &c. doit être adressé, FRANC DE PORT, au bureau du Journal des Savans, à Paris, rue de Ménil-montant, n.° 22.

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AIRTEL

JOURNAL

DES SAVANS.

AOÛT 1822.

VOYAGE EN SUISSE, fait dans les années 1817, 1818 et 1819, suivi d'un Essai historique sur les maurs et les coutumes de l'Helvétie ancienne et moderne, dans lequel se trouvent rétracés les événemens de nos jours avec les causes qui les ont amenés ; par M. Simond, auteur du Voyage en Angleterre; 2 forts vol. in-8. chez Treuttel et Würtz.

PREMIER ARTICLE.

J'AI souvent entendu reprocher aux faiseurs et auteurs de voyages,

qu'ils se mêloient de décrire des pays, sans avoir encore eu le temps de les bien connoître; qu'ils jugeoient du caractère des peuples, sans avoir vieilli au milieu d'eux, et du mérite des institutions, sans s'être trouvés à même de les apprécier, ni comme conseillers, ni même

comme prisonniers d'État. A entendre certaines personnes, il ne seroit permis de hasarder son opinion sur les différences caractéristiques de pays à pays et de peuple à peuple, qu'après que, par un long séjour, on se seroit tout-à-fait familiarisé avec elles; sans songer que ces différences qui frappent au premier coup d'œil et que l'étranger saisit de suite, s'effacent insensiblement et se confondent par l'habitude même de les observer tous les jours. J'aurois bien des raisons à alléguer contre un pareil principe, dont une conséquence presque inévitable seroit que chaque contrée devroit être nécessairement décrite par ses propres habitans, la Grande-Bretagne par un Anglais, l'Helvétie par un Suisse, ou tout au moins par des hommes qui y auroient acquis le droit de cité, et qui produiroient, pour premier titre à la confiance de leurs lecteurs, des lettres de naturalisation. Mais j'aime mieux réfuter cette doctrine, qui nous auroit privés des observations du grave Montaigne (1), du docte Mabillon (2), du judicieux Addison (3), et de tant d'autres, si elle eût été la leur; j'aime mieux, dis-je, la réfuter par l'exemple de M. Simond, homme aussi très-grave et très-instruit, qui ne craint pas de publier deux gros volumes sur un petit pays qu'il n'a fait que parcourir, lentement à la vérité, et à plusieurs reprises, mais enfin en voyageur, qui n'attend pas, pour parler d'une ville, qu'il s'y soit arrêté dix ans, qui décide de l'aspect d'un lac ou de celui d'un vallon, seulement après les avoir traversés, décrit un chalet au bout d'un quart d'heure, tout comme s'il y avoit passé sa vie, prononce hardiment sur la situation des bains de Pfeffers, sans y avoir fait une cure de six semaines, et va même jusqu'à dire son avis sur la qualité des eaux de Louesch, sans avoir été à Louesch.

L'Helvétie est peut-être le pays de l'Europe qui a été le plus souvent décrit. On feroit probablement une bibliothèque plus nombreuse qu'aucune de celles qui existent en Suisse, de tous les livres qui ont été publiés sur la Suisse ; et pourtant, c'est peut-être aussi, de tous les pays de l'Europe, celui qui a le moins changé, sous quelque rapport qu'on l'envisage. Il y a de même, à travers toutes les différences que l'âge, le caractère, le goût et le génie particulier des auteurs ont répandues sur ces diverses relations, une sorte de conformité et des traits

(1) Voyages de Michel de Montaigne; Paris, 1775, in-8. Tout ce qui a rapport à la Suisse a été traduit en allemand dans l'Almanach helvétique de 1800, p. 49-82.-(2) Mabillon, Iter Germanicum; Hambourg, 1717, p. 12-41. (3) Observations d'Addison, &c., traduit de l'anglais en allemand. Altenburg, 1752, in-8.

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généraux de ressemblance, qui tiennent sans doute à la nature même du pays. Des hommes de la tournure et de la trempe d'esprit les plus opposées, qui se succèdent perpétuellement dans la Suisse, la voient presque tous des mêmes yeux; et le paysage des Alpes exerce sur les sens et sur l'imagination de l'étranger, à-peu-près le même empire ou, si l'on veut, le même prestige, que sur les goûts et les habitudes du peuple qui le cultive. Je ne connois guère qu'un écrivain qui ait fait de nos jours exception à l'usage constant des voyageurs, en faisant en quelque sorte, de la satire des Alpes, celle de leurs admirateurs, et se refusant à mettre de la poésie là où tout le monde en trouve, peutêtre parce qu'il en avoit placé dans la religion et dans l'histoire. Mais, s'il est vrai, comme on me l'a assuré dans le pays même, que cet écrivain soit resté dix-sept jours au pied du Mont-Blanc, sans pouvoir trouver un moment favorable pour y monter, il ne faudroit peut-être pas chercher ailleurs la cause de cette humeur que lui ont inspirée les Alpes et de l'aversion privilégiée qu'il a pour les montagnes.

Quoi qu'il en soit, pour revenir à M. Simond, qui ne paroît pas en général susceptible d'émotions bien vives, ni fort disposé à l'enthousiasme, attendu qu'il a passé une grande partie de sa vie aux États-Unis d'Amérique, je remarquerai d'abord qu'il se passionne et s'échauffe quelquefois tout comme un autre, à l'aspect d'un beau paysage, d'une montagne couverte de neige, ou même d'une simple chute d'eau. A la vérité, en homme familier avec les détails de l'industrie d'un grand peuple et versé dans la connoissance de l'économie politique, il s'arrète et séjourne de préférence dans les villes manufacturières, policées et industrieuses; il semble se plaire à Genève, à Saint-Gall ou à Zurich, plus que dans les agrestes villages des petits cantons, qui cependant ont conservé davantage la physionomie helvétique. Il ne va point à Altorf ni à Appenzell; mais, en revanche, il visite longuement et curieusement les établissemens de Pestalozzi, à Iverdun, et de Fellenberg, à Hofwyl. A Schwyz même et à Glarus, chefs-lieux de deux des cantons démocratiques les plus intéressans par l'originalité des mœurs pastorales et des institutions républicaines, il ne cherche et ne recueille guère que les souvenirs de l'expédition de Souvaroff, qui n'a passé dans ces profondes vallées que comme les torrens qui les ravagent. Il parcourt et traverse la Suisse dans tous les sens, d'une manière presque aussi irrégulière que l'est sa surface à elle-même; mais il s'écarte peu du grand chemin que suit le diplomate en litière et le négociant en char-à-banc; et le sommet de la Wengern-Alpe et du Breven est le terme de sa plus grande élévation au-dessus du sol helvétique. Il salue de loin les cimes

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