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En des circonstances ordinaires et paisibles, l'accomplissement des devoirs semble tenir de si près à l'intérêt personnel, qu'on peut supposer qu'il éprouvera peu de difficultés et d'obstacles; mais il n'est point d'homme qui, plusieurs fois pendant le cours de sa vie, ne doive trouver, dans ses propres passions, dans celles des autres, dans les mouvemens divers imprimés autour de lui, des forces qui contrebalanceront celles de sa raison et de sa conscience. C'est alors sur tout que ce qui n'auroit été que sagesse ou même qu'innocence, peut prendre le caractère de vertu; le principal service que doivent rendre l'instruction et les institutions morales, est de créer les habitudes les plus propres à triompher de ces périls, qui ne sont ni légers ni rares. Nous aurions desiré que M. Brun eût donné un peu plus d'attention à cette partie essentielle de la science des mœurs.

Chacune de ces cinquante-six leçons est fort courte, et la forme en est ordinairement celle d'un dialogue entre un père et un fil; mais ce dialogue est indiqué plutôt que coupé régulièrement par des interrogations et des réponses: il en est moins fatigant, et se péte davantage aux détails de la matière et au cours naturel des idées ; c'est fort souvent une sorte d'entretien entre l'auteur et des lecteurs qu'il suppose jeunes, car il n'entend composer qu'un livre élémentaire. La rédaction nous en a paru fort claire; le style n'a aucune affectation de profondeur, quoiqu'il y ait peut-être dans ce volume plus de vues générales, plus d'aperçus ou de rapprochemens nouveaux qu'en bien d'autres ouvrages dont l'appareil est moins modeste.

Observateur fidèle des règles de politesse qu'il a établies, l'auteur s'est interdit toute controverse. On voit bien qu'il a une parfaite connoissance des divers systèmes philosophiques qui peuvent s'écarter du sien; mais il évite de les rencontrer, et il réussit à ne s'engager dans aucune réfutation. Les résultats auxquels il arrive par les voies particulières qu'il s'est tracées, se concilient non-seulement avec de tout autres théories, mais avec tous les genres de devoirs naturels et avec toutes les institutions positives. Il n'a guère hasardé, en matière de législation, qu'une seule observation critique; elle a pour objet la peine de mort, dont il desire l'abolition. On sent bien qu'une question si grave, et qui ne se détache pas autant qu'on le croit du système entier des lois, ne sauroit être approfondie dans un livre où l'auteur s'est tenu je plus loin qu'il a pu, des discussions politiques. Mais les lecteurs qui ne partageroient pas son opinion sur ce point, rendroient sans doute encore hommage aux sentimens qui la lui ont dictée.

L'une des idées qui dominent dans ce volume, est que l'instruction

morale n'a d'efficacité, d'uti'ité que lorsqu'elle communique des habitudes et non de simples opinions. Tous les efforts de M. Brun tendent à résoudre les notions en habitudes. En effet dans la plupart des autres études, l'esprit travaille à recueillir des idées, à les éclaircir, à les étendre, à les enchaîner étroitement; mais, en morale, il n'y a de progrès réels que ceux qui se manifestent par la pratique. Les hommes les plus sages ou les plus vertueux ne seroient pas toujours les plus capables de composer des traités sur la science des mœurs; il ne la savent enseigner que par leurs exemples; mais ici le plus habile est celui qui fait le mieux, non celui qui sait le plus. Les actions des hommes sont bien plus déterminées par les habitudes qu'on leur a fait contracter dès l'enfance, que par les doctrines dont on les a imbus.

DAUNOU.

NOTICE sur quelques Manuscrits grecs apportés récemment d'Égypte.

LES monumens dont je vais entretenir aujourd'hui l'académie (1); quoique venus d'Égypte, n'appartiennent pas à cette classe nombreuse de monumens antiques qui doivent faire pendant long-temps encore le désespoir des savans. Il s'agit de manuscrits grecs. M. Casati, voyageur récemment arrivé d'Égypte, en a rapporté, avec d'autres antiquités, un certain nombre de rouleaux de papyrus, parmi lesquels il y en a deux écrits entièrement en grec; un autre est grec et égyptien, le reste se compose de manuscrits égyptiens écrits en caractères hieroglyphiques ou hiératiques, et accompagnés de figures symboliques du même genre que celles qu'on trouve dans les manuscrits de cette espèce. L'un d'eux, dit-on, a été trouvé sur une momie grecque : il est sans figures.

En outre, M. Casati possède des fragmens de trois ou au moins de deux autres manuscrits sur papyrus, brisés au Caire par la maladresse d'un caschef. Ces manuscrits venoient de l'ile d'Eléphantine. Ces morceaux de papyrus, dont nous allons dire quelques mots pour n'y plus revenir, nous paroissent écrits en latin; les lettres en sont fort grandes, mais tellement surchargées de traits et de ligatures qui les défigurent entièrement, qu'il est fort difficile d'en reconnoître la forme. Cette circonstance, jointe à l'état de destruction très avancé du papyrus, nous

(1) Cette notice a été lue à l'académie des inscriptions et belles-lettres, dans la séance du 16 août dernier.

a empêché d'en entreprendre la lecture. Cette écriture paroît être du genre de celle qui avoit cours au temps de Constantin et de Thécdose: peut-être est-ce quelque ordre ou rescript adressé aux officiers romains. cantonnés dans l'ile d'Eléphantine.

Les manuscrits apportés par M. Casati, sans compter ces fragmens, sont au nombre de seize. Nous ne nous occuperons que des deux manuscrits grecs et de celui qui est écrit en égyptien et en grec.

Ces trois manuscrits ont été apportés de Thèbes : ils n'ont pas été découverts par M. Casati lui-même, mais ils lui ont été vendus par des Arabes, qui lui ont assuré qu'ils avoient été trouvés en même temps que le contrat de Ptolémaïs publié par M. Böckh et que tous les autres manuscrits grecs qui sont entre les mains de MM. Salt et Drovetti. Selon leur rapport, ils auroient été trouvés enfermés dans une même jarre de terre, au milieu des cavernes sépulcrales de l'ancienne capitale de l'Égypte. Quoi qu'il en soit de tous ces détails, on peut toujours regarder comme constant que ces manuscrits viennent de Thèbes. Leur écriture n'est guère meilleure que celle du contrat publié par M. Böckh; le déchiffrement en est fort difficile: on devine plutôt qu'on ne lit, en se laissant guider par le sens et par la connoissance qu'on a de la langue, plutôt que par les formes qu'on a sous les yeux et qui varient considérablement.

Le premier de ces manuscrits a seize pieds et demi de longueur, sur huit pouces de hauteur; il est écrit dans toute sa longueur; on trouve d'abord dix lignes de seize pouces, puis neuf autres lignes de huit pouces; elles sont suivies de quatre cent quatre-vingt-six lignes plus courtes disposées en colonnes; les six dernières lignes sont d'une autre écriture, ou au moins d'une écriture beaucoup plus cursive ou plus mal formée. Voici les observations que j'ai faites sur ce manuscrit. En tète j'ai trouvé la date, aussi longuement exprimée que celle du contrat de Ptolémaïs, et conçue à-peu-près dans les mème termes. La voci : Βασιλεύρι των Κλεοπάτρας και Ππλεμαία θεῶν φιλομητόρων σωτήρων ἔτης Δ, ἐφ' ἱερέως βασιλέως Πτολεμαίου δεν φιλομήτορος σωτήρος, Αλεξάνδρα, και θεῶν σωτήρων, भू κ θεῶν ἀδελφῶν, κ θεῶν εὐεργέτων, και θεῶν φιλοπατόρων, κ θεῶν ἐπιφανῶν, τη θεῖ εὐπάτορος, καὶ θεῖ φιλομήτρος, καὶ θεῖ εὐεργέτε, και θεῶν φιλομήτορων σωλίρων ; puis, après quelques mots, on lit άθλοφόρε Βερενίκης εὐεργέτιδος κανηφορά Αρσινόης φιλαδέλφες, ἱερέας (pour ἱερείας) Αρινόης φιλοπαλόρος. C'es --dire, sous le règne de Cléopâtre et de Ptolémée, dieux philométors et sauveurs, l'an 4, sous le prêtre du roi Prolémée, dieu philométor et sauveur, et d'Alexandre, et des dieux soters, des dieux adelphes, et des dieux évergètes, et des dieux philopators, et des dieux épiphanes, et du

dieu eupator et du dieu philométor, et du dieu évergètes et des dieux, philométors et soters...... sous l'athlophore de Bérénice Evergétis, sous la canéphore d'Arsinoé Philadelphe, sous la prêtresse d'Arsinoé philopator, qui sont à Alexandrie.

On peut voir par le simple énoncé du protocole que ce manuscrit est plus ancien que celui qui a été publié par M. Böckh: tous deux ils ont été écrits sous le règne de la même reine, mais non du même roi. Le nôtre est de l'an 4 du règne de Cléopâtre, veuve de Ptolémée Évergètes II, qui occupoit alors le trône avec son fils aîné Soter II; l'autre est de l'an 12 du règne de la même Cléopâtre, qui avoit associé à l'empire son autre fils Alexandre. Ce dernier prince comptoit alors sa neuvième année de règne, quoiqu'il ne fût assis sur le trône d'Égyp ́e que depuis deux ans environ: mais il datoit les années de son règne de l'époque où il avoit reçu en Cypre le titre de roi. Notre papyrus est donc de huit années plus ancien que celui qui appartient à M. d'Anastasy et qui a été publié par M. Bockh. Il contient de même un contrat de vente, mais pour des biens d'une étendue et d'une importance beaucoup plus grandes; leur désignation et l'indication de leurs limites tiennent une très-grande place dans l'original. Le vendeur s'appeloit Orus fils d'Orus; comme les vendeurs mentionnés dans le contrat de Ptolémaïs, il appartenoit à une tribu ou corporation d'ouvriers en cuir Memnoniens; on trouve son nom et ses qualités, son signalement et la mention expressive de son âge, circonstance que M. Böckh n'avoit pas remarquée sur l'autre contrat, mais qui y a été reconnue depuis par M. Jomard. Orus avoit cinquante-cinq ans. Les acheteurs s'appellent Osoroères, fils d'Orus, âgé de quarante cinq ans, taille moyenne, teint jaune, peau lisse, visage large, nez droit, et Nechomonoes et Petosiris, chacun pour un quart. Ετρία)ο όσοιήρης Ωρου ὡς LME μέσος μελίχςως τελανός μακροπρόσωπος εὐθύειν και Νεχομωνόης και Πελάσεις έκατος κατὰ τὸ Δ. Ces particuliers, comme on le voit par la suite de l'acte, étoient frères. Le quatrième acquéreur, pour le dernier quart, est Tages, qui me paroît être une femme. Viennent ensuite les conditions de la vente. Les quatre cent quatre-vingts petites lignes qui viennent ensuite ne contiennent pas autre chose qu'une longue série de noms propres. Après le nom de chaque individu est celui de son père, et la désignation de sa tribu, de sa corporation, de son état ou de son lieu de naissance ; je n'ai aucune raison de me décider à cet égard. Je présume que cette liste contient le nom de tous les esclaves attachés aux domaines vendus, mais ce n'est là qu'une conjecture. Les six dernières lignes, écrites, ainsi que je l'ai déjà dit, d'une écriture un peu différente, contiennent la mention de l'enregistrement, les noms

des officiers publics nécessaires pour assurer la validité de l'acte, et le résumé des conditions, comme dans le contrat de Ptolémaïs. La date y est répétée de même, en indiquant seulement l'année (éruç Ã, l'an 4), sans rappeler non plus sous quel roi.

Il paroîtroit que ce contrat a été fait dans le même lieu que celui de M. d'Anastasy, qu'on regarde comme dressé à Ptolémaïs de la Thébaïde, ou dans les limites de la même juridiction; car, après le long protocole qui commence l'acte, on trouve, comme dans l'autre, les mots à fè 1170λeμaïc is OnCaidos, et la mention des prêtres, prêtresses et canéphores de cette ville, qui devoient être relatés dans les actes publics, Εφ' ἱερέων καὶ ἱερείας και κανηφόρες τῶν ὄντων καὶ ἐσῶν. Le nom du lieu vient ensuite; je n'ai pu le lire avec certitude: il est suivi du nom du nome; ce n'est pas Tathyrites, comme M. Böckh a cru le voir, dans le contrat de Ptolemaïs, mais il y a bien distinctement Pathyrites (1), čv . . . . . To Пadvelte me encaidos. Cette leçon, en assurant l'existence du nome Puthurites, mentionné par Pline (2), pourroit aussi donner lieu de croire que ces deux actes n'ont pas été faits à Piolémaïs, mais dans les en-. virons de Thèbes; car il me paroît constant, comme je l'ai déjà dit ailleurs (3), que le Pathurites de Pline ne peut être autre chose que le nome même de Thèbes, dont c'étoit le nom égyptien. Alors on ne seroit plus obligé de supposer, comme je l'avois d'abord pensé, que Tathyris, nom d'un canton que Ptolémée place auprès d'Abydus, étoit une ancienne dénomination du nome Thinitès, dans lequel Ptolémaïs étoit située (4). Les sacerdoces éponymes de Ptolémaïs ne seroient relatés dans ces contrats que parce que cette ville grecque, fondée par le premier des Lagides, étoit la métropole de l'Égypte supérieure. Alors, de même que les pontificats éponymes d'Alexandriedevoient être rappelés dans toute l'Egypte, ceux de Ptolémaïs indiqueroient de plus que les pièces ou ils se trouvent ont été rédigées dans la haute Egypte. Après fa mention des prêtres de Ptolémaïs, est la date précise, qui est le 9 du mois épiphi. unvès Emo ; l'enregistrement est du 28 mesori, cinquante jours après. Le 9 épiphi de la quatrième année du règne de la reine Cléopâtre, avec son fils Soter II, répond au 25 juillet, 113 avant J. C., et le 28 mesori, au 12 septembre de la même année. Ce contrat est donc bien certainement la pièce la plus ancienne que l'on connoisse jusqu'à présent, écrite en langue grecque, puisque

(1) M. Jomard a lu de même Pathyrites sur le manuscrit de M. d'Anastasy. -(2) Hist. nat. lib. v, cap. 9.- (3) Journal des Savans, septembre 1821, P. 540.- (4) Ibid. p. 541.

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