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Tout ce qui peut concerner les annonces à insérer dans ce journal, · lettres, avis, mémoires, livres nouveaux, &c. doit être adressé, FRANC DE PORT, au bureau du Journal des Savans, à Paris, rue de Ménil-montant, n.° 22.

JOURNAL

DES SAVANS.

DÉCEMBRE 1822.

ROMANCES HISTORIQUES, traduites de l'espagnol par A. Hugo. Paris, chez Pelicier, libraire, place du Palais royal, n.o 243, 1822, 1 vol. in-12.

M. ABEL HUGO a précédemment publié en original le ROMANCERO du roi Rodrigue, c'est à-dire, la collection des romances espagnoles qu'on retrouve encore sur les fautes et les malheurs de ce roi, et sur la grande catastrophe que le ressentiment du comte Julien fit peser sur l'Espagne entière: aujourd'hui M. Hugo donne la traduction des principales romances historiques qui forment une des plus intéressantes parties de la littérature espagnole, de ces romances consacrées à célébrer les grands événeinens nationaux, les exploits héroïques et les héros eux

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mêmes. En parlant de ces compositions littéraires, qui appartiennent à divers temps et à divers auteurs, mais dont l'Espagne a droit de s'enorgueillir à tant de titres, Lopez de Véga a dit très-ingénieusement, qu'elles forment une iliade qui n'a pas eu d'Homère.

Le traducteur a placé au-devant de son recueil un discours sur la poésie historique chantée, et sur la romance espagnole. C'est un morceau de littérature où l'on remarque des recherches faites avec soin et de justes appréciations. M. Hugo examine quelle fut la poésie historique chez les Hébreux et les Grecs. I la trouve chez les Latins, seulement pendant le moyen âge; il la suit chez les Arabes, les Provençaux et divers autres peuples, et enfin chez les Français; et il avance que, sous les rois de la première race, les Français possédoient, dans des chansons historiques, la suite complète de leurs annales; que ces chansons, écrites en latin et en langue barbare, furent recueillies par Charlemagne; qu'il en existoit un exemplaire dans la bibliothèque de Charles VI à la tour du Louvre, et il présume qu'il passa en Angleterre, lorsque le duc de Bedfort commandoit dans Paris.

Je regrette que M. Hugo n'ait pas cité les autorités qui ont constaté l'existence de ce manuscrit dans la bibliothèque de Charles VI.

Puisque, dans ce discours préliminaire, M. Hugo a eu soin de faire connoître et de traduire divers chants historiques qui sont relatifs à des exploits intéressans pour les différentes nations, il auroit pu y ajouter la traduction de l'ode composée en langue francique en l'honneur de Louis, fils de Louis le Bègue, pour célébrer la victoire remportée en 883 sur les Normands, près de Sodalcurch. Cette ode se trouve en original dans l'ouvrage intitulé Langue et littérature des Francs, par G. Gley, 1814, un volume in-8. On y trouve la traduction latine et littérale de Schilter, et une traduction plus libre en français par M. Gley.

Le traducteur parle ensuite des romances espagnoles, et les classe, comme d'autres littérateurs l'ont fait, en romances HISTORIQUES, CHEVALERESQUES et MAURESQUES.

Il ne s'agit à présent que des romances historiques, dont M. Hugo publie un choix qui suffira pour faire juger très-avantageusement de cette belle portion de la gloire littéraire espagnole. Pour justifier le mot de Lopez de Véga, je dirai que l'on retrouve dans ces ouvrages les faits les plus célèbres ou les plus intéressans de l'histoire nationale, qu'on y apprend à admirer les héros du moyen âge, dont la renommée est le plus justement consacrée ; et je choisirai de ce recueil quelques morceaux dont l'analyse et les citations seront en quelque sorte des épisodes de la grande épopée où figurent les preux espagnols, où sont célébrés

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les grands événemens historiques; mais je dois, avant tout, présenter quelques observations sur une erreur que j'ai déjà eu occasion de réfuter, et que je dois réfuter encore, parce qu'elle est reproduite par un traducteur qui a fait une étude de ces monumens littéraires, et dont l'opinion pourroit servir d'autorité.

M. Hugo dit positivement que les romances historiques ont été composées sur les événemens de l'histoire des chrétiens d'Espagne par des poëtes CONTEMPORAINS.

J'ai soutenu en plusieurs occasions, et dernièrement à l'occasion de la publication que M. A. Hugo a faite du ROMANCERO du roi Rodrigue, qu'il falloit beaucoup rabattre de cette prétendue antiquité des romances historiques espagnoles. Indépendamment de ce que j'ai dit alors au sujet du langage de ces poésies, qui paroît évidemment il beaucoup moins ancien que celui de divers ouvrages que j'ai cités, suffit de faire attention à certains détails que contiennent les romances, pour reconnoître combien l'époque de leur composition doit être plus rapprochée que celle de beaucoup d'ouvrages espagnols qu'on a réunis en collection sous le titre de COLECCION DE POESIAS CASTELLANAS ANTERIORES AL SIGLO XV.

J'examinerai de préférence les romances relatives à Bernard de Carpio, qui vécut sous Alfonse le Chaste, c'est-à-dire, dans le 1x. siècle. Qu'on juge si les traits suivans peuvent se rencontrer dans un poëte qui auroit été contemporain de ce héros.

Dans la romance NO TIENE HEREDERO ALCUNO, l'auteur parle de Charlemagne et des PAIRS de France; dans la romance CON LOS MAJORES DE ASTURIAS, il s'agit d'armoiries anciennes et de blason. On trouve dans la romance RETIRADO EN SU PALACIO, une allusion aux armes de Castille, vivent la Castille et ses lions redoutés!

La romance, UN GALLARDO PALADIN, que M. Hugo n'a pas insérée dans sa collection, mais qui auroit pu y trouver place, puisqu'elle est relative à une victoire de Bernard de Carpio, parle du Dauphin de France;

De Francia quinto Delfin.

Pour faire admettre que ces romances historiques ont été composées par des poëtes contemporains, il faudroit prouver, 1.° que le langage en a été corrigé; 2.° qu'on y a introduit, très-postérieurement à leur composition, des détails qui avoient rapport à des circonstances ou à des institutions beaucoup moins anciennes, et c'est ce qui reste à dé

montrer.

Je ne crois pas qu'il existe d'ancien manuscrit qui contienne le recueil

des romances espagnoles, comme on en a des poëmes recueillis dans la collection dont j'ai parlé.

Pour donner une idée des romances espagnoles, je m'attacherai particulièrement, comme je l'ai annoncé, à celles qui sont consacrées à Bernard de Carpio. M. A. Hugo ne les a pas toutes traduites; et dans celles qu'il a traduites, il me semble qu'il a une fois interverti l'ordre des temps. Durant le règne d'Alfonse le Chaste, Sancho Diaz, comte de Saldagna, inspira une grande passion à l'infante Chimène, sœur du monarque. Bernard de Carpio fut le fruit de leurs amours; mais le roi irrité fit mettre le comte en prison, et, d'après la romance EN LOS REGNOS DE LEON, que M. Hugo n'a pas traduite, l'infante fut reléguée dans un monastère.

Première romance. Cette romance raconte le désespoir du comte, ses plaintes contre le roi, les consolations, le plaisir qu'éprouve cet illustre et intéressant prisonnier, quand ses gardiens lui parlent des hauts faits de son fils.

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Deuxième romance. Bernard, élevé mystérieusement, apprend enfin le secret de sa naissance, et toutes les infortunes des auteurs de ses jours alors, tournant vers le ciel ses yeux d'où tombent de grosses larmes, il dit, la face enfiammée de colère et se mordant les lèvres : « Que mes amis cessent d'avoir mon amitié en honneur; qu'au pre» mier combat, je sois fait prisonnier, maltraité, ou tué par les Maures; » que mon coursier fidèle me renverse, me traîne et me déchire en >> morceaux, et qu'à l'heure du danger ma main armée de l'épée >> retombe impuissante, si je ne force le roi Alfonse à rendre la » liberté à mon père, ou si je ne lui fais la guerre comme à un tyran

» et à un criminel ! »

M. Hugo a dit, dans son discours préliminaire, que les auteurs des romances espagnoles avoient imité les troubadours. Le mouvement, la sorte d'imprécation, qui animent les paroles inspirées par l'indignation à Bernard de Carpio, se trouvent dans une pièce de Bertrand de Born, troubadour du XII. siècle, qui consacre cette pièce entière à appeler sur lui tous les malheurs qui peuvent l'accabler, s'il est vrai qu'il ait manqué à ses devoirs envers sa belle (1).

Troisième romance. Bernard se présente devant le roi, lui demande la liberté du comte. Elle lui est promise; mais le roi avoit fait arracher les yeux au prisonnier.

(1) Elle se trouve dans le Choix des poésies originales des troubadours, tom. III, p. 142; les détails en sont souvent piquans, et quelquefois trop libres.

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