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Aimer en divers lieux, c'étoit être profane;
Les plus doux changemens étoient.lors inconnus,
Et le bon Amadis eût rebuté Vénus.

Mais ses lois aujourd'hui passent pour rêverie,

De même que son ordre et sa chevalerie.

Dans la pièce de L'INNOCENTE INFIDÉLITÉ, le poëte fait réciter par la nourrice les vers suivans:

Quel t'imagines-tu ce fantôme d'honneur!

La jeunesse ignorante en fait tout son bonheur....
Et, tout ce qu'on lui dit, pense qu'on le pratique.
Mais par le cours du temps l'amour a sa saison.
II chasse ces erreurs, et nous fait reconnoître

Que paroître pudique est ce qu'on nomme l'être.

Rotrou a parlé quelquefois de cet accident domestique dont Molière a souvent fait le sujet de ses plaisanteries.

Ainsi dans LES SOSIES:

AMPHITRYON.

O voyage! ô triomphe à mon honneur fatal!

SOSIE.

Ce mal est si commun que ce n'est plus un mal.
Le plus fin aujourd'hui le souffre par coutume,

Et le fou seulement de regrets se consume.

L'idée de ces vers n'a point été fournie par Plaute; Rotrou les a donc insérés dans sa pièce pour amuser les spectateurs. Il en est de même des vers suivans, tirés des CAPTIFS :

Car enfin ce hasard, qui suit le mariage,

Peut, ainsi qu'au plus fol, arriver au plus sage,
Aux plus jaloux maris comme aux plus indulgens,
Et me seroit commun avec d'honnêtes gens.

Croiroit-on qu'on trouve dans Rotrou des vers tels que ceux-ci! le roi de Sicile, dans la pièce de LA BAGUE DE L'OUBLI, parle à sa sœur Léonor, éprise d'un amant que ce roi ne lui permet pas d'épouser : Je vous ai toujours crue et plus noble et mieux née

Que d'aspirer au joug d'un honteux hyménée.
Ce mignon qui vous plaît est bon pour favori;
Mais le duc de Calabre est meilleur pour mari.

Les pièces de Rotrou permettent de croire que les règles de la décence théâtrale n'étoient pas de son temps aussi sévères que du nôtre. Il seroit facile d'en fournir des preuves nombreuses.

Dans les pièces de Rotrou, comme dans les romans de l'époque,

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beaucoup de personnages composent, envoient ou récitent des vers. Ce poëte a souvent orné ses monologues de ces stances dont Corneille avoit conservé l'usage en quelques-unes de ses pièces. Mais une formie `qui n'a pas été imitée depuis, c'étoient les dialogues en stances. La mesure des vers, le mélange des rimes, étoient symétriquement arrangés pour chaque interlocuteur.

Ces stances ont parfois un aimable abandon, qui prouve la grande flexibilité du talent de Rotrou.

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Voici une stance de LA BELLE ALPHEREDE:
Quoi! passe-temps pleins d'innocence,

Doux exercices de l'enfance,

Mes chères libertés, mes ébats, mes plaisirs,
Innocens entretiens de ma jeune pensée;
Vous m'avez délaissée,

Et vous m'abandonnez à de nouveaux désirs!

En parlant de gracieux abandon, je dois citer ces vers de L'INNOCente Infidélité.

Qu'un instable pouvoir gouverne toutes choses!
Le plus ferme pouvoir passe comme les roses.
Pour elles vivre un jour est un heureux destin,
Et le soir y détruit l'ouvrage du matin.

...

Les citations que j'ai eu occasion de faire, donneront sans doute une idée très-avantageuse, sinon des compositions de Rotrou, qu'il ne m'étoit pas possible de juger ici en détail, du moins de la variété et de l'élégance du style comique de cet auteur.

En terminant ces observations sur les comédies de Rotrou, je ferai remarquer qu'il a traduit dans sa comédie de LA SŒUR, et d'une manière aussi précise qu'exacte, la pensée d'un illustre père de l'Église, qui a dit de la conscience: ipsa testis, ipsa judex, ipsa tortor; ce que le poëte comique a rendu ainsi :

Témoin, juge et bourreau de votre perfidie.

J'examinerai maintenant Rotrou comme poëte et écrivain tragique. En disant que le cardinal de Richelieu avóit beaucoup protégé notre théâtre et les auteurs dramatiques, que mème il avoit indiqué et dirigé la composition de plusieurs pièces, on la loué de ce qu'il avoit cherché dans ces plaisirs de l'esprit un noble délassement, une heureuse distraction des affaires et du travail: ne seroit-il pas permis de croire que le cardinal de Richelieu portoit jusque dans ces amusemens du théâtre quelque vue politique! On peut présumer qu'en faisant composer sous ses auspices et représenter sur son théâtre, des pièces auxquelles travail

loient et concouroient divers auteurs célèbres, tels que Rotrou et Corneille, le grand ministre avoit senti quel avantage il pouvoit tirer du théâtre par l'influence qu'auroient les maximes politiques qui y seroient récitées, et auxquelles s'accoutumeroient, sans trop s'effaroucher, les personnes qui formoient alors l'illustre auditoire des ouvrages dramatiques. Qu'on ne soit donc pas surpris de trouver dans Rotrou des passages tels que ceux-ci.,

Dans L'HEUREUX NAUFRAGE:

La volonté des rois par l'effet seul s'explique;

On suit leur passion ou juste ou tyrannique;

Et toujours un sujet se porte justement

A l'exécution de leur commandement.

Dans L'INNOCENTE INFIDELITÉ :

Ce qu'au ciel sont les dieux, les rois le sont sur terre;
Et c'est ternir l'éclat de votre dignité

Que de souffrir qu'elle ait un pouvoir limité.

et dans la même pièce :

Que ne peuvent les rois,

Et qui peut sans offense en corriger les lois !

Quel obstacle peut être à leur desir contraire!

Et quel temps leur faut-il entre vouloir et faire?.

LAURE PERSÉCUTÉE fut jouée en 1637. Le cardinal de Richelieu gouvernoit alors la France sous le nom de Louis XIII. Dans la préface de CLARICE, jouée en 1641, c'est-à-dire, un an avant la mort de ce ministre célèbre, Rotrou proteste encore publiquement de la passion qu'il a d'avoir l'honneur de divertir le premier esprit de la terre.

vers suivans, tirés de LAURE PERSÉCUTÉE:

Les ver

La perte d'un sujet dangereux à l'état,"

Avant tout autre soin, importe au potentat;

Tel membre retranché du corps d'une province
Est le salut du reste et le repos du prince:

ces vers, dis-je, ne seroient-ils pas une malheureuse allusion aux condamnations extraordinaires prononcées sous le ministère du cardinal! Corneille n'avoit encore donné au théâtre français ni le Cid, ni même Médée, lorsque Rotrou fit jouer son HERCULE MOURANT. Cette pièce, dans laquelle il n'a pas fait de grands efforts d'invention, se distingue par quelques passages dont le style est celui de la bonne tragédie, et dont l'exemple ne fut peut-être pas inutile au grand Corneille lui-même. DEJANIRE. 1. ).

Qu'Hercule me trahisse et qu'lole me brave;

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Que de toi Junon même apprenne à se venger. (Acte 11, scène 11.) La prière qu'Hercule, tourmenté par les effets affreux de la robe empoisonnée, adresse à Jupiter, est pareillement remarquable par la force et la pureté du style.

HERCULE à Jupiter.

D'un regard de pitié daigne percer la'nue, r

Et sur ton fils mourant arrête un peu la vue;
Veis, Jupin, que je meurs: mais vois de quelle mort!
Et donne des secours ou des pleurs à mon sort.
J'ai toujours dû ma vie à ma seule défense,
Et je n'ai point encore imploré ta puissance.
Quand les têtes de l'hydre ont fait entre mes bras
Cent replis tortueux, je ne te priai pas;
Quand j'ai, dans les enfers, affronté la mort même,
Je n'ai point réclamé la puissance suprême;-
J'ai de monstres divers purgé chaque élément,
Sans jeter vers le ciel un regard seulement.
Mon bras fut mon recours, et jamais le tonnerre
N'a, quand j'ai combattu, grondé contre la terre;
Je n'ai rien imploré de ton affection,

Et je commence, hélas! cette lâche action.

Aux prières enfin ce feu m'a fait résoudre,

Et, pour toute faveur, j'implore un coup de foudre.,

Voilà Rotrou justifiant par la beauté et la force de son style tragique,. antérieurement au Cid, le noble hommage que Corneille lui rendoit, en l'appelant son père.

Dans un dernier article, je continuérai à considérer Rotrou comme poëte et écrivain tragique,

RAYNOUARD.

NOUVELLES LIVRES

INSTITUT ROYAL DE FRANCE.

LE 28 novembre, l'académie française a tenu une séance publique pour la réception de M. l'évêque d'Hermopolis et de M. Dacier. Chacun de Messieurs les récipiendaires a prononcé un discours: M. Bigot de Préameneu a répondu, en qualité de directeur, à M. l'évêque d'Hermopolis; et M. Villemain, en qualité de chancelier, à M. Dacier. La séance a été terminée par la lecture d'une épître inédite de Ducis.

L'académie royale des inscriptions et belles-lettres a mis au nombre de ses co respondans M. Schweighæuser fils, de Strasbourg.

L'académie royale des sciences a élu M. Fourier à la place de secrétaire perpétuel, vacante par le décès de M. Delambre.

LIVRES NOUVEAUX.

TRANCE.

Discours prononcés dans la séance publique de l'académie française, le 28 novembre 1822, par M. l'évêque d'Hermopolis, et par M. le comte Bigot de Préameneu. Paris, Firmin Didot, imprimeur de l'Institut; 17 pages -4°

Discours prononcés (dans la même séance) par M. Dacier et par M. Villemain. Ibid.; 23 pages in-4.

Les Mille et une Nuits, contes arabes, traduits en français par Galland; nouvelle édition, revue, accompagnée de notes, augmentée de plusieurs contes traduits pour la première fois, et publiée par M. Edouard Gauttier; 7 vol. in-8.o, ornés de 21 gravures, Cette belle édition, publiée par la Société de traduction, est imprimée par 1 irmin Didot, en caractères neufs, sur papier fin. Le tome 1.cr est en vente. Lorsque les temes II et III auront été publiés, la souscription sera fermée, et le prix de tout l'ouvrage sera de 63 fr. en papier fin, 120 fr. papier vélin, 200 fr. papier grand raisin vélin. La première livraison de gravures paroîtra vers le 15 novembre. La société, pour compléter, autant qu'il est en elle, les Mille et une Nuits, vient d'acquérir un manuscrit traduit par feu A. Herbin, orientaliste distingué. Ce manuscrit appartient évidemment à la collection des Mille et une Nuits. Il sera publié en un volume orné de trois gravures, qui se vendra séparément, comme formant supplément à toutes les éditions des Mille et une Nuits; il sera imprimé sur même papier et en mêmes caractères que cette édition, et les souscripteurs seront libres de le prendre comme huitième volume. Le prix sera de 8 fr. pour les souscripteurs, et de 10 fr. pour ceux qui le prendront isolé. On souscrit, à Paris, chez J. A. S. Collin de Plancy, éditeur des ouvrages publiés par la Société de traduction, rue Montmartre, n.o:121, et chez Brissot-Thivars.

Clytemnestre, tragédie en cinq actes, par M. Alex. Soumet, représentée sur le premier Theâte français, le 7 novembre 1822. Paris, impr. de Cosson, chez Ponthieu, in-8. de 5 feuilles et demie. Prix, 3 fr. 50 cent.

"Saul, tragédie en cinq actes, par M. Alex. Soumet, représentée sur le second Théâtre français, le 9 novembre 1822. Paris, impr. de Cosson, chez Ponthieu, in-8. des feuilles et demie., Prix, 3 fr. 50 cent.

Collection des classiques français, avec une notice sur la vie de chaque auteur

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