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leur crédulité n'a-t-elle pas été excessive et, lorsqu'on voit un ensemble d'assortiments dans un magasin, est-on bien autorisé à croire, sur la seule foi des apparences, que ces assortiments appartiennent au débitant, dégrevés de toute espèce de charge? Au moins pour certaines catégories d'articles, à raison des usages suivis dans le commerce, le devoir des créanciers était de s'informer.

2o Il reste à envisager la question des risques. Les objets déposés périssent par incendie ou autrement, mais sans la faute du débitant, pendant qu'ils sont dans son magasin; ou bien on les lui a dérobés par le moyen d'un vol ou d'une escroquerie. En doit-il le prix, l'estimation au déposant? Dès l'instant qu'on se prononce en faveur d'une vente affectée d'une condition suspensive, le problème se tranche de lui-même. La chose demeure aux risques de celui de qui elle provient, aux risques de celui qui a stipulé une contre-valeur en échange. On suit la règle de l'article 1182 Cod. civ. en en modifiant les termes pour approprier cette disposition au cas présent. L'interprétation de la convention comme vente sous condition résolutoire aboutirait à une conséquence diamétralement contraire.

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Les textes romains présentent ici une antinomie. Le fragment qui forme le paragraphe 1 de la loi 1r d'Ulpien au titre de aestimatoria statue dans un sens opposé à celui que j'accepte comme conséquence de la condition suspensive: le risque incombe au preneur, au détaillant. Mais le même jurisconsulte rétracte plus loin son opinion, ou il ne la maintient que dans un seul cas, dans celui où le preneur a sollicité l'autre partie à conclure le marché. En toute autre hypothèse, le débitant qui a perdu la chose sans sa faute est libéré1 (L. 17, §1, Praesc. verb.).

C'est cette dernière solution qui est la bonne et qu'il faut retenir. On aurait tort de s'attacher à savoir quelle est la partie sur l'initiative de laquelle le contrat s'est formé cet élément de fait sera le plus souvent impossible à établir: qui donc des deux opérateurs a offert ses services au second et n'ont-ils pas été généralement l'un audevant de l'autre ??

Ainsi, tout en refusant à la vente à condition le caractère d'une

V. une conciliation des deux textes dans Dernburg. II. § 120, et dans Accarias, n° 653, note.

Dans ce sens, l'Ally. L. R. prussien, ainsi que le Code du royaume de Saxe Holtzendorff, op. cit., vo Trödelvertrag).

commission, et après avoir écarté d'elle un certain nombre des effets attachés à la commission de vente, tels que la nécessité de rendre compte des prix réellement obtenus de la clientèle, nous concluons, sur le double terrain du « transfert de propriété » et des « risques », à une identité de résultats pour ces deux opérations. Comme le commettant qui a mis sa marchandise en consignation, le livreur à condition est garanti contre l'insolvabilité du preneur du produit survenant avant la revente. Comme ce même commettant, il est exposé à perdre sa chose, sans pouvoir prétendre à un équivalent, si elle vient à périr dans les magasins du preneur. Ce n'est point par une identité de constructions juridiques que nous arrivons à des conséquences pareilles, car un mandat nous apparaît d'un côté, et une vente conditionnelle de l'autre, deux conventions assez différentes pour ne pas être confondues

Ce qui demeure certain, c'est que la piste sur laquelle nous avons dù nous engager afin de déterminer les traits spécifiques du contrat estimatoire, ce sont les jurisconsultes classiques qui nous l'ont ouverte, et que, si nous avons été induits à donner plus d'unité au raisonnement juridique qu'ils ne l'avaient fait lorsqu'ils créaient en marge de la vente un contrat innommé, jugé maintenant superflu, à tout le moins devons-nous avouer que les Romains ont bien fait de retenir notre attention sur une opération usuelle, essentiellement propice au rayonnement du commerce. Leurs solutions sont celles que nous appuyons à notre tour, car elles ont le double mérite d'être bien coordonnées et de porter la marque de leur génie pratique.

L'expérience qui vient d'être faite sur un petit coin du droit privé pourrait être reprise un nombre de fois illimité. Elle finirait, en se multipliant, par persuader les incrédules que la technique des contrats et des marchés modernes, c'est toujours au cœur de la législation romaine qu'il faut aller la prendre.

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